«Anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible»
L’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin. Dans un grand entretien accordé au journal Le Monde, elle évoque son enfance, ses premières perceptions de l’injustice entre les sexes, et ses réflexions sur la nécessité d’en finir avec l’idée de « pulsions incontrôlables » masculines.
C’étaitC’était il y a quelques décennies. Ce jour-là, Françoise Héritier, seule femme parmi une cinquantaine d’hommes, assiste au collège de France à une réunion préalable au choix de futurs collègues. Un professeur se lève pour défendre une jeune helléniste. Il avoue ne rien connaître de sa spécialité, mais s’enthousiasme tout de même avec ces mots : « C’est une beauté ! Elle a des jambes, mais des jambes ! Un buste merveilleux, un port de tête, une manière de se tenir… Elle est extraordinaire ! » « J’ai souhaité prendre la parole, et j’ai demandé si, comme à l’armée, nous avions une “note de gueule”. Mes collègues ont ri. Puis ont baissé la tête. Il n’en a plus jamais été question », se souvient celle qui a succédé à Claude Lévi-Strauss, titulaire de la chaire d'« Étude comparée des sociétés africaines ». « Une petite phrase suffit parfois pour faire prendre conscience de l’anomalie qu’il y a à perpétuer un discours obsolète. Il nous faut être vigilantes. Ne rien laisser passer », ajoute-t-elle.