Économie et social

Comment les lois censées contenir la grande distribution l'ont enrichie

Votées en 1996, les lois Galland et Raffarin ont renforcé les contrôles et les interdictions dans la grande distribution. Douze ans plus tard, c'est un constat d'échec: les textes n'ont permis ni de préserver la diversité commerciale ni de renforcer les PME. En organisant la rareté, ces textes ont donné aux grandes enseignes une vraie rente de situation. Détenant aujourd'hui 69% du commerce alimentaire, elles imposent leur loi et leurs prix. La nouvelle loi, censée remédier à ces effets pervers, laisse les législateurs dubitatifs. Lire aussi: «Des députés pas très convaincus par la réforme»

Martine Orange

Ce n'est qu'une concomitance de temps mais elle est symbolique. Le jour même où le président de la République va défendre sa loi de modernisation économique devant les entreprises en Isère, Bernard Arnault entre au conseil d'administration de Carrefour en remplacement de Robert Halley – le représentant de la famille fondatrice de Promodès –, affirmant ainsi son statut de premier actionnaire du groupe au côté du fonds Colony Capital. Voir le dirigeant du premier groupe mondial de luxe s'intéresser ainsi au monde de la grande distribution dit combien le secteur peut être porteur.
Avec Carrefour, Auchan, Casino, Leclerc, Intermarché, la France est le pays qui possède le secteur de la grande distribution le plus développé et le plus internationalisé. Une preuve du dynamisme commercial spécifique ? Plutôt le fruit d'une politique, qui, à l'inverse des ambitions affichées de défense du petit commerce et des PME, s'est révélée une vraie protection pour le secteur. Déjà très marquée par une volonté malthusianiste avec la loi Royer en 1973, la législation lui est devenue encore plus bénéfique avec les lois Galland et Raffarin. Adoptés l'un et l'autre en 1996, ces deux textes ont totalement bouleversé l'univers du commerce en France. Le premier, la loi Galland, a renforcé les seuils de revente à perte, interdisant à un commerçant de vendre un produit en dessous de son prix d'achat. En contrepartie, ce texte avait légalisé les rémunérations des fameuses «marges arrière» censées rétribuées des services commerciaux annexes comme l'installation dans les linéaires, les positions en tête de gondole, les politiques de promotion. Le second, la loi Raffarin, instituait un contrôle renforcé sur la vente des surfaces commerciales, abaissant le seuil d'autorisation de 1 000 m2 à 300 m2.
Douze ans plus tard, c'est le constat d'échec. Aucun des objectifs affichés dans ces lois n'a été réalisé. La concentration des enseignes n'a cessé de s'accélérer, instituant des situations de monopoles de fait dans certaines villes, empêchant l'émergence de nouvelles concurrences, et tuant les autres formes de commerce. Profitant de leur position de force, les enseignes ont à la fois fait pression sur les fournisseurs pour leur demander de nouvelles rémunérations commerciales, tout en ne cessant d'augmenter les prix.

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