Qu’est-ce que l’écologie fait à la pensée comme à la pratique des arts de la scène ? Que produisent esthétiquement et politiquement ces spectacles de plus en plus nombreux à évoquer notre situation climatique et environnementale ? Comment les artistes se saisissent-ils et sont-ils saisis par les représentations et affects ou concepts afférents à l’écologie ?
Dans un livre publié en 2021 aux éditions B42 et intitulé Morts ou vifs. Pour une écologie des arts vivants, Julie Sermon, professeure en histoire et esthétique du théâtre contemporain à l’université Lyon 2, envisageait trois manières de nouer les arts de la scène et les enjeux contemporains autour de l’écologie.
D’abord une perspective thématique dans la mesure où ce champ est l’objet de très nombreux spectacles, penchant du côté de la fiction ou du document.
Ensuite une approche plus dramaturgique et esthétique qui se pose notamment la question de la capacité du théâtre à produire un autre « partage du sensible » moins anthropocentré.
Enfin, des questions pragmatiques liées à la façon dont le souci écologique reconfigure ou non les processus de création et les modes de production du spectacle vivant.
Tel est donc le sujet de notre émission de ce jour, qui puisera notamment dans deux spectacles en tournée en ce moment. En premier lieu, Partout le feu, adaptation d’un texte publié voilà un peu plus de deux ans par l’écrivaine Hélène Laurain aux éditions Verdier.
Le personnage principal de ce premier roman s’appelle Laetitia, jeune femme née trois minutes avant sa sœur jumelle Margaux, avec laquelle elle n’entretient pas les meilleures relations possibles, et trente-sept minutes avant l’explosion de Tchernobyl, un événement qui a contribué à l’angoisse écologique qui la ronge.
Obsédée par les SUV et la catastrophe climatique en cours, elle vit en Lorraine, où l’État a décidé d’enfouir tous les déchets radioactifs de France, et plus précisément dans un lieu baptisé La Cave où elle écoute logiquement du Nick Cave. Laetitia décide avec sa bande d’amis et d’amants, constituée notamment de Taupe, Fauteur, Dédé et Thelma, de mener une action spectaculaire entendue comme un préambule à un incendie bien plus vaste.
Ce texte vient d’être mis en scène par Hubert Colas au Centquatre-Paris, avant de partir en tournée dans plusieurs villes de France. Il est interprété par la comédienne et performeuse Stéphanie Aflalo.
En second lieu, Nous étions la forêt, titre du texte écrit et mis en scène par Agathe Charnet, qui était visible récemment à Théâtre Ouvert, à Paris. La pièce se déroule dans ou à proximité d’un « Bois de la Fermette » où la commune a décidé d’implanter un parc photovoltaïque qui fait débat parmi les différents personnages évoluant sur le plateau : un couple de néo-ruraux venus se ressourcer au grand air, un forestier déprimé par les coupes de bois et sa mère, des militantes écologistes prêtes à résister à mains presque nues…
Nous étions la forêt était récemment au Théâtre Ouvert à Paris, à Rungis, Bayeux et Vire, et sera visible ces prochaines semaines à Rouen, Épernay, Saran, Évreux et Pont-Sainte-Maxence.
Avec :
- Zineb Soulaimani, que vous pouvez lire dans la revue Mouvement, dans Le Quotidien de l’art et dont vous pouvez aussi écouter le podcast « Le Beau Bizarre » ;
- Caroline Châtelet, qui écrit pour ScèneWeb et le trimestriel Théâtre ;
- Vincent Bouquet, dont vous pouvez retrouver la plume sur ScèneWeb.
« L’esprit critique » est un podcast enregistré par Gong et réalisé par Karen Beun et Samuel Hirsch.