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L’esprit critique « théâtre » : éthique et esthétique du spectacle vivant

Notre podcast culturel débat de « Portrait de Rita » signé Laurène Marx, de « The Last Supper » du collectif Mexa et de « Borda » de la chorégraphe Lia Rodrigues.

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Du Brésil à la Belgique, en passant par Yaoundé, c’est à trois propositions situées à la lisière du théâtre que s’intéresse aujourd’hui « L’esprit critique », avec un « stand-up triste », un festin scénique à la fois festif et funèbre ainsi qu’une sublimation chorégraphique de la matière plastique.

On évoque aujourd’hui la nouvelle proposition de l’autrice et metteuse en scène Laurène Marx, intitulée Portrait de Rita, la mise en scène de la Cène par le collectif trans et brésilien Mexa baptisée The Last Supper et enfin Borda de la danseuse et chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues.

« Portrait de Rita »

Portrait de Rita est un seul-en-scène interprété par Bwanga Pilipili, sur un texte et une mise en scène de Laurène Marx, fondé sur des entretiens que l’actrice et la metteuse en scène ont menés avec Rita Nkat Bayang, femme camerounaise arrivée en Belgique.

La pièce évoque son histoire et celle de son fils de 9 ans, Mathis, plaqué au sol par la police pour avoir lancé un caillou, une brique ou un parpaing – la version varie entre les policiers, la directrice de l’école et les autres personnes présentes – sur un camarade d’école qui l’injuriait de façon raciste.

Bwanga Pilipili, elle-même originaire de la République démocratique du Congo, raconte donc, seule face au micro et en robe à fleurs chatoyante, l’histoire d’une femme de Yaoundé arrivée en Belgique pour rejoindre un homme prénommé Christian, sur un texte écrit par Laurène Marx, artiste blanche et trans soucieuse, comme il est dit dans le dossier de presse, « d’éviter la récupération ».

Ce Portrait de Rita est présenté à Théâtre Ouvert à Paris jusqu’au 30 de ce mois, en même temps que deux pièces plus anciennes de Laurène Marx, Jag et Johnny et Pour un temps sois peu, avant une importante tournée en France puisqu’il sera ensuite visible au Mans, au Théâtre national de Strasbourg, à l’université de Lille puis au Théâtre national Wallonie-Bruxelles.

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« The Last Supper »

The Last Supper ou « le dernier repas » en bon français, est la proposition, autour de la fameuse scène de la Cène christique, du collectif brésilien Mexa, dans le cadre de la carte blanche que le Festival d’automne et la Maison des métallos ont donnée à la Casa do Povo pendant deux semaines de ce mois de septembre.

La Casa do Povo a été créée en 1946 à São Paulo par une constellation d’associations juives antifascistes et conçue à la fois comme un lieu dédié au souvenir des morts de la Shoah et un centre culturel.

Depuis le début des années 2010, cette « maison du peuple » est un lieu occupant une place singulière dans la métropole brésilienne, accueillant des collectifs aussi bien professionnels qu’amateurs qui y développent des activités artistiques, mais aussi sportives ou sociales, tout le monde participant à la gestion et à la programmation du lieu.

Parmi les invités de cette carte blanche qui a transformé physiquement la Maison des métallos, notamment par l’installation d’un ring de boxe accessible à tou·tes dans l’entrée, le collectif Mexa, fondé en 2015 après la montée des violences de genre dans les refuges pour sans-abri de São Paulo, propose un spectacle à la fois théâtral et culinaire. The Last Supper sera visible au mois d’octobre à Marseille dans le cadre du Festival actoral.

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« Borda »

« L’esprit critique » s’ouvre, pour cette nouvelle saison, à des spectacles de danse, pratique que l’on aborde d’habitude assez peu ici, en commençant avec le nouveau spectacle de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, Borda, déjà présenté en ce mois de septembre au 104 et à Chaillot pour ce qui concerne Paris.

Borda vient clore une trilogie débutée avec Furia en 2018, qui s’emparait de la violence dirigée contre les minorités en travaillant avec les favelas de Rio, où Lia Rodrigues évolue depuis des décennies, et poursuivie par Encantado en 2021, qui faisait jaillir une lutte libératrice inspirée des traditions spirituelles africaines et autochtones.

Ici, on peut interpréter de mille manières ce spectacle, d’autant que borda est un terme particulièrement polysémique, qui peut signifier aussi bien « frontière », « limite », « confins », « seuil », que « rêve », « fantasme » ou « broderie ».

Le spectacle, que l’on peut regarder comme une alchimie réussie, puisqu’il transforme en trésor chorégraphique ce qu’on considère habituellement comme des déchets, des rebuts – en l’occurrence des bouts de chiffons et de toiles en plastique –, a été créé à l’occasion des 35 ans de la compagnie de Lia Rodrigues et utilise de nombreux costumes provenant des différentes performances de la troupe.

Borda sera prochainement visible au Théâtre Joliette à Marseille, à la Comédie de Valence, puis à la Comédie de Clermont-Ferrand.

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Avec :

  • Zineb Soulaimani, que vous pouvez lire dans Le Quotidien de l’art et dont vous pouvez aussi écouter le podcast « Le Beau Bizarre » ;
  • Caroline Châtelet, qui écrit pour ScèneWeb et les trimestriels Théâtre(s), Jeux et Novo ;
  • Vincent Bouquet, dont vous pouvez retrouver la plume sur ScèneWeb.

« L’esprit critique » est un podcast enregistré par Corentin Dubois (Gong) et réalisé par Karen Beun.