Jérôme Harbourg, candidat du Rassemblement national malgré sa mise en examen

Investi dans la première circonscription de Guyane, Jérôme Harbourg est mis en examen pour « faux et usage de faux » et « inscription indue sur une liste électorale ». Fort des résultats de Marine Le Pen à la présidentielle, il espère une percée.

Helene Ferrarini (Guyaweb)

3 juin 2022 à 17h30

Cet article est en accès libre.

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Cayenne (Guyane).– Le Rassemblement national (RN) tient à son jeune délégué départemental Jérôme Harbourg, aujourd’hui âgé de 25 ans. Lors des élections législatives partielles de 2018, les électeurs et électrices de la deuxième circonscription guyanaise découvraient le visage juvénile de cet étudiant en droit, alors âgé de 21 ans. Il s’était présenté à la députation à l’occasion d’une législative partielle et avait reçu 1,80 % des suffrages exprimés, soit 248 voix, dans une élection à laquelle il n’avait pas voté, n’étant pas domicilié dans la circonscription.

Quatre ans plus tard, Jérôme Harbourg est de nouveau candidat aux législatives, cette fois dans la première circonscription de la Guyane. Entre-temps, ce natif de la Réunion s’est activé à implanter le parti de Marine Le Pen en Guyane. Au point d’avoir possiblement enfreint la loi. Depuis mai 2020, Jérôme Harbourg est mis en examen pour « faux et usage de faux en écriture privée » et « inscription indue sur une liste électorale par déclaration frauduleuse ou faux certificat ». Il a été entendu par la justice sur le fond de l’affaire le 7 septembre 2021, mais deux ans après le début de la mise en examen, le dossier est « toujours à l’instruction », précise le parquet de la Guyane, tout comme « 450 dossiers ».

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Jérôme Harbourg a été entendu par la justice en octobre 2021. © Photo Katia Leï-Sam (Guyaweb)

Rappel des faits, qui avaient été révélés par Guyaweb. En mars 2020, le parti de Marine Le Pen retient la commune rurale d’Iracoubo, 1 800 habitant·es, à mi-chemin entre Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni, pour y présenter la première liste annoncée comme « 100 % RN » à des élections municipales. Cette candidature est largement orchestrée par Jérôme Harbourg, qui se trouve en troisième position sur la liste menée par Serge Bourgeois. Mais la tentative d’implantation locale du RN tourne au fiasco.

Quelques jours avant le premier tour, deux plaintes sont déposées par des colistières qui affirment avoir été inscrites à leur insu sur la liste du Rassemblement national. Une des plaignantes dénonce également de fausses attestations d’hébergement établies à son domicile et en son nom, ce qui aurait permis à Serge Bourgeois et plusieurs colistiers de s’inscrire sur la liste électorale d’Iracoubo, où ils n’étaient pas domiciliés.

En mai 2020, Serge Bourgeois et Jérôme Harbourg sont tous deux mis en examen. Depuis, huit victimes présumées ont été identifiées par les enquêteurs, d’après un document auquel nous avons eu accès, soit près de la moitié des personnes inscrites sur la liste qui comptait 19 membres.

Devant le magistrat, Serge Bourgeois « expliquait que les attestations frauduleuses avaient été rédigées par M. Harbourg ». Un document judiciaire que nous avons consulté précise qu’un « rapport d’expertise graphologique mettait en évidence qu’un certain nombre de documents » concernant cinq victimes présumées « avaient été rédigés par M. Harbourg au lieu et place des intéressés ».

Le délégué départemental du RN nie les faits. Et il conserve tout le soutien de son parti. Jérôme Harbourg bénéficie ainsi du conseil d’Alexandre Varaut, avocat au barreau de Paris, habitué à défendre des membres du Rassemblement national et leurs familles. 

« Ça me fait de la pub »

Cette mise en examen n’est « pas du tout un frein pour [s]on investiture » par le Rassemblement national aux législatives, affirme Jérôme Harbourg. Contacté par nos soins, le directeur de la communication du RN, Alexandre Loubet, n’est pas revenu vers nous au moment de la publication de cet article. Avoir des démêlés avec la justice semble faire figure de fait d’armes pour Jérôme Harbourg, qui se dit à plusieurs reprises « ravi » de cette mise en examen. « Ça me fait de la pub, on parle de moi, c’est parfait, c’est l’essentiel. Les autres candidats n’ont pas d’autres arguments pour me contrecarrer », développe-t-il auprès de Guyaweb.

Le jeune militant d’extrême droite se sent fort des scores enregistrés par Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle en Guyane : 60,70 % des suffrages exprimés (21 734 voix) au second tour, et 17,66 % (6 334 voix) au premier tour, dans des scrutins marqués par une abstention massive. Seul un électeur sur trois s’est rendu aux urnes.

18 candidat·es se présentent à l’élection législative dans la première circonscription de Guyane. Et neuf dans la seconde. Le Rassemblement national y présente Virginie Thomas, nouvelle venue dans le paysage politique guyanais. Une candidate que Jérôme Harbourg affirme avoir choisie, au détriment d’Annecie Lartin, originaire de la Réunion, initialement annoncée par le parti et toujours mentionnée à ce jour comme étant candidate dans la deuxième circonscription guyanaise sur le site internet du RN. Le délégué départemental annonce s’être opposé à ce « parachutage ». Virginie Thomas a pour remplaçant Jean-Luc Harbourg, le père de Jérôme Harbourg.

Helene Ferrarini (Guyaweb)

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