Dans l'affaire des sondages de l'Elysée, la commission des lois de l'Assemblée a déclaré, mardi 17 novembre, la demande socialiste de commission d'enquête «contraire à la Constitution». A la sortie, les députés PS ont dénoncé un «coup de force» de l'UMP et des conditions de vote dignes d'une «voyoucratie».
Contre toute attente, le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP), n'a pas déclaré irrecevable la demande socialiste de création d'une commission d'enquête sur l'affaire des sondages de l'Elysée. Dans un sursaut d'indépendance, il a choisi – pour l'instant – de ne pas suivre les recommandations du gouvernement. Ce contretemps, toutefois, n'empêchera pas la majorité d'enterrer l'affaire, dans les semaines qui viennent. Jean-François Copé s'en fait un devoir.
Alors que les députés socialistes réclamaient une commission d'enquête, le gouvernement vient de leur opposer un quasi-veto: la ministre de la justice a prié le président de l'Assemblée nationale de déclarer la requête irrecevable, jugeant qu'elle contrevenait au principe de séparation des pouvoirs exécutif et législatif. Jean-Marc Ayrault, le patron des députés PS, demande à ce dernier, Bernard Accoyer (UMP), de passer outre et de refuser toute «intrusion dans les pouvoirs de Parlement».
Jeudi 5 octobre 2009, la commission des finances de l'Assemblée a rendu publique la liste des quelque 200 sondages payés par l'Elysée, dont le financement a fait bondir la Cour des comptes. Un catalogue «à la Prévert» que les socialistes ont tenté de faire parler.
L'affaire des sondages commandités par l'Elysée, révélée par la Cour des Comptes, risque de s'enliser au creux de l'été. Les députés socialistes, pourtant, ont le pouvoir de la relancer. La veille de leur départ en vacances, vendredi 24 juillet, ils ont ainsi posé des jalons, pour une éventuelle commission d'enquête à la rentrée. Rien n'indique, cependant, qu'ils iront jusqu'à la créer. D'autres moyens, plus directs, s'offrent à eux: c'est en effet un élu PS, Jean Launay, qui contrôle pour l'assemblée le volet «pouvoirs publics» du budget (dont celui de l'Elysée)... Ses pouvoirs sont importants sur le papier: la loi lui donne notamment le droit de procéder à des «investigations sur pièces et sur place»... Alors, ding-dong à l'Elysée?
Sous la pression de la Cour des comptes, l'Elysée régularise son système de commandes de sondages. Jeudi 15 octobre, la présidence s'est décidée à passer un appel d'offres en bonne et due forme, que Mediapart a déniché. En juillet, la juridiction financière avait dénoncé le contrat «exorbitant» passé entre l'Elysée et Patrick Buisson (un proche de Nicolas Sarkozy), sans aucune mise en concurrence préalable.
1,5 million d'euros ! Dans son rapport sur la gestion du budget de l'Elysée, rendu public jeudi 16 juillet, la Cour des Comptes pointe l'existence d'un étrange contrat. Il a été signé le 1er juin 2007, entre la présidence de la République et un cabinet d'études, chargé de fournir sondages privés et conseils stratégiques. En 2008, ce dernier a facturé à l'Elysée des prestations dont l'opportunité laissait à désirer. Très peu d'éléments permettaient «d'attester la réalité du service fait», écrit la Cour, qui dénonce des «errements». Sans toutefois livrer le nom de la société intéressée. D'après nos informations, ce cabinet «fantôme» ne serait autre que Publifact, entreprise pilotée en 2008 par Patrick Buisson, stratège de l'ombre du chef de l'Etat et ancien directeur de Minute. Montant du contrat passé l'an dernier avec l'Elysée: 1,5 million d'euros.