Les talibans maîtres de l’Afghanistan Vidéo

Depuis 5 mois, notre confrère et ami Mortaza Behboudi est prisonnier des talibans

Le journaliste, qui collabore notamment avec France Télévisions, Arte, Radio France, « Quotidien » ou Mediapart, est détenu en Afghanistan depuis le 7 janvier 2023. Depuis, l’espoir est un combat. Nous ne l’oublions pas et réclamons sa libération.

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Enfant de l’exil (ses parents ont dû se réfugier en Iran avec son frère et lui alors qu’il était âgé de 2 ans), notre collaborateur Mortaza Behboudi a commencé sa carrière comme photoreporter en immortalisant le soulèvement iranien de 2009. Il a 15 ans. En 2012, il rallie son pays natal, l’Afghanistan, où il étudie et se passionne pour le journalisme. Mais à partir de 2015, « les talibans et l’État islamique ont créé des “trous noirs” d’information dans tout le pays », il doit fuir Kaboul. 

Après un parcours migratoire éprouvant, où il endure la rue, les soupes populaires, le racisme, il trouve refuge à la Maison des journalistes, en France en 2015. Il obtient le statut de réfugié puis la nationalité française. Cofondateur du média Guiti News qui défend la cause des exilés, Mortaza n’a jamais arrêté le journalisme. Depuis le retour des talibans à la tête du pays en août 2021, il a effectué de nombreux reportages en Afghanistan (ici son premier publié par Mediapart – Survivre sous le régime des talibans, le 21 août). 

Il a ensuite accompagné des équipes de reportages de France Télévisions, Arte, TV5 Monde ou « Quotidien ». Pour Mediapart, il a co-réalisé avec notre journaliste Rachida El Azzouzi une série de grands reportages (« À travers l’Afghanistan sous les talibans », récompensé en 2022 par le prix Bayeux des correspondants de guerre et le prix Varenne de la presse quotidienne nationale. Ensemble, ils ont également réalisé en ce mois de janvier 2022 le documentaire « Ils ne nous effaceront pas. Le combat des femmes afghanes ».

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Placé en détention le 7 janvier 2023, deux jours après son arrivée à Kaboul, alors qu’il effectuait les démarches pour obtenir une accréditation, le sésame sans lequel aucun journaliste ne peut exercer son métier en Afghanistan, Mortaza serait, selon diverses sources, sous le coup d’une accusation d’espionnage. Mais à ce jour, aucune charge n’a jamais été, officiellement, formulée par le régime taliban. Après plusieurs semaines sans aucun lien avec ses proches à l’exception d’une minute au téléphone avec son épouse Aleksandra Mostovaja sous le contrôle étroit d’un garde taliban, Mortaza reçoit, depuis peu, la visite, certes minutée mais hebdomadaire, de proches de sa famille.

Dans un entretien récent à Ouest France, dans une Bretagne très mobilisée (notamment « sa » ville de Douarnenez), Aleksandra Mostovaja, l’épouse de Mortaza qui vit au Danemark, y raconte avoir reçu deux lettres où il explique « qu’il peut lire des livres » et lui demande de « lire le même livre que lui, pour que nous soyons ensemble d’une certaine manière. Il fait tout pour rester solide. » Deux lettres qui lui ont été transmises par le biais des humanitaires de la Croix-Rouge internationale qui ont pu rendre visite à deux reprises à Mortaza.

Aleksandra Mostovaja explique aussi que « Reporters sans frontières [RSF] dispose d’un canal de communication ouvert avec les talibans au contraire du gouvernement français qui dialogue avec un représentant des talibans à Doha (Qatar) [la France ne reconnaissant pas officiellement le régime taliban – ndlr]. » Elle dit enfin : « Je sens qu’il sera libéré. Bientôt ? De cela, vraiment je ne suis plus sûre du tout. Il faut accepter cette possibilité et se battre. »

Un comité de soutien coordonné par RSF, qui a saisi les Nations unies sur son cas, s’y emploie à ses côtés. Lancé le 9 février dernier, il rassemble notamment la quinzaine de rédactions ou sociétés de production françaises avec lesquelles Mortaza Behboudi a collaboré qui ont signé un appel commun exigeant sa libération

Plus que jamais, nous appelons le régime des talibans à mettre un terme à cette situation insensée. Et nous demandons aux autorités françaises de redoubler d’efforts pour obtenir sa libération.

Le 16 mars 2022, pendant notre émission «Les rendez-vous de Mediapart », il revenait, avec Rachida El Azzouzi sur leur grand reportage. Retrouvez ci-dessous la parole de Mortaza, que nous espérons tant revoir au plus vite parmi nous… Il a passé l’anniversaire de ses 29 ans, le 22 avril dernier, derrière les barreaux des geôles talibanes.