Économie et social Analyse

Nicolas Sarkozy redécouvre la crise

A entendre le gouvernement depuis la rentrée, la reprise économique était au coin de la rue. Mardi 1er décembre, Nicolas Sarkozy a redécouvert que la crise est loin d'être achevée. Ce brutal changement de pied permet d'anticiper les critiques sur sa gestion, notamment sur les résultats désastreux en matière d'emploi. En réintroduisant la crise dans son discours, le président de la République tente aussi de justifier par avance toutes les réformes sociales prévues au printemps.

Martine Orange

A entendre le gouvernement ces dernières semaines, la reprise économique était au coin de la rue. Le 17 novembre, le premier ministre, François Fillon, assurait encore devant le congrès des maires «qu'une sortie de crise se dessinait devant nous». La ministre des finances, Christine Lagarde, le 26 novembre, se félicitait des chiffres du chômage du mois d'octobre. Ceux-ci avaient beau avoir été multipliés par deux et demi en un mois, passant de 21.600 à 52.400 personnes supplémentaires inscrites, elle insistait dans un communiqué sur le fait que «la dégradation de l'emploi a ralenti significativement depuis le début de l'année, en particulier pour les jeunes». Quant au rebond de 0,3% de l'économie au troisième trimestre, c'était toujours selon la ministre des finances une vraie bonne surprise. Même si l'économie française faisait moins bien que la plupart des autres pays européens, Allemagne en tête, il fallait y voir le succès des mesures prises par le gouvernement pour contrer la crise. «Avec un recul de 2,2%, la France fait mieux que les autres pays occidentaux», insistait-on dans les milieux gouvernementaux.
Puis, brusquement, à La Seyne-sur-Mer (Var), dans un discours tenu un an jour pour jour après l'annonce du plan de relance, la crise refait surface. Prenant tout le gouvernement à contre-pied, le président de la République a rappelé la dureté des temps. «La crise n'est pas derrière nous», a-t-il insisté (voir la vidéo dans l'onglet Prolonger).

Quelles sont les raisons qui ont pu pousser le président de la République à rompre ainsi avec le discours officiel tenu depuis la rentrée. Les chiffres? Ils n'ont pas changé en quelques jours. Depuis des semaines, des économistes mettent en garde les opinions publiques, en les invitant à ne pas confondre l'actuelle explosion factice des marchés financiers avec un redémarrage réel de l'économie. Pour beaucoup, il n'est même pas question de convalescence.
La reprise si vantée du troisième trimestre n'est qu'un simple rebond technique, lié pour l'essentiel à une reconstitution de stocks qui étaient tombés à des niveaux dangereusement bas. Pour le reste, la récession économique est toujours à l'œuvre. L'activité économique est toujours en plein marasme. Les carnets de commandes sont toujours aussi bas, les projets quasi inexistants. Pénalisées par la chute sans fin du dollar, et surtout par une offre insuffisamment innovante et juste basée sur les prix, la plupart des entreprises ne bénéficient pas de la reprise de la demande des pays émergents, à la différence de l'Allemagne. Les faillites d'entreprises s'accélèrent. Pour les grands groupes, les résultats seront sans doute un peu meilleurs en 2009 qu'en 2008, mais en raison d'une action et d'une seule: la réduction massive des coûts.

Délocalisations, fermetures de sites, externalisation des tâches continuent à être la réponse des sociétés à la crise. Les destructions d'emploi sont massives. En un an, le nombre de chômeurs demandeurs d'un emploi à plein temps a augmenté de 25% pour dépasser les 2 millions. En incluant les chômeurs à temps partiel, les intérimaires, ceux qui acceptent les petits boulots, ce sont plus de 4 millions de Français qui sont sans emploi ou sous employés. Les annonces qui s'accumulent de suppressions d'emplois ou de fermetures de sites donnent le signal clair que la vague du chômage est loin de refluer.

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