Le trader n’a été que l’alibi de sa banque. Tel est le sens de nos nouvelles révélations sur l’affaire Jérôme Kerviel, mettant en évidence l’instrumentalisation de l’enquête judiciaire par la Société générale, afin d’échapper à ses propres responsabilités. Ces éléments nouveaux, qui s’ajoutent à d’autres, légitiment la révision d’un procès dont la vérité a été la première victime.
Ils sont députés ou sénateurs, membres du PS, du PCF, de l'UDI ou de l'UMP. Tous demandent que le scandale Société générale/Kerviel soit revisité de fond en comble, après les récentes révélations de Mediapart. Par une révision du procès; par une commission d'enquête parlementaire; par de nouvelles enquêtes judiciaires. Entretiens avec Charles de Courson (UDI), Yann Galut (PS), Georges Fenech (UMP) et Éric Bocquet (PCF).
Le député PS Yann Galut a été le premier à demander une commission d’enquête parlementaire après nos révélations. «Si ce que dit la cheffe enquêtrice est exact, on est face à un scandale d’État», ajoute-t-il.
Le député UMP Georges Fenech, ancien juge d’instruction, demande une révision du procès Kerviel. Pour lui, nos révélations pointent la question de « l’impuissance de la justice pour démasquer le vrai du faux face à la puissance financière des grandes banques ».
Tout homme a le droit à un procès juste et équitable. Jérôme Kerviel n’a pas eu ce droit. Pendant six ans, il s’est heurté à une justice aveugle et sourde, qui ne voulait surtout rien voir, surtout rien entendre, surtout ne pas constater ses propres manquements.
Olivier Z. a été trader au moment de l’affaire Kerviel. Il raconte son quotidien, les défaillances des systèmes de la banque, comment Jérôme Kerviel était connu de tous, même à des milliers de kilomètres. Il dit le choc créé par l’affaire et surtout comment les hiérarchies se protègent.
Pourquoi la Société générale a-t-elle passé des accords transactionnels avec les salariés liés à l’affaire Kerviel ? Contre sept ans de salaire au titre de leurs indemnités de licenciement, ceux-ci se sont engagés à garder « confidentielles toutes informations dont ils avaient pu avoir connaissance ». Sous peine de devoir tout rembourser.
Mediapart révèle de nouveaux éléments qui éclairent l'affaire de la Société générale. Tant l'audition d'un des contrôleurs financiers de la banque que le bilan d'évaluation 2007 de Jérôme Kerviel confirment que la SocGen n'a pas tenu compte des alertes qui lui étaient adressées concernant certaines opérations du trader.
Lire aussi notre ebook : Affaire Kerviel : ce que les juges n'ont pas entendu
L'autorité de tutelle du système bancaire français a condamné vendredi la Société générale à payer 4 millions d'euros pour avoir enfreint la réglementation bancaire. Ses attendus sont encore plus critiques que les précédents rapports. C'est l'organisation même de la banque qui est mise en cause. La fraude de Jérôme Kerviel, pour la Commission bancaire, n'est pas due au hasard mais à des «carences graves dépassant la répétition de simples défaillances individuelles».
Malgré l’avis négatif des experts, Christine Lagarde, ministre des finances, a accordé une déduction fiscale de 1,7 milliard d’euros à la Société générale, dès 2008, à la suite de l’affaire Kerviel. Une somme équivalente a été reversée aux actionnaires la même année, sous forme de dividendes et de rachat d’actions. Jérôme Kerviel poursuit la SG ce jeudi devant les prud'hommes.
À écouter la Société générale, l’affaire Kerviel se résume à celle d’un trader fou et dangereux, dont la banque aurait tout ignoré des pratiques. Pourtant, elle a connu dans le passé des faits similaires. Mediapart publie de nouveaux documents qui montrent combien les alertes ont été ignorées.
Le jour où la banque dit avoir découvert la fraude du trader, les conversations entre Jérôme Kerviel et plusieurs responsables ont été enregistrées. Ces bandes ont constitué l'une des pièces maîtresses du procès de l’ancien trader, mais la justice n'a travaillé que sur la transcription livrée par la banque. À l’audition, celles-ci relèvent cependant de curieuses coupures.
Aussi sévère que le tribunal correctionnel, la cour d'appel de Paris n'a reconnu aucune circonstance atténuante à l'ancien trader de la Société générale. Jérôme Kerviel avait tenté de se défausser sur ses supérieurs, puis sur l'ensemble de la hiérarchie de la banque.
Dans ses déclarations aux policiers, dont MediaPart révèle la teneur, Jérôme Kerviel, le trader accusé d’avoir fait perdre près de 5 milliards d’euros à la Société Générale, met en cause sa hiérarchie, qui aurait « fermé les yeux » sur ses opérations. Il affirme aussi que les opérations de « dissimulation » sont courantes au sein de la banque.
Le tribunal correctionnel de Paris a rendu aujourd'hui un verdict extravagant dans l'affaire Kerviel. L'ancien trader est condamné à trois ans de prison ferme et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. La démesure de la sanction la rend sans portée. Parti pris.