Manifestement, le nom de Lisbonne porte la poisse à la construction européenne. La stratégie de Lisbonne lancée en 2000 pour faire de l'Union européenne «l'économie de la connaissance la plus compétitive» à l'horizon 2010 a été un fiasco pathétique. Et le traité de Lisbonne dit «simplifié» vient d'être jeté aux poubelles de l'Histoire par les électeurs irlandais. La crise institutionnelle européenne est de retour avec vengeance.
Pour tourner la page, il faut changer radicalement de méthode. Il n'y a qu'une seule porte de sortie par le haut : le projet d'Union franco-allemande, évoquée à différentes reprises (initiative Lamers-Schaüble, projet Villepin), mais jamais de manière plus précise que dans le texte cosigné par les commissaires européens Pascal Lamy et Günter Verheugen, et publié le 21 janvier 2003 dans Libération, à l'occasion du 40e anniversaire du traité de l'Elysée.
Les dirigeants allemand et français, qui se retrouvent au sommet lundi 16 juin, doivent tirer les leçons des quatre échecs successifs pour faire entrer la construction européenne dans un jardin constitutionnel «à la française». Depuis les négociations du traité d'Amsterdam, en passant par celui de Nice, puis la Constitution pour l'Europe et finalement le traité de Lisbonne, cela fait maintenant quinze ans que l'Europe s'épuise à résoudre la quadrature du cercle, à marier la carpe et le lapin: conjuger efficacité fonctionnelle et responsabilité démocratique, intégration plus poussée et souveraineté préservée.
Si elles veulent encore «l'Union toujours plus étroite» voulue par les Pères fondateurs, l'Allemagne et la France doivent enclencher un cercle vertueux en consommant entre elles une union politique. Une union évidemment ouverte à tous les Etats européens qui partageraient encore le même rêve et les mêmes ambitions. Après tout, la monnaie unique et son système européen de banques centrales fédéraliste, la grande réussite de ces dix dernières années, sont le produit d'un tel cheminement.
Si l'Allemagne et la France ne veulent plus porter ce projet, elles doivent le dire et se résigner à ce que l'Union européenne se résume à une vaste zone de libre-échange, dont les politiques communes, soyons-en certains, se déliteront progressivement.
Mais, comme l'écrivaient en 2003 Lamy (aujourd'hui directeur général de l'OMC) et Verheugen (toujours à Bruxelles comme un des vice-présidents de la Commission européenne), «laissons le sexe des anges de côté et concentrons-nous sur ce que nous voulons faire ensemble».
International — Parti pris
L'Union franco-allemande peut-elle être un scénario de sortie de crise?
Le "non" irlandais au traité de Lisbonne disqualifie plus de dix années de finasseries pour sortir l'Union européenne d'une impasse institutionnelle. Il existe pourtant une porte de sortie par le haut, l'Union franco-allemande, proposée en 2003 par Pascal Lamy et Günter Verheugen.