Économie et social

Putsch à l'assemblée générale d'Atos Origin

C'était une des assemblées générales les plus attendues par le monde des affaires parisien. Ce jeudi devait être tranchée par les actionnaires la bataille de pouvoir qui oppose depuis des mois la direction de la société de services informatiques, Atos Origin, et ses deux principaux actionnaires, les fonds Pardus et Centaurus. Un compromis semblait avoir été trouvé mais, à la surprise générale, la direction a suspendu l'assemblée et renvoyé ses actionnaires dans le noir.

Martine Orange

Lumière éteinte, son coupé, votes suspendus. Les actionnaires de la société de services informatiques d'Atos Origin sont restés pantois devant le coup de force de la direction, qui a décidé de son propre chef de suspendre l'assemblée générale. « On a assisté à un putsch », s'énerve Colette Neuville, présidente de l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires (ADAM).
Ce dénouement inattendu est un des multiples rebondissements de la bataille qui oppose la direction d'Atos Origin avec ses deux principaux actionnaires, les fonds Pardus et Centaurus. Entrés en 2006 dans la société informatique où ils détiennent désormais 23,01% du capital, ces deux fonds qui agissent de concert sont devenus de plus en plus critiques sur la gestion de la société de services informatiques au fil des mois. Pour eux, l'entreprise est trop petite pour pouvoir soutenir la concurrence de groupes plus grands. Pour assurer son avenir, ils ont commencé à suggérer que l'entreprise devait peut-être s'allier ou fusionner avec une autre. Une analyse partagée par le fondateur de l'entreprise, Bernard Bourigeaud, mais contestée avec violence par la nouvelle direction, incarnée par Philippe Germond, président du directoire, et Didier Cherpitel, président du conseil de surveillance, qui ont poussé le fondateur à la porte. Celle-ci assure qu'Atos a les moyens de continuer sa route seul et que ses résultats, en redressement, le prouvent.
Pendant un an, la direction a refusé tout contact avec ses deux principaux actionnaires. Et elle s'est naturellement opposée à ce qu'ils aient la moindre représentation au conseil. De très fraîches, les relations entre les deux camps sont devenues franchement hostiles. D'autant que les fonds, depuis la crise financière, n'ont plus le temps d'être patients : ils sont eux-mêmes soumis à la pression de leurs propres investisseurs qui réclament des résultats rapides et conséquents, sous peine de partir. Estimant être dans l'impasse, les fonds, soutenus par Bernard Bourigeaud, ont décidé de passer à l'action, en faisant appel aux actionnaires.
Ils ont présenté une liste de cinq administrateurs, une série de résolutions contestant les décisions de la direction et demandé la révocation du président du conseil de surveillance. « C'est une manœuvre, une prise de contrôle rampante par des fonds qui veulent imposer leur loi sans en payer le prix », a répliqué Philippe Germond. Le ton est monté si haut que l'affaire est devenue un sujet pour l'ensemble de la place de Paris. Inquiets de la puissance montante des fonds dans un certain nombre de sociétés - de l'équipementier Valeo à Carrefour en passant par le groupe hôtelier Accor - des dirigeants sont venus en renfort de la direction d'Atos. Pour eux, il n'était pas possible de laisser le champ libre à ce type d'investisseurs qui, profitant d'un contrôle rampant, poursuivent d'autres buts et intérêts que ceux de la société et du reste des actionnaires. Pour les autres, la règle d'or du pouvoir actionnarial - une action, une voix - ne pouvait être contournée. Que cela plaise ou non à la direction d'Atos, les deux fonds étaient les premiers actionnaires de la société et devaient avoir une représentation à son conseil de surveillance.

Réservé aux abonné·es

Se connecter

La lecture des articles est réservée aux abonné·es

Se connecter