Lyon (Rhône).– Pratiquement muet depuis sa nomination, c’est avec la voix enrouée qu’Olivier Klein a fait son grand oral devant le Mouvement HLM, jeudi 29 septembre, à Lyon.
Un discours très attendu par les bailleurs sociaux, malmenés sous le précédent quinquennat, mais bien au-delà par tous les acteurs du logement qui, depuis sa nomination, se demandent quelle orientation ce transfuge du PS veut donner à son ministère.
Un rendez-vous que son cabinet lui-même avait présenté comme un temps fort pour le logement déclaré « grande cause du quinquennat ».
Coup de froid ou gêne d’avoir si peu à annoncer, c’est en toussant beaucoup que le nouveau ministre du logement a redit son attachement au modèle du logement social, « une chance pour notre pays ».

« Moi, le logement social, je ne l’ai pas lu dans les livres, j’y ai vécu », a lancé l’ancien maire de Clichy-sous-Bois, fils d’un ancien adjoint au maire PCF de la ville.
Un storytelling jugé forcément un peu court, alors que le projet de loi de finances a entériné la reconduite de la RLS (réduction de loyer de solidarité), qui ponctionne une nouvelle fois les bailleurs sociaux de 1,3 milliard cette année.
Les coupes budgétaires vont se poursuivre dans le logement social : le plan « Logement d’abord » – qui vise à offrir un logement stable aux personnes sans abri – voit certes augmenter ses moyens de 44 millions d’euros mais, dans le même temps, 14 000 places d’hébergement d’urgence vont être supprimées d’ici à fin 2023.
Face aux inquiétudes des factures énergétiques qui explosent pour les locataires de HLM, le ministre a annoncé que le bouclier tarifaire serait revu pour le chauffage électrique collectif… Mais toujours rien pour les parties communes. « C’est très complexe, on y travaille », a par la suite précisé le ministre.
Pour le reste, rien ou presque, si ce n’est la promesse de l’élaboration d’un « pacte de confiance » avec le Mouvement HLM. Un « pacte » qui pourrait être signé d’ici la fin de l’année et qui devra répondre, a précisé le ministre, aux questions suivantes : « Quels besoins en investissement pour le secteur ? Quelles ressources mettre en face, sur la durée du quinquennat ? »
Un début de feuille de route, en somme, qui pour l’instant semble lui manquer cruellement.
Les éléments budgétaires présentés en début de semaine ne laissaient guère de doute quant aux marges de manœuvre du nouveau ministre pour cette année, mais beaucoup attendaient qu’il indique néanmoins les grands chantiers qu’il souhaite lancer dans les années à venir.
À l’issue de trois jours de débats sur le thème du logement social et de la crise du logement plus largement, les attentes vis-à-vis du nouveau locataire de l’hôtel de Roquelaure étaient énormes et la déception n’en a été que plus grande.
Une entaille majeure à la confiance mutuelle.
Si Emmanuelle Cosse, qui a occupé son poste avant de prendre la tête du Mouvement HLM, l’a publiquement assuré de son soutien – allant même jusqu’à dire son « admiration » pour l’élu de Seine-Saint-Denis qu’elle a décrit comme « guidé par une profonde foi dans la nature humaine » –, c’est bien l’inquiétude qui dominait dans les travées du 82e congrès HLM.
Mercredi soir, le ton est même monté au stand d’Action Logement, l’organisme qui gère la PEEC (participation des employeurs à l’effort de construction, l’ex-« 1 % logement »). Furieux de voir son institution de nouveau ponctionnée de 300 millions d’euros dans le budget 2023 pour financer les aides à la pierre à la place de l’État, le président d’Action Logement, Bruno Arcadipane, a sévèrement tancé le nouveau ministre, parlant d’« une entaille majeure à la confiance mutuelle ».
Invité à venir répondre, le ministre, visage fermé, a décliné.
Depuis sa nomination, Olivier Klein est resté très discret, voire invisible. Son profil a suscité en juin l’espoir d’un intérêt renouvelé pour la question du logement dans une Macronie qui s’y est jusque-là bien peu intéressée. Maire de Clichy-sous-Bois depuis 2011, ancien du PS passé par le PCF, ancien président de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) mais aussi du Grand Paris, Klein est une figure connue du monde du logement. Son effacement, depuis la rentrée, commençait à devenir étrange.
Un important acteur du milieu raconte avoir eu un échange de près d’une heure avec un membre de son cabinet cet été, sans en être plus éclairé sur les projets du ministère à la fin de l’entretien… « J’ai surtout compris qu’ils se battaient pour ne pas trop perdre face à Bercy. Pour le reste, je crois qu’ils ne savent toujours pas où ils vont », regrette-t-il.
Rendez-vous incontournable des acteurs du logement, les entretiens d’Inxauceta à la fin du mois d’août au Pays basque invitent chaque année le ou la ministre à venir discuter avec des universitaires, des responsables associatifs, et aucun ne manque jamais à l’appel. « Il a envoyé une vidéo qui ne disait pas grand-chose. Son cabinet nous a dit qu’il attendait les arbitrages de Bercy pour s’exprimer mais cela a été pris comme un mauvais signal », raconte un participant. Le thème de la rencontre était pourtant des plus explicites : « Habitat, logement : ne perdons pas de temps ! »
Avec l’envol des prix des loyers qui se poursuit, la production de logements qui s’est enrayée et douze millions de personnes mal logées ou en précarité énergétique, selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, les sujets « urgents » ne manquent pas.
Olivier Klein, qui attendait ce portefeuille depuis longtemps – il se serait déjà bien vu à ce poste sous Hollande dont il est proche –, aurait-il signé les yeux fermés pour cette fonction ? À écouter les acteurs du logement à Lyon, le « pacte de confiance » voulu par l’Élysée nécessitera plus que quelques formules toutes faites pour être signé.