Économie et social Note de veille

Inflation, en avoir peur ou pas ?

Mini-séisme au Fonds monétaire international: son chef économiste (français) vient de conseiller aux banques centrales de se laisser aller à un peu d'inflation. Sacrilège! La hausse des prix, ennemi public numéro un dans les années 80 et 90, n'a-t-elle plus de raison d'inquiéter en 2010? Eléments de réponse.

Ludovic Lamant

L'onde de choc de la crise des «subprime» continue de se propager. L'un des piliers des politiques économiques de la fin du XXe siècle, la sacro-sainte lutte contre l'inflation, est en train de s'effriter. Est-ce la fin d'une époque, durant laquelle la hausse régulière des prix fut l'ennemi numéro un des gouvernements? A l'origine de l'offensive, un article écrit par Olivier Blanchard, chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), et deux de ses collègues, publié le 12 février. Depuis, la communauté scientifique se déchire pour savoir si Blanchard, expert français étiqueté néo-keynésien, proche de Dominique Strauss-Kahn, voit juste.
L'économiste propose de relever les objectifs d'inflation fixés par les Banques centrales, pour les passer de «2% environ» à 4%. Une révolution. Son argument: en cas de nouveau coup dur, type crise des subprime, les institutions monétaires auraient davantage de marge de manœuvre pour réagir, si elles se permettaient le luxe, en temps normal, d'avoir des taux relativement hauts. «Des taux d'inflation moyens plus élevés [...] auraient permis de baisser plus fortement les taux, et donc sans doute de freiner le tassement de la production, et la détérioration des positions budgétaires», écrivent Blanchard et ses collègues, en référence à la gestion de la crise de 2008. Précision importante: les conclusions de l'article n'engagent pas le FMI, mais visent officiellement à alimenter le débat.
Au-delà de la définition d'un seuil d'inflation acceptable (2 ou 4%), Blanchard vient de mettre les pieds dans le plat: à trop se braquer sur l'inflation, les Banques centrales pourraient bien manquer l'essentiel. Trop se concentrer sur les prix, pas assez sur la production et le volume d'emploi. Le chef économiste du FMI tenait déjà le même discours, mais en mode plus diplomatique, lors d'un passage à Paris fin janvier, plaidant pour des taux d'intérêt «très bas» et «pour aussi longtemps que nécessaire». La crainte est connue: après avoir baissé massivement leurs taux d'intérêt pour faire face à la récession, il va bien falloir que les banques centrales se décident un jour à relever leurs taux, alors que la reprise se pointe. Mais un durcissement monétaire trop rapide, surtout en Europe, pourrait tuer dans l'œuf le retour encore timide de la croissance. C'est en tout cas la conviction du FMI, pessimiste dans ses prévisions, pas tant pour 2010 que pour 2011.

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