«On m’a enfermé dans une cellule, puis on m’a roué de coups de poing et de coups de bâton. On m’a tiré par la barbe, frappé au visage, on m’a fait croire que mes compagnons de cellule m’avaient dénoncé. On m’a accusé de faire partie de Daech, d’Al-Qaïda [AQPA] ou des Frères musulmans. » Mohammad [le prénom a été changé pour assurer sa sécurité] est yéménite. L’homme dénonce avoir été enfermé et battu par des forces émiraties à Balhaf, sur la côte sud du Yémen, au sein d’un site industriel géré par le consortium Yemen LNG (YLNG) dont l’actionnaire principal est le groupe français Total (à près de 40 %).
Ce témoignage est issu d’un rapport publié jeudi 7 novembre par les associations l’Observatoire des armements et SumOfUs en collaboration avec les Amis de la Terre (« Opération Shabwa – La France et Total en guerre au Yémen ? ») que Mediapart et Le Monde ont obtenu en exclusivité. Leur enquête inclut des éléments relatifs à une utilisation présumée du site gazier de Balhaf par les Émirats arabes unis (EAU) comme prison secrète où des détenus auraient subi des traitements « inhumains et dégradants ». Les faits remonteraient à 2017 et 2018, soit durant la guerre – toujours en cours – opposant les rebelles houthis, un mouvement politique islamique armé, au gouvernement d’Abdrabbo Mansour Hadi, président reconnu par la communauté internationale et soutenu depuis 2015 par une coalition regroupant l’Arabie saoudite et les EAU.
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Yémen: que renferme le site gazier dont Total est actionnaire?
Au Yémen, un site gazier – dont Total est le principal actionnaire et pour lequel la France a engagé des moyens financiers et humains – a été transformé en caserne par les Émirats arabes unis. Selon un rapport publié jeudi par l’Observatoire des armements et SumOfUs en collaboration avec les Amis de la Terre, il servirait de prison secrète.
Eva Thiébaud et Morgane Remy
7 novembre 2019 à 08h18