A l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines, Mediapart s'est entretenu avec Cheikh Hamidou Kane, écrivain sénégalais d'origine peule, né en 1928. Son premier texte, L'Aventure ambiguë (1961), grand classique de la littérature africaine, expose l'angoisse d'être noir. Son héros, «désarticulé» entre l'Afrique et l'Occident, résume ainsi son inconfort: «Je suis devenu les deux. Il n'y a pas une tête lucide entre deux termes d'un choix. Il y a une nature étrange, en détresse de n'être pas deux.»
Dans la foulée de l'indépendance du Sénégal, Cheikh Hamidou Kane occupa des fonctions ministérielles sous la présidence de Léopold Sédar Senghor. Il fut notamment directeur de cabinet du ministre du développement et du plan, en 1961, et se trouva, à ce titre, aux premières loges de la rivalité entre Senghor et son premier ministre d'alors, Mamadou Dia. Accusé en 1962 d'avoir tenté un coup d'Etat contre Senghor, Dia, spécialiste des questions économiques, fut emprisonné à perpétuité, avant d'être gracié et libéré en 1974. A cette époque, l'un de ses avocats s'appelait Abdoulaye Wade, l'actuel président du Sénégal.
Le deuxième roman de Cheikh Hamidou Kane, Les Gardiens du temple (1997, Stock), met en scène l'ébullition et les désillusions nées des premières années d'indépendance, dans un pays africain qui ne dit pas son nom, mais ressemble fort au Sénégal. Dans son entretien à Mediapart, l'écrivain-ministre revient sur les 50 ans du Sénégal, regrette les «traces» de la colonisation encore vivaces, et se félicite de la réhabilitation dont fait l'objet Mamadou Dia ces jours-ci à Dakar, quitte à égratigner Senghor.
L'Aventure ambiguë est le récit d'une «confrontation» entre l'Afrique et l'Occident. Cette page est-elle tournée?
Série Épisode 2 50 ans d'indépendances africaines
Cheikh Kane : « La confrontation Afrique-Occident continue d’exister »
Deuxième entretien avec des intellectuels africains: Cheikh Hamidou Kane, l'auteur de L'Aventure ambiguë, et ancien ministre de Senghor, revient sur les «traces» de la colonisation, lance des pistes pour se défaire des frontières héritées des colons, et évoque la rivalité entre le président Senghor et son premier ministre jusqu'en 1962, Mamadou Dia, moment décisif de la jeune histoire du Sénégal.
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