Économie et social Analyse

Le Parquet de Nanterre rattrape l'ancien patron de Vinci

Le parquet de Nanterre a cité à comparaître Antoine Zacharias pour «abus de biens sociaux». Cette décision est sans précédent: jamais le parquet n'a poursuivi au pénal un ancien dirigeant du Cac 40 pour ses rémunérations abusives. Trois ans après, l'affaire Vinci continue de symboliser la cupidité de certains patrons. Question: à partir de quel niveau de rémunération la justice peut se mêler de décisions validées par un conseil d'administration? Analyse.

Martine Orange

Le cas est sans précédent. Pour la première fois, le Parquet a décidé de poursuivre au pénal un ancien dirigeant du Cac 40 pour ses rémunérations abusives. Trois ans après la plainte d'actionnaires, le Parquet de Nanterre a cité à comparaître Antoine Zacharias, ancien PDG de Vinci, pour «abus de biens sociaux». L'ancien dirigeant du premier groupe de BTP français se voit reprocher d'avoir bénéficié de plans de stock-options en 2004, 2005 et 2006, «dont la plus-value potentielle au 1er juin 2006 a été estimée à 92,4 millions d'euros». Il est également reproché à Antoine Zacharias d'avoir modifié le comité des rémunérations du groupe en y nommant des personnes proches qui ont avalisé sans discuter les modifications de sa rémunération, notamment pour le calcul de sa part variable à partir de 2004.
Au moment où la justice s'inquiète de la disparition des juges d'instruction, que beaucoup redoutent l'enterrement des affaires, la décision du parquet de Nanterre, dirigé par Philippe Courrouye, destiné semble-t-il à devenir procureur général de Paris, paraît offrir un démenti à toutes les craintes. Le dossier a été conduit sans passer par un juge d'instruction. Et l'affaire n'a pas été oubliée. Et quelle affaire! Quel plus beau symbole qu'Antoine Zacharias devenu l'emblème de la cupidité sans frein du monde des affaires. Comment ne pas y voir aussi un avertissement pour tous les grands patrons qui refusent d'entendre la voix de la raison?
Profitant de son succès, Antoine Zacharias a poussé au paroxysme les dérives d'un système. Lorsque l'affaire Vinci éclate le 28 mai 2006, l'opinion publique découvre avec stupéfaction les pratiques du monde des affaires. Un patron, payé plus de 4,4 millions d'euros par an, parti à la retraite avec une prime de 13 millions d'euros, possédant un paquet de stock-options d'une valeur de 250 millions d'euros, ose encore demander une commission de 8 millions d'euros pour un motif qu'on ne pensait même pas pouvoir être avancé: avoir réussi à négocier au rabais avec l'Etat le rachat des autoroutes du Sud de la France (ASF)!
Même les grands patrons sont scandalisés, moins pour le motif d'ailleurs que pour les montants en jeu. «J'en avais le haut-le-cœur», déclare Laurence Parisot, présidente du Medef. A l'intérieur, le conseil qui jusqu'alors a tout cautionné se déchire. Une petite majorité finit par acculer Antoine Zacharias à la démission. Alain Minc, conseiller du président de Vinci, et administrateur du groupe, lui reste fidèle jusqu'au bout. «Il fallait récompenser le succès», explique-t-il.

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