France

Comment Mediapart a construit son indépendance

Mediapart est un journal indépendant, créé par des journalistes et contrôlé par ses fondateurs. Outre les fondateurs, les autres actionnaires sont la Société des amis de Mediapart et quelques investisseurs partenaires. Au terme de la prochaine augmentation de capital, qui portera les sommes réunies à 3,7 millions d'euros, les six fondateurs compteront pour 60% du capital, les investisseurs et les amis pour 40%.

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A l’origine de Mediapart, il y a quatre journalistes. Ce sont François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit et moi-même. C’était il y a un peu plus d’un an, entre la fin 2006 et le début 2007. Nous avions l’idée directrice, un projet éditorial, une volonté commune, une soif d’indépendance, en somme des convictions partagées, à la fois démocratiques et professionnelles. Mais il manquait tout le reste: une connaissance approfondie du Web et une expérience dans la création d’entreprises. Sans compter le nerf de la guerre: l’argent, bien sûr.

C’est ainsi que, sur les conseils d’un ami de confiance, le mathématicien Michel Broué, nous avons rencontré Godefroy Beauvallet, universitaire spécialiste des systèmes d’information, et Marie-Hélène Smiéjan, cadre dirigeant dans des sociétés d’informatique. Tous deux ont conforté nos intuitions de départ, enrichi le projet et inventé des solutions: grâce à l’une, nous avons affiné notre modèle économique, pu lever les fonds nécessaires et su monter notre société; grâce à l’autre, nous avons approfondi la dimension participative, contributive et communautaire du projet, puis fait la connaissance de Benoît Thieulin alors qu’il créait, durant l’été 2007 son agence Internet, devenue notre partenaire, La Netscouade.

Ce point de départ est aussi le point d'arrivée: les sept personnes qui constituaient le noyau d'origine se retrouvent aujourd'hui au cœur de la structure économique qui garantit l'indépendance de votre journal. Tandis que Michel Broué préside la Société des Amis de Mediapart, les six fondateurs de Mediapart sont Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiéjan. En clair, Mediapart est un journal de journalistes dont le capital est contrôlé par son équipe fondatrice, elle-même composée majoritairement de journalistes. Sans vouloir faire la leçon à qui que ce soit, on se permettra juste de souligner que, dans le paysage actuel de la presse quotidienne, une telle indépendance économique structurelle n'est pas fréquente.

Un capital contrôlé par les fondateurs

La société que nous avons créée est une SAS (Société par actions simplifiée), la Société éditrice de Mediapart, dont le capital de départ, constitué de nos apports personnels, atteint un montant total de 1.325.000 euros. Ce capital a ensuite été ouvert à deux autres familles d'actionnaires: d'une part, des investisseurs partenaires qui entrent au capital pour des sommes jusqu'à 500.000 euros; d'autre part, la Société des Amis de Mediapart, également une SAS, qui rassemble une quarantaine d'investisseurs amicaux ayant investi, pour la plupart, des sommes allant de 5.000 à 50.000 euros.

Les investisseurs sont essentiellement deux, pour 500.000 euros chacun. Il s'agit de Jean-Louis Bouchard (société Ecofinance) et de Thierry Wilhelm (société Doxa), deux entrepreneurs indépendants, acteurs dans le secteur de l'informatique et les nouvelles technologies. Ce qui les intéresse dans notre aventure, c'est à la fois l'enjeu démocratique – la liberté et le pluralisme de l'information – et le laboratoire économique – l'invention d'un nouveau modèle sur le Net. Au total, les investisseurs partenaires contribuent pour 1.110.000 euros, tandis que la Société des Amis contribue pour 504.000 euros. Ainsi, l'apport des investisseurs et des amis a permis de réunir 1.614.000 euros.

Au jour du lancement de notre journal, le 16 mars, les sommes réunies sont donc de 2.939.000 euros. Au printemps, une augmentation de capital complémentaire, au titre des investisseurs partenaires comme de la Société des Amis, portera le total des fonds levés à 3.700.000 euros. A cette échéance, la répartition du capital dans notre société sera la suivante: 60 % pour les fondateurs, 40 % pour les investisseurs et amis. Par des clauses d'agrément, de préemption et de rendez-vous, un pacte d'actionnaires consolide l'indépendance de la société dont les statuts rappellent qu'elle «exerce son activité dans le cadre d'une totale indépendance de la rédaction de Mediapart».

En charge des décisions stratégiques, le conseil de direction de la société est composé de sept membres: quatre représentent les fondateurs (dont le président, membre de droit), deux les investisseurs, un les amis. Il s'agit de François Bonnet, Laurent Mauduit, Marie-Hélène Smiéjan et moi-même pour les fondateurs, de Jean-Louis Bouchard et Thierry Wilhelm pour les investisseurs, de Michel Broué pour les amis. J'assure la présidence et la direction de la publication, Marie-Hélène Smiéjan est la directrice générale, François Bonnet est le directeur éditorial. Dès que l'équipe de Mediapart sera complète, ses droits feront l'objet d'une charte élaborée et discutée collectivement.

Les devoirs de la presse libre

Telles sont les fondations à partir desquelles nous espérons construire et renforcer l'indépendance de Mediapart. Evidemment, notre marge d'invention et d'audace dépendra du succès de notre entreprise – donc de vous puisque l'abonnement d'un lectorat fidèle est à la base de notre pari. Dans l'esprit de tous ses actionnaires, fondateurs, investisseurs et amis, Mediapart entend rester fidèle à une vieille promesse toujours inaccomplie, celle que les journalistes résistants formulèrent au spectacle de l'abaissement moral d'un pays et de sa presse. Déjà formulée dans le programme du Conseil national de la Résistance, elle fut détaillée le 24 novembre 1945 par la Fédération nationale de la presse, dans un «projet de déclaration des droits et devoirs de la presse libre».

Loin de nous sembler vieillots, ces mots, aussi utopiques puissent-ils paraître, nous semblent toujours pertinents: «Article 1: La presse n'est pas un instrument de profit commercial. C'est un instrument de culture, sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain. Article 2: La presse ne peut remplir sa mission que dans la liberté et par la liberté. Article 3: La presse est libre quand elle ne dépend ni de la puissance gouvernementale ni des puissances d'argent, mais de la seule conscience des journalistes et des lecteurs.» Assurer la réussite de Mediapart, c'est prouver l'actualité de cet idéal.

#FREEMORTAZA

Depuis le 7 janvier 2023 notre confrère et ami Mortaza Behboudi est emprisonné en Afghanistan, dans les prisons talibanes.

Nous ne l’oublions pas et réclamons sa libération.

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