À elle seule, la séquence donne la mesure de ce que les hiérarques du parti socialiste sont devenus, de leur inculture, de l'abandon de toute histoire sociale, de leur mépris pour les « sans-dents ». Alors qu’il est encore ministre du travail, François Rebsamen est interrogé dans son bureau sur la Sécurité sociale, sur le ministre qui l’a fondée. Après avoir tenté de faire diversion, le ministre sèche. « René Viviani », hasarde-t-il. Ce dernier a été le premier ministre du travail français, en 1906. Eh bien non ! C’est Ambroise Croizat, ministre communiste du travail de novembre 1945 à mai 1947. Cela lui semble dire franchement rien, à François Rebsamen ; en tout cas, il ne veut même pas s’en souvenir. « Celui qui a marqué en 1945, c’est le général de Gaulle », tranche-t-il, affichant une arrogance satisfaite.
«La Sociale» ou le rêve effacé d’une démocratie sociale
Un film sur la Sécurité sociale, quelle idée ! Comment mettre en images un tel machin administratif ? Et pourtant. La Sociale, le dernier documentaire de Gilles Perret, qui sort le 9 novembre, est le récit d’une autre histoire, celle de l’idée d’une démocratie sociale. Une idée jugée tellement subversive qu’il faut à tout prix l’effacer, pour transformer la Sécu en un trou sans fond dont personne ne comprend plus rien. Afin de mieux avoir sa peau.
7 novembre 2016 à 12h48