Soupçonné d'avoir financé de manière occulte la campagne électorale d'Edouard Balladur en 1995 en marge d'un contrat d'armement avec le Pakistan, l'intermédiaire libanais Ziad Takieddine (photo) a contesté devant le juge Trévidic avoir joué le moindre rôle dans cette affaire. Mais il a confirmé avoir été l'objet de la vindicte des chiraquiens. Nos révélations.
Interrogé dans l'affaire de Karachi, un témoin important, l'ex-directeur financier et administratif de la Direction des constructions navales (DCN), a pointé le rôle particulier joué par Nicolas Sarkozy, en sa qualité de ministre du budget dans le gouvernement Balladur, dans le cadre de la signature du contrat Agosta – la vente par la France de trois sous-marins au Pakistan en 1994. Selon le juge Marc Trévidic, qui a interrogé Gérard-Philippe Menayas le 9 novembre, ce contrat pourrait avoir un lien, direct ou indirect, avec l'attentat de Karachi, qui a coûté la vie à onze employés français de la DCN en mai 2002. M. Menayas a également évoqué le versement de rétrocommissions en marge du contrat Agosta, notamment au profit de l'un des frères de Benazir Bhutto.
Selon nos informations, la justice genevoise a enquêté sur les arrière-plans financiers du contrat Agosta (la vente de sous-marins français au Pakistan en 1994) et détient des documents susceptibles de faire progresser l'instruction judiciaire française sur l'attentat de Karachi. Des flux bancaires découverts ont eu pour destination la France, renforçant les soupçons sur l'existence de rétrocommissions. Un ancien avocat de l'Etat pakistanais au cœur du dossier pendant des années annonce à Mediapart être prêt à témoigner devant la justice française.
Les juges d’instruction chargés de l’enquête sur l’attentat de Karachi disposent de deux documents explosifs issus de la Direction des constructions navales (DCN). Ils confirment la piste du versement de rétrocommissions en 1994-1995 à des responsables politiques français en marge d’un important contrat d’armement avec le Pakistan. Une note affirme que le versement de certaines commissions a été bloqué «sur instructions des autorités françaises faisant état de retours illicites de tout ou partie des commissions en France». Sont aussi évoqués des «faits de corruption en France». L’attentat de Karachi a causé la mort, le 8 mai 2002, de 15 personnes dont 11 Français.
Abdulrahman El-Assir a été l'un des principaux intermédiaires payés par la France dans le cadre de plusieurs grands contrats d'armement internationaux, dont celui de la vente de sous-marins au Pakistan. Il est suspecté de longue date par les services secrets français de s'être livré à des activités illégales (blanchiment, trafic de drogue et d'armes...), mais aussi d'entretenir des «relations financières» avec l'ancien premier ministre Edouard Balladur, selon des informations recueillies par Mediapart. Ces éléments sont confortés par des notes de la Direction générale des services extérieurs (DGSE), un rapport secret d'un ancien agent de la DST, Claude Thévenet, et par le témoignage de l'ancien directeur financier de la Direction des constructions navales (DCN). Enquête.
La piste des commissions – et rétro-commissions – occultes dans l'affaire de l'attentat de Karachi ne cesse de se préciser. Le consultant en sécurité Frédéric Bauer, ancien policier réputé proche de Jacques Chirac, a déclaré à Mediapart avoir été officiellement missionné «par les plus hautes autorités de l'Etat» pour mettre un terme, en 1996, au versement d'une partie des commissions dues par la France dans le cadre du contrat d'armement avec le Pakistan. «C'est un peu comme enlever la nourriture de la cage d'un lion», confie M. Bauer en évoquant l'intermédiaire proche des réseaux balladuriens, Ziad Takieddine, auprès de qui il avait été missionné par les chiraquiens. Le blocage de ces versements, sur fond de guerre Chirac/Balladur, pourrait être le mobile de l’attentat contre la DCN qui fit quatorze morts, le 8 mai 2002. [Photo: Jacques Chirac s'inclinant devant les cercueils des victimes de l'attentat de Karachi]
Le financement de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, l'attentat de Karachi en 2002, l'aide au clan Pinochet au Chili, l'espionnage de magistrats et d'hommes politiques, l'affaire des frégates de Taiwan... Les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin, qui enquêtent sur un dossier de corruption dans le milieu de l'armement français, découvrent de nombreux éléments pouvant déboucher non pas sur une mais plusieurs affaires d'Etat. Déjà apparaissent les noms de plusieurs hommes politiques de haut rang: Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, Edouard Balladur, Charles Millon... Nos révélations.