Ex-«Monsieur Afrique» controversé sous Jacques Chirac, Michel de Bonnecorse a su recycler ses services. Il est l'auteur d'un rapport de dix pages, remis en février à cet étrange organisme qu'est le Conseil des affaires étrangères, jamais rendu public, sur «les intérêts économiques français face à l'irruption de nouveaux acteurs en Afrique».
Le ton y est franchement alarmiste : «La Chine remporte des contrats au détriment des opérateurs français dans tous les secteurs d'activité.» Avant de préciser : «Nous n'assistons pas à un choc frontal sur le marché africain entre les deux acteurs économiques que sont la France et la Chine mais à une érosion en notre défaveur.»
Comment réagir ? «La France ne doit pas se fondre progressivement au sein de financements multilatéraux mais chercher à augmenter le pourcentage de son aide bilatérale, seul moyen véritable d'influence», préconise le texte, au risque de froisser les voisins européens.
A Bruxelles, le Parlement y est d'ailleurs lui aussi allé de son rapport, plus fouillé, rendu au même moment. Les députés ont épinglé sans détour le «safari de Pékin» : «Au lieu de garantir la neutralité, l'approche de la Chine fondée sur ‘les affaires seulement, pas de politique' offre aux dictateurs africains le soutien politique et financier dont ils ont besoin pour rester au pouvoir.»
Ces écrits inquiets vont tous dans le même sens. C'est le déclin de la «Françafrique» à partir de la fin des années 1990, qui aurait autorisé, parallèlement, la montée en puissance de la Chine sur le continent noir. Dans leur livre intitulé, précisément, La Chinafrique (lire sous l'onglet Prolonger), les deux journalistes Serge Michel et Michel Beuret ne disent pas autre chose : «Le succès de la Chine en Afrique francophone ne s'explique pas sans comprendre le déclin de la France sur le continent, par une série d'abus, d'erreurs de jugement, de faux-semblants, de lâchages et surtout une hésitation continuelle entre soutenir les dictateurs ou les gronder.»
Pour donner plus de poids à leur propos, ils développent le cas de la Côte d'Ivoire, où les brouillages avec le pouvoir français ont ouvert la porte aux investissements chinois.
Tout le monde ne partage pas cette thèse. Des universitaires sont plus mesurés. Pour présenter ce débat, Mediapart reproduit, avec l'autorisation de la maison d'édition anglaise Hurst, quelques pages écrites par Roland Marchal, chercheur au Ceri, publiées dans le livre collectif China returns to Africa. Où il relativise largement cette vision des choses.
«A l'inverse des médias français, la France ‘officielle' ne tremble pas devant la perspective d'une Chine conquérante, qui interdirait aux produits et services français l'accès aux marchés africains.» D'abord parce que les secteurs dans lesquels les deux pays ont investi sont relativement complémentaires. Ensuite parce que la présence chinoise en Afrique n'est pas dénuée de «faiblesses structurelles». Enfin parce que les pays africains eux-mêmes ne souhaitent pas s'enfermer dans une relation exclusive avec la Chine.
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