Ce que pointe sans doute ce slogan provocateur, c’est la grandissante difficulté à concilier le temps long de la recherche, et son approche par définition complexe des phénomènes, avec un agenda médiatique bousculé et toujours prêt à céder à la facilité. Il traduit aussi le malaise plus large, ressenti par bon nombre de professionnels comme de citoyens, face aux assauts répétés d’un anti-intellectualisme qui, de Fouquet’s en Eurodisney, ne prend même plus la peine de se cacher. Lecteurs ou journalistes, nous le savons bien : depuis de longues années déjà, cette guerre à l’intelligence fait rage dans les médias.
Entre journalistes et chercheurs, les relations n’ont jamais été faciles. Question de concurrence sans doute, chacun tentant selon ses procédures et ses moyens de livrer une vérité. C’est une même et unique volonté de savoir que partagent deux professions qui pourtant s’appuient sur des épistémologies diamétralement opposées. D’un côté, la recherche de faits scientifiques, c’est-à-dire validés par leur régularité. De l’autre, la recherche de faits journalistiques, c’est-à-dire caractérisés par leur exceptionnalité. Lorsque les journalistes s’intéressent par définition aux trains qui arrivent en retard, les économistes, les sociologues ou les ingénieurs qui voudraient donner une image la plus scientifique possible du trafic ferroviaire doivent bien sûr s’intéresser à l’ensemble des trains.