L'appel de soutien à Mediapart lancé, lundi 4 mai, par 77 personnalités du monde politique, par des intellectuels et des journalistes (consultable ici), face à l'offensive judiciaire dont nous sommes la cible de la part des Caisses d'épargne et de son nouveau président, François Pérol, a fait boule de neige. Prises de position en cascade de nouvelles personnalités ou d'organisations démocratiques attachées à la liberté de la presse, signatures en ligne de milliers de personnes : les dix plaintes en diffamation déposées par l'ancienne direction des Caisses d'épargne, auxquelles est venue s'ajouter une onzième plainte à l'initiative de l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, ont suscité une forte mobilisation.
Ce mercredi 6 mai, à 13 heures, à l'heure où nous mettons cet article en ligne, 2504 personnes avaient déjà signé l'appel de ces 77 personnalités (dont François Bayrou, Olivier Besancenot, Ségolène Royal, Martine Aubry, Marie-George Buffet, Daniel Cohn-Bendit, Corinne Lepage), qui s'inquiétaient de cet «acharnement» au moment même où «l'Elysée fait peser de lourdes menaces sur le pluralisme de la presse ou l'indépendance de la radio et de la télévision publiques».
Prises de position innombrables, chaleureuses, de lecteurs de Mediapart, de citoyens, de syndicalistes, de salariés, d'intellectuels. La grande diversité des professions mentionnées par les signataires témoigne de l'écho rencontré par l'appel: ici, c'est un luthier qui prend position, là un jardinier, plus loin un skipper, un RMIste, un professeur des écoles, un universitaire, un salarié en instance de licenciement, un chômeur. Et puis beaucoup de salariés, de syndicalistes ou de retraités des Caisses d'épargne...
De nouvelles personnalités sont venues signer spontanément l'appel et se joindre aux « 77 ». Des personnalités politiques – pardon de ne pas pouvoir les citer toutes ici : pêle-mêle, on relève les noms de Jean-Paul Huchon (président PS de la région Ile-de-France), Jean-Marc Ayrault (président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale), de Lyne Cohen-Solal (adjointe PS au maire de Paris), des députés ou députés européens PS, Marie-Noëlle Lienemann, Vincent Peillon, Claude Bartolone (par ailleurs secrétaire national du PS aux relations extérieures), Daniel Goldberg, Danièle Hoffman-Rispal (par ailleurs vice-présidente de l'Assemblée nationale).
De la Libre pensée à la Ligue des droits de l'homme
Au fil de la pétition en ligne, on relève aussi les noms de nombreux intellectuels, universitaires ou artistes parmi lesquels Isabelle This, qui signe en qualité de professeure à Paris 13 (elle est par ailleurs présidente de Sauvons la recherche), Philippe Corcuff (maître de conférences de science politique), Dominique de Courcelles (philosophe), Robert Castel (sociologue, directeur d'études Ehess), Nicolas Offenstadt (historien, université de Paris I), Xavier Timbeau (économiste à l'OFCE), Anne Dorville (scénariste), Xavier Soule (architecte), Peter Kassovitz (cinéaste), Bertrand Monthubert (mathématicien, secrétaire national du PS à l'enseignement supérieur et à la recherche) ou encore François Hartog (historien).
Et puis une cascade de nouvelles prises de position de journalistes : on relève notamment les noms de David Larbre (journaliste à La Tribune – il est par ailleurs responsable de la Société des journalistes de ce quotidien), de Sylviane Baudois (présidente de l'association des journalistes de Toulouse et Midi-Pyrénées), de Jean-Michel Frodon (directeur des Cahiers du cinéma), de Jean-Marie Durand (journaliste aux Inrocks), d'Augustin Scalbert (journaliste à Rue89) ou encore de Frédéric Bonnaud (Europe-1).
L'engagement de plusieurs associations ou personnalités doit aussi être souligné. Parmi les signataires, on relève ainsi les noms de Marc Blondel, qui est le président national de la Libre pensée, et de Jean-Louis Borie, qui est le président du Syndicat des avocats de France.
De son côté, la Ligue des droits de l'homme a publié mardi un communiqué (que l'on peut consulter sur son site internet) affirmant en particulier ceci : « La Ligue des droits de l'Homme tient à témoigner son soutien à Mediapart, et en particulier à Edwy Plenel et Laurent Mauduit. Très soucieuse de la liberté et de l'indépendance des médias, et de la diversité des sources d'information, la LDH déplore les actions judiciaires en cascade dont est victime ce média de la part des Caisses d'épargne et de monsieur François Pérol. La LDH s'interroge sur les fondements d'un tel harcèlement. Dans un moment où les citoyens s'émeuvent à juste titre du comportement d'un certain nombre d'acteurs du secteur financier, ils ont besoin d'une information sérieuse et surtout libre. L'information économique est trop importante pour être abandonnée aux pressions des entreprises du secteur. Exercées à l'encontre de Mediapart, jeune titre sur la scène médiatique française, elles constituent un mauvais coup contre la liberté de l'information et le pluralisme.»
Le coût des procédures
L'Association des journalistes économiques et financiers (AJEF) a publié le communiqué suivant : «A l'occasion de la 19e journée internationale de la liberté de la presse, l'Association des Journalistes Economiques et Financiers (Ajef) s'inquiète de la multiplication des plaintes contre des journalistes et organes de presse. L'affaire Mediapart-Caisses d'épargne en est, avec l'affaire Expansion Crédit agricole, les derniers exemples. Cette "judiciarisation", dans un monde économique et financier de plus en plus complexe, conforte la décision de l'Ajef de mettre à jour son Livre Blanc sur la déontologie afin de préciser des principes fondamentaux pouvant servir de référence aux journalistes qui veillent à leur indépendance et à la qualité de l'information qu'ils diffusent.»
Prise de position également importante compte tenu de la place qu'occupe ce quotidien dans l'information économique en France, la société des journalistes des Echos nous a fait savoir ce mercredi matin qu'elle soutenait l'appel de Mediapart.
A toutes celles et à tous ceux qui ont ainsi pris position, soit en signant l'appel en ligne, soit en prenant position par d'autres voies, Mediapart tient donc à exprimer sa profonde gratitude. Gratitude d'autant plus grande que de nombreux signataires de l'appel nous ont aussi apporté un important soutien financier, pour faire face aux lourdes et nombreuses procédures engagées par les Caisses d'épargne et François Pérol. Ce mercredi 6 mai, à l'heure de la mise en ligne de cet article, les promesses de soutien s'élevaient déjà à 23.918 euros.
Quelle que soit l'issue judiciaire de ces procès, Mediapart – «jeune titre sur la scène médiatique française» comme le relève à juste titre la LDH, et donc fragile au plan économique –, est confronté à de lourdes dépenses imprévues du fait de cette cascade de procédures. Onze plaintes, ce sont effectivement onze offres de preuves à alimenter, avec à la clef des centaines et des centaines de pages de pièces à photocopier pour chacune des procédures ; de très importants dossiers procéduraux à constituer et donc de nombreuses heures de travail pour leur mise au point. Une telle procédure nécessitera aussi la présence des deux avocats de Mediapart, Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, pendant plusieurs jours d'audience.
Face à une partie adverse qui ne regarde pas à la dépense, cela coûtera donc obligatoirement très cher à Mediapart, même si les honoraires du cabinet de Jean-Pierre Mignard épouseront, pour notre journal, un barème amical et solidaire.
A toutes celles et tous ceux qui ont souhaité aider financièrement Mediapart, nous tenons donc à dire aussi notre gratitude, car, sans eux, ces plaintes constitueraient une menace grave. Très sensibles à cet élan de solidarité, nous tiendrons un relevé précis et méticuleux des dons, totalement séparé de la comptabilité de l'entreprise. Nous ferons le point à la fin des procédures sur leur coût total.
Nous préciserons alors comment les dons auront ont été utilisés, à l'euro près. Et s'il y a un reliquat, nous reviendrons évidemment vers les donateurs pour qu'ils décident de l'usage des sommes restantes.