Samedi matin a marqué la fin d'un nouveau processus de rénovation du parti socialiste. Le 21 avril dernier (date ô combien symbolique dans l'histoire du PS), le projet de la nouvelle déclaration de principes du parti était rendu public. Rédigé par des représentants de toutes les sensibilités du parti, il a depuis fait le tour des sections et été diversement amendé [lire notre enquête sur les débats internes et notre reportage dans la section du XIe arrondissement de Paris], avant d'être adopté par chaque section le 29 mai dernier (à environ 80% des voix, avec une participation tournant autour de 50%). Certaines fédérations ont proposé des amendements, comme celle de Paris (voir le document PDF).
La déclaration a enfin été une dernière fois retouchée mardi dernier, dans la soirée, en commission des résolutions. Par rapport au texte initial [à télécharger ici -PDF-], il a été légèrement amendé sur les questions de laïcité, de féminisme, d'Europe et d'écologie. Et a été adopté définitivement samedi à 13h par les délégués de la Convention nationale de rénovation, réunie à la Cité des sciences de Paris.
Voir la version définitive en cliquant ici (PDF):
Ainsi que l'explique à Mediapart le fabiusien Henri Weber, l'un des rédacteurs de la nouvelle déclaration, «l'écologie politique est l'apport essentiel de ce texte, car l'acceptation d'une économie de marché régulée n'est une nouveauté que pour ceux qui la découvre. Cette portée écologique dans nos principes influencera forcément nos programmes à venir». En revanche, les termes de «classe» et de «révolution» n'apparaissent plus dans ce que le strausskahnien Alain Bergougnioux nomme «la carte d'identité socialiste». Et le terme «travailleur» n'apparaît pas une seule fois en six pages...
Ci-dessous la vidéo où en 3min 30 Henri Weber présente le texte (extraite du site du PS)
L'évolution théorique du PS connaît donc sa cinquième étape, après les déclarations de principes de 1905, 1946, 1969 et 1990. Où le cheminement séculaire d'une SFIO marxiste ayant pour but de «socialiser les moyens de production», peu à peu transformée en un PS social-démocrate souhaitant «bâtir un monde meilleur, obéissant à la dignité de l'homme et assurant la sauvegarde de la planète». Plongée dans le passé…
De la naissance du socialisme français (1905) à l'affrontement Blum/Mollet (1946)

1905
Dans la foulée du congrès de l'Internationale socialiste à Amsterdam en 1902, où Jules Guesde a imposé sa ligne marxiste à Jean Jaurès (lire son discours à la tribune en cliquant ici), les deux familles du socialisme français (marxistes et réformistes) rédigent la première «charte fondamentale» de la Section française de l'internationale

ouvrière (SFIO).
Jaurès, qui a accepté l'orientation des guesdistes lors de la rédaction du texte, prendra sa revanche à la tribune du congrès de Toulouse de 1908 (photo ci-contre), dans un discours qui s'imposera davantage comme la ligne politique de la SFIO des années à venir (lire la note de la Fondation Jean-Jaurès rédigé par Alain Bergougnoux sur ce discours, en cliquant ici).
La définition du parti à l'époque:
«Le parti socialiste est un parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d'échange, c'est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, et pour moyen l'organisation économique et politique du prolétariat. Par son but, par son idéal, par les moyens qu'il emploie, le parti socialiste, tout en poursuivant la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière, n'est pas un parti de réforme, mais un parti de lutte de classe et de révolution.»
Lire le texte intégral en cliquant ici

En 1946, face à l’hostilité des néo-guesdistes alors menés par le jeune député du Nord Guy Mollet (lire son discours lors du congrès de Paris), Léon Blum, chargé de préparer le texte de retour de Buchenwald, renonce à remplacer le terme de «lutte de classe» par «action de classe» et ne parvient pas à imposer son «socialisme humaniste»… L’ancien leader du Front populaire voulait réussir la «synthèse entre la dialectique marxiste, que décidément je ne veux pas appeler matérialisme historique, et l’idéalisme jauressien, que j’appelle idéalisme sans aucun scrupule de pensée» (lire son discours à la tribune). En vain. [photo de Guy Mollet et Léon Blum, sur le site de l'Office universitaire de recherche socialiste – Ours]
La définition du parti à l'époque:
«Le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire : il a pour but de réaliser la substitution au régime de la propriété capitaliste d’un régime où les richesses naturelles comme les moyens de production et d’échange deviendront la propriété de la collectivité et où, par conséquent, les classes seront abolies. Cette transformation, accomplie dans l’intérêt de tous les hommes, ne peut être l’œuvre que des travailleurs eux-mêmes. Quels que soient les moyens par lesquels elle sera accomplie, elle constitue par elle-même la révolution sociale. C’est en ce sens que le Parti socialiste a toujours été et continue d’être un parti de lutte de classe, fondé sur l’organisation du monde du travail.»
Lire l’intégralité du texte en cliquant ici
De la renaissance unitaire (1969) à l'avant-congrès de Rennes (1990)
1969
Rédigée par Claude Fuzier et Pierre Joxe, la charte fondamentale du "nouveau parti socialiste" (fusion de la SFIO et de la Convention des institutions républicaine – CIR) sera adoptée lors du congrès d'Alfortville (voir le compte rendu en vidéo sur le site de l'INA). Elle sera reprise telle quelle lors du congrès d'Epinay en 1971, acte fondateur de la réunification du PS autour de François Mitterrand. Les notions de progrès, de culture et de savoir font leur entrée dans les principes socialistes, tandis que la démocratie sociale est une notion renforcée.
La définition du parti à l'époque:
«Le but du Parti socialiste est de libérer la personne humaine de toutes les aliénations qui l'oppriment et par conséquent d'assurer à l'homme, à la femme, à l'enfant, dans une société fondée sur l'égalité et la fraternité, le libre exercice de leurs droits et le plein épanouissement de leurs facultés naturelles dans le respect de leurs devoirs à l'égard de la collectivité (...) Parce qu'ils sont des démocrates conséquents, les socialistes estiment qu'il ne peut exister de démocratie réelle dans la société capitaliste. C'est en ce sens que le Parti socialiste est un Parti révolutionnaire.»
Lire le texte intégral en cliquant ici
Pour mémoire, les interventions de Pierre Mauroy et François Mitterrand à la tribune du congrès d'Epinay...
1990
C'est au congrès de Toulouse de 1985, sur proposition de Michel Rocard, qu'il est décidé de rédiger une quatrième version des principes socialistes tenant compte de la participation au pouvoir et du «tournant de la rigueur», ainsi que de l'adaptation du PS au capitalisme. Objet d'un consensus entre huit des neuf sensibilités qui vont se déchirer lors du congrès de Rennes, elle sera largement adoptée, ce qui n'empêchera pas l'unanimité de se disloquer quelques semaines plus tard (voir un reportage vidéo du congrès de Rennes sur le site de l'INA). Seule la motion de Jean-Pierre Chevènement refusera d'y adhérer en rejetant le terme de «communauté européenne». La nouvelle philosophie du texte se concrétisera dans le projet socialiste adopté lors du congrès de l'Arche en 1991 (voir un reportage de l'époque sur le site de l'INA).
La définition du parti à l'époque:
«Le Parti socialiste se fixe comme objectif l'émergence, par la voie démocratique, d'une société qui réponde aux aspirations fondamentales de la personne humaine telles que les ont définies des siècles de luttes pour le progrès et que les expriment aujourd'hui tous les peuples : la liberté, l'égalité et la dignité des hommes et des femmes, le bien-être, la responsabilité et la solidarité.
Parti de rassemblement, il met le réformisme au service des espérances révolutionnaires. Il s'inscrit ainsi dans la démarche historique du socialisme démocratique (...) Le Parti socialiste est un parti de transformation sociale. La faillite des sociétés bureaucratiques ne lui fait pas oublier que le capitalisme développe les inégalités, accentue les déséquilibres mondiaux, exploite les richesses du Tiers-Monde et maintient dans de nombreux pays chômage et exclusions.
Le Parti socialiste est donc favorable à une société d'économie mixte qui, sans méconnaître les règles du marché, fournit à la puissance publique et aux acteurs sociaux les moyens de réaliser des objectifs conformes à l'intérêt général.»
Lire le texte intégral en cliquant ici