En Syrie, Jinwar, le village des femmes qui se libèrent
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Au Kurdistan syrien, malgré les années de guerre civile, une expérience révolutionnaire unique au monde prend forme depuis 2018 : Jinwar, un village où des femmes, de tous horizons, toutes confessions, se réparent et s’autonomisent aux côtés de leurs enfants.
Dirbêsiyê (Kurdistan, Syrie), mars 2025.Il est des douleurs et des traumatismes innommables, même à soi-même. «Je vais bien», assure Houda (prénom d’emprunt) dans un sourire fragile, malgré les traces de sévices sur son corps, son visage, malgré les silences et la respiration saccadée, malgré sa tragédie et celle de sa communauté yézidie, cette minorité ethnique et religieuse kurdophone du nord de l’Irak, victime d’actes de génocide commis entre 2014 et 2017 par l’État islamique.
Alors que les djihadistes avaient assailli le berceau des Yézidi·es dans les montagnes du Sinjar, massacrant les hommes, capturant les femmes, à l’été 2014, Houda a été contrainte de se convertir à l’islam et d’épouser deux de ses bourreaux, d’abord un Irakien deux fois plus vieux qu’elle (elle avait alors 15 ans), puis, lorsque celui-ci est mort au combat, deux ans plus tard, un Ouzbek, dont elle tombera enceinte. Comme tant d’autres jeunes Yézidies, parfois encore enfants, violées, vendues et réduites en esclavage par Daech.
Le calvaire a duré des années. Il l’a ballottée de cage en cage, de Mossoul, en Irak, à Raqqa puis Deir Ezzor, en Syrie. À la chute de l’État islamique en 2019, et alors qu’elle est de nouveau veuve et mère d’une petite fille, elle est enfermée par les autorités kurdes avec les autres «femmes de Daech» dans la prison à ciel ouvert d’Al-Hol, au nord-est de la Syrie. Elle n’en a été extirpée qu’il y a peu, une nuit, par les services de renseignement kurdes qui avaient entendu parler d’une Yézidie.