Sexisme et misogynie: plongée dans le «Masque et la Plume», l’émission phare de France Inter

Ces derniers mois, les critiques d’auditeurs se sont multipliées à l’égard du « Masque et la Plume », émission phare du service public consacrée au cinéma, au théâtre et à la littérature. Mediapart a écouté 96 émissions et recensé un flot de propos sexistes et, dans une moindre mesure, des stéréotypes racistes ou homophobes.

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C’est l’inamovible émission culturelle de France Inter. Créé en 1955, « Le Masque et la Plume » est devenu, pour beaucoup d’auditeurs, le rituel du dimanche soir, à l’heure du dîner. Véritable institution de la chaîne (il s’agit de la plus ancienne émission de la grille), locomotive d’audience (près de 700 000 auditeurs et 610 000 « podcasteurs »), il est animé et produit depuis 1989 par le journaliste de L’Obs Jérôme Garcin. Chaque semaine, il réunit quatre des vingt-trois chroniqueurs, issus de différents médias, pour décortiquer films, livres et pièces de théâtre.

Son succès s’est construit autour des joutes verbales et théâtrales de ses journalistes, mais aussi d’une dimension participative, l’émission étant l’une des rares où le public peut intervenir (lors de l’enregistrement ou à travers le courrier des auditeurs, lu fidèlement chaque semaine à l’antenne). Ces derniers mois, les critiques se sont multipliées à l’égard de l’émission, mise en cause pour son manque de parité et accusée de laisser libre antenne à des propos sexistes et misogynes. 

Au cœur des griefs, l’un des piliers du « Masque », Éric Neuhoff, journaliste au Figaro, qui distille des remarques sexistes ou misogynes dans l’émission, mais aussi dans ses interviews et son dernier livre, (Très) cher cinéma français, paru chez Albin Michel. Ce pamphlet a été récompensé en novembre du prix Renaudot, par un jury composé de dix membres, dont neuf hommes (deux d’entre eux, Jérôme Garcin et Frédéric Beigbeder, étant chroniqueurs du « Masque et la Plume »).

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L'équipe du "Masque et la Plume" en 2015. © Radio France / Christophe Abramowitz

Des personnalités, des journalistes et des militantes féministes se sont étonnés que le critique officie toujours sur le service public, malgré ses propos répétés. En octobre, l’association de femmes journalistes Prenons la une a interpellé sur Twitter la directrice de France Inter, Laurence Bloch, en dénonçant un « festival du sexisme ».

Dans la boîte mail de la médiatrice de Radio France, les plaintes affluent ces derniers mois (lire ici et ), au point qu’Emmanuelle Daviet a questionné Laurence Bloch et Jérôme Garcin (ici et ), et évoqué le sujet à trois reprises dans sa lettre hebdomadaire à l’automne (ici,  et ). « Sur une antenne, a fortiori de service public, la liberté de tout dire ne devrait-elle pas s’arrêter là où commencent l’insulte, le mépris, voire la stigmatisation ? », interrogeait-elle.

À Mediapart, la médiatrice explique avoir reçu « depuis le début de la saison radiophonique », en septembre, « davantage de courriels d’auditeurs sur le sujet » : Alors que, « jusqu’à la saison dernière », les messages portaient davantage sur « une critique d’un film ou d’un livre », « aujourd’hui les auditeurs se sentent davantage autorisés à écrire sur des questions de nature sociétale, comme la place des femmes dans l’émission ou la distinction entre l’œuvre et l’artiste », estime-t-elle, soulignant la « transparence » de Radio France qui en fait état et s’efforce de « répondre aux critiques » (lire sa réponse intégrale ici)

Une partie des auditeurs fustige des « propos misogynes de mecs vieillissants, nostalgiques de la belle époque d’avant #MeToo », ou s’en prend aux « horreurs (racistes, misogynes, homophobes…) débitées » par Éric Neuhoff, « dont les argumentaires se résument quasi systématiquement au physique des actrices (pas assez belle, pas assez blanche…) ». « CNews a Zemmour, Inter a Neuhoff », se plaignait l’un·e en octobre. Et beaucoup réclament davantage de parité et de diversité dans le choix des intervenants.

Laurence Bloch comme Jérôme Garcin se défendent régulièrement avec deux arguments : la liberté d’expression et la dimension théâtrale du « Masque ». Le sexisme n’est pourtant pas une opinion, il est interdit par la loi, et défini dans le code pénal et le code du travail (icilà, et ici). La critique peut par ailleurs être incisive, ironique, grinçante ou drôle sans verser dans le sexisme ni la misogynie, comme le montrent d’autres émissions culturelles audiovisuelles. 

« Le Masque et la Plume » connaît-il une dérive sexiste ? Pour le vérifier, Mediapart a écouté 96 émissions (dont l’intégralité des années 2019 et 2020 – lire notre Boîte noire). Il en ressort une longue liste de propos sexistes et misogynes, mais aussi, dans une moindre mesure, des stéréotypes racistes et homophobes (qu’ils soient tenus consciemment ou non) ; un traitement différencié des hommes et des femmes ; des remarques raillant ou minorant la gravité des violences sexuelles et de la pédocriminalité ; un relatif silence sur les accusations de violences sexuelles qui visent des cinéastes dont les films sont chroniqués. Autre constat à l’écoute de dizaines d’émissions : sous couvert d’humour et d’une ambiance potache revendiquée, les chroniqueuses de l’émission sont particulièrement raillées ou interrompues.

Ces propos sont moins nombreux lorsque le plateau tend davantage vers la parité. Composé uniquement de critiques blancs, de nombreux journalistes de plus de 60 ans et d’une majorité d’hommes, le « Masque » a opéré récemment un rééquilibrage vers la parité (13 hommes, 10 femmes).

Prises individuellement, certaines phrases peuvent ne pas sembler problématiques. Et toutes ne sont pas prononcées intentionnellement. Mais c’est la récurrence et l’effet de masse qui questionnent cette émission. D’autant que Radio France a signé en mars 2019 une charte contre les agissements sexistes. Mediapart a fait réagir Laurence Bloch, Jérôme Garcin et plusieurs chroniqueurs (lire notre article). Après notre entretien, l'animateur nous a indiqué avoir demandé à voir le chroniqueur Éric Neuhoff pour discuter de ses propos tenus dans l’émission.

  • Des propos minimisant la gravité des violences faites aux femmes et de la pédocriminalité

Le « Masque » a avant tout une difficulté à aborder les questions des violences faites aux femmes et des violences sexuelles. La séquence consacrée au livre Muchachas, de Katherine Pancol, qui traite des violences conjugales, en témoigne (16 mars 2014). Le journaliste Jean-Louis Ezine (L’Obs) moque longuement ces femmes battues, puis ajoute :

« Non, parce que j’ai eu trop peur, franchement » (rires). […] La seule chose positive qu’on pourrait dire, Jérôme, à propos de ces héroïnes, qui sont des femmes…
— Des femmes battues, tu m’as interrompu, le coupe Jérôme Garcin.
— Justement, elles sont tellement bêtes qu’on est content qu’elles soient battues », lance Ezine en riant.

Cette remarque déclenche l’indignation des autres critiques et des huées du public. « C’est hallucinant ! Mais je quitte cette tribune », dit la journaliste Patricia Martin (France Inter), qui le qualifie d’« hétéro plouc ». Jean-Claude Raspiengeas (La Croix) précise qu’il se « dissocie totalement de ce genre de saillies ». Jérôme Garcin estime que « c’est inadmissible » et s’inquiète du « courrier monstrueux » qu’il va recevoir. Sur le fond, les critiques multiplient les railleries, à l’exception de Patricia Martin, qui défend un livre parvenant à décrire le « processus » des violences conjugales, « la perte de l’estime de soi » et l’« engrenage infernal ». Mais la journaliste se fait constamment interrompre par ses collègues masculins. Voici l’extrait audio intégral :

Extrait du « Masque et la Plume » du 16 Mars 2014 au sujet d'un roman de Katherine Pancol. © France inter

Cette séquence a suscité un flot de courriers d’auditeurs pendant trois mois (ici, et ), dont certains demandant la suspension du journaliste. Jérôme Garcin a pris soin de lire les messages à l’antenne, mais sous les rires de deux chroniqueurs, dont Jean-Louis Ezine. L’intéressé avait plaidé l’« ironie », la « dérision », le « second degré ». « C’est fini, ça, le second degré, ça n’existe plus, Jean-Louis, à la radio », avait ironisé l’animateur. Un auditeur mettra lui en avant les « 540 000 cas de violences conjugales annuels », insistant sur le fait que ce commentaire « n’avait donc rien à voir avec le second degré ».

Lorsque Michel Crépu (La Nouvelle Revue française), Arnaud Viviant (Transfuge) et Jérôme Garcin évoquent le livre L’Affaire Nobel – qui retrace l’affaire Jean-Claude Arnault, accusé de violences sexuelles par dix-huit femmes et condamné pour deux viols –, ils plaisantent sur des « pénis incontrôlables » (déjà évoqués au sujet d’un livre précédent) et sur « la question des fuites » qui, « en règle générale, [est] toujours un problème ». Michel Crépu dit fièrement que l’affaire ne « [l’]intéresse pas », ajoutant : « J’ai le droit, hein », puis plus tard : « J’en parlerai à mon pénis » (17 novembre 2019).

Arnaud Viviant, au sujet du livre de Vanessa Springora sur Gabriel Matzneff, évoque la pédocriminalité comme une « liberté » « Il y a eu une époque où on préférait la liberté à la sécurité, et maintenant c’est un peu l’inverse. » Arguant qu’il n’est « pas juge d’instruction » mais « critique littéraire », il dit avoir surtout été « intéressé » dans ce livre par la « description de la vie littéraire des années 1980 » (12 janvier 2020). Lorsque les chroniqueurs évoquent la première relation sexuelle traumatisante que subit la lycéenne qu’interprète Marine Vacth dans le film Jeune et jolie, ils « blaguent » longuement sur son « dépucelage ». « Elle n’a pas joui, donc ça l’a marquée, et visiblement après ça continue, quoi, elle jouit pas », dit Michel Ciment (revue Positif). « On va reprendre une question au “Téléphone sonne” ! », lance Garcin. Hilarité générale (25 août 2013).

Pierre Murat et Éric Neuhoff ironisent eux sur le film Elle, de Paul Verhoeven (29 mai 2016), dans lequel Isabelle Huppert est violée par un inconnu, manifestant leur méconnaissance des réactions face à un viol : « Elle se fait violer, théoriquement elle devrait appeler les flics, bah non, elle commande les sushis », dit Murat. « Oui, parce qu’on a des sushis gratuits quand on est violée », réplique Neuhoff, entraînant les rires de tous les chroniqueurs. 

Le journaliste du Figaro aime plaisanter sur la question des violences sexuelles, même quand celle-ci n’est pas le sujet du film (18 septembre 2016). Commentant le film Frantz, de François Ozon, il dit avoir « été gêné par la très charmante Paula Baer […], qui pour [lui] est le sosie de Tristane Banon », l’écrivaine qui avait porté plainte contre DSK pour tentative de viol. « T’as pas craqué pour elle ? », rebondit Garcin. « Nan, parce que je pensais tout le temps à Dominique Strauss-Kahn, et j’avais envie de dire à [Pierre] Niney [acteur du film – ndlr] : “Mais vas-y, mon vieux, saute-lui dessus !” », s’esclaffe Neuhoff.
Alors que l’émission revient un jour sur la scène traumatisante vécue par l’actrice Maria Schneider sur le tournage du Dernier Tango à Paris (piégée par Bertolucci et Brando, qui avaient simulé par surprise une scène de viol), Éric Neuhoff justifie : « Est-ce que ce n’est pas le prix à payer pour les chefs-d’œuvre ? » Puis il ajoute que « la fille avait l’air d’être complètement folle, droguée » (9 septembre 2018). Tout récemment, c’est sur l’avortement que le critique du Figaro a choqué des auditeurs, qui l’ont qualifié de « macho ». Critiquant le film de Céline Sciamma, Portrait de la jeune fille en feu, il lâche : « Comme c’est un film féministe, on a droit à une scène d’avortement, mais une scène d’avortement à l’ancienne, vintage. C’est pas le truc remboursé par la Sécurité sociale. » Seul Xavier Leherpeur (journaliste à la revue La Septième Obsession) manifeste sa réprobation sur le plateau : « Oh non ! Non, non… Comme c’était bien quand les femmes mouraient quand elles avortaient, ah bah oui, bien sûr ! » (22 septembre 2019).

Saluant le film Spotlight, qui traite des affaires de pédocriminalité dans l’Église, le même Xavier Leherpeur éclate lui de rire en se félicitant qu’il n’y ait « aucun flash-back sur des gamins en larmes qui sortent en courant et en culotte courte du presbytère, où on devinera que le prêtre a eu la main baladeuse ». Les chroniqueurs s'esclaffent. (7 février 2016). Un autre jour, le journaliste ironise sur le fait qu’« on ne fait plus un film sociétal sans mettre de la pédophilie évidemment », puis ajoute : « Tu peux kidnapper des enfants sans les baiser non plus » (13 janvier 2019).

« J’ai appris que ça coûtait 3 à 500 euros de coucher avec cette fille-là »

  • Le silence sur les accusations de violences sexuelles visant des cinéastes

Si le sujet des violences sexuelles est régulièrement mis sur la table pour faire de l’« humour », les critiques ont en revanche de grandes difficultés à l’évoquer lorsqu’il s’agit de décrypter les films de cinéastes mis en cause pour de telles violences.

Seules exceptions, après #MeToo : Jean-Claude Brisseau et Luc Besson, deux cinéastes alors en déclin. La condamnation pour harcèlement sexuel du premier et les accusations de viols visant le second ont été évoquées en préambule, puis mises en parallèle avec leurs films. Défendant le long-métrage de Brisseau Que le Diable nous emporte, Charlotte Lipinska (Vogue) précise que pour apprécier ce film aux nombreuses scènes érotiques, « il faut oublier ce que l’on sait du réalisateur » (14 Janvier 2018). S’agissant de Besson, Nicolas Schaller (L’Obs) souligne que le cinéaste, avec son film Anna« croit vraiment avoir fait un polar féministe » et que, « quand on sait effectivement les problèmes qu’il a, c’est très très embarrassant » (4 août 2019).

Ce n’est pas le cas pour Woody Allen et Roman Polanski. Dans l’émission, le premier est défendu corps et âme depuis des années, sans que les accusations le visant ne soient évoquées, ni son obsession des jeunes filles et étudiantes, qui marque pourtant ses films. Jérôme Garcin le reconnaît lui-même en 2016 : à son sujet, le « Masque » « a toujours été unanime ».

Éric Neuhoff vante « le charme de Woody Allen, l’intellectualité, l’humour, le goût des jeunes filles » (25 octobre 2015). Michel Ciment voit dans son film L’Homme irrationnel, qui met en scène un professeur d’université entretenant une liaison avec une étudiante, « un grand hommage aux étudiants » (25 octobre 2015). Et lorsque les accusations visant le réalisateur refont surface, empêchant la sortie de son film Un jour de pluie à New York aux États-Unis, les deux critiques le défendent. Michel Ciment s’en prend violemment à l’acteur Timothée Chalamet, qui après avoir tourné avec Woody Allen, a reversé son salaire à des associations de lutte contre les violences sexuelles. Le journaliste estime que le comédien « a accablé de façon scandaleuse » le cinéaste, « alors qu’on sait très bien qu’il n’y a pas de dossier Woody Allen », décrète-t-il, sans être contredit (10 février 2019). Voici l’extrait audio :

Extrait du « Masque et la Plume » du 10 février 2019 au sujet de Woody Allen. © France inter

Pour Éric Neuhoff, ce film est « la meilleure réponse à ses détracteurs, aux gens d’Amazon [distributeurs du film – ndlr] qui ne sortiront jamais le film aux États-Unis, ce qui est complètement ridicule » (22 septembre 2019). Sophie Avon (Sud-Ouest) y voit également « un film adorable, merveilleux, léger, une réponse par le haut, par l’amour, par la jeunesse, à toute cette boue qui était collée aux baskets de Woody Allen ».

Même chose pour Roman Polanski et son film J’accuse – dont France Inter est partenaire –, sorti en novembre, dans un contexte qui rendait pourtant difficile le silence sur le sujet : une nouvelle accusation de viol, des appels au boycott du film, le monde du cinéma secoué par le témoignage d’Adèle Haenel, la manifestation contre les violences faites aux femmes. Alors que les six témoignages visant Polanski font la une des médias, « Le Masque et la Plume » semble dans sa bulle. Jérôme Garcin évacue le sujet en une phrase, parlant d’un film « très chahuté par l’accusation de viol prononcée par la photographe française Valentine Monnier, les faits remontant à l’année 1975 » (24 novembre 2019).

Puis les critiques ne diront pas un mot de ces accusations qui marquent pourtant l’œuvre du réalisateur – comme le cinéaste le souligne lui-même dans le dossier de presse du film, évoquant notamment les nombreux « mécanismes de persécution qui sont à l’œuvre dans ce film », qu’il « connaît », et qui l’ont « évidemment inspiré », mais aussi les « histoires aberrantes de femmes […] qui [l’]accusent de choses qui se seraient déroulées il y a plus d’un demi-siècle ». Aucun critique n’évoquera le choix de certains cinémas de ne pas diffuser le film ou de l’encadrer avec des débats sur les violences sexuelles ou sur l’homme et l’artiste.

Résultat : l’émission a suscité une avalanche de courriers d’auditeurs ulcérés. Parmi les griefs, la « complaisance » à l’égard de Polanski, l’absence de « référence au contexte troublé dans lequel sort cette œuvre » et à la « période de prise de conscience du cinéma français suite aux révélations d’Adèle Haenel à Mediapart », mais aussi l’incompréhension face à la dissociation de l’œuvre et de l’auteur. Plusieurs auditeurs annoncent qu’ils n’écouteront plus l’émission. La médiatrice a résumé la situation dans sa lettre mensuelle, intitulée « Les silences » : « Silence sépulcral sur l’homme mais concert de louanges pour l’artiste. […] Le silence devient de plus en plus épais. […] Pour les auditeurs, le silence scelle le crépuscule : “Adieu Masque, Adieu Plume”. »

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Pierre Murat et Éric Neuhoff lors de l'émission du "Masque et la Plume", le 20 septembre 2018.

À ces courriers virulents, les chroniqueurs répondront à côté lors de l’émission suivante, réduisant les reproches à une demande de censure. « Je suis plutôt pour Proust et contre Sainte-Beuve, donc je sépare l’homme et l’œuvre », réagit Pierre Murat. « Une société comme celle que décrit ta lectrice, j’en ai pas envie, j’ai envie d’une société libre », commente Sophie Avon. Jérôme Garcin, lui, défendra au micro de la médiatrice le fait que les critiques « ont jugé une œuvre ». Sans pour autant dire ce qui a inspiré celle-ci...

Tous se défendent avec un principe, celui de la stricte séparation entre l’homme et l’artiste. Une distinction qui se fait pourtant avec des incohérences, comme l’avait relevé l’essayiste Laure Murat. L’histoire personnelle tragique de Roman Polanski (sa mère morte à Auschwitz, sa femme enceinte assassinée), la personnalité de Woody Allen (la figure de l’intellectuel juif new-yorkais, séducteur maladroit, son « humour juif ») sont évoqués pour décrypter leurs œuvres, mais pas leur rapport aux très jeunes filles. « Pourquoi ne pas interroger la pédophilie, l’inceste et le viol comme éléments constitutifs d’une vision du monde transmise dans leurs films ? Pourquoi en appeler à certains traits biographiques et pas à d’autres? », interrogeait Laure Murat.

Nombre de critiques du « Masque » assument de ne pas vouloir parler des questions de violences sexuelles. Lorsque Gilles Costaz (Politis) souligne qu’une adaptation de Molière par Stéphane Braunschweig « s’inscrit dans le combat des femmes, le combat de #MeToo », Armelle Héliot (Le Figaro) l’interrompt net : « Oh non, mais ne parlons pas de #MeToo, moi je déteste #MeToo. Le combat des femmes, c’est autre chose! […] Ce n’est pas que de la dénonciation le combat des femmes, ça va, #MeToo ! » (9 décembre 2018). Le critique Arnaud Viviant, qui estime lui que « la littérature n’a rien à voir avec la société », qu’elle est un « espace à part », s’agace lorsque la journaliste Sarah Weinman publie un ouvrage sur l’affaire de pédocriminalité qui a inspiré Lolita de Nabokov, y voyant une tentative de « ramener la littérature à sa littéralité » (17 novembre 2019).

  • Un traitement différencié des acteurs et des actrices, souvent résumées à leur physique

L’écoute du « Masque » fait apparaître un autre élément récurrent : les commentaires sur le physique des femmes, et notamment des actrices. Un traitement qui n’est pas – ou qui l’est bien plus rarement – réservé aux hommes dans l’émission, à quelques exceptions près, comme lorsque Pierre Murat estime « la nouvelle star » Timothée Chalamet « jolie à regarder mais absolument sans intérêt », et lui trouve une « silhouette absolument délicieuse ». Mais même quand la journaliste Charlotte Lipinska se dit « électrisée » par le « niveau de sexitude rarement atteint » du comédien Willem Dafoe, elle parle aussi de son personnage et de son jeu – « émouvant », « magnétique », etc. (19 janvier 2020).

Les femmes, elles, sont fréquemment sexualisées et souvent résumées au désir qu’elles suscitent. L’actrice Marine Vacth, par exemple, n’échappe jamais aux commentaires graveleux. S’agissant de son rôle de lycéenne qui se prostitue dans Jeune et Jolie (25 août 2013), Éric Neuhoff commente : « Moi j’ai passé mon temps à regarder Marine Vacth, qui est une beauté comme on n’en a pas vu. Une révélation. C’est ce que le cinéma a fait de mieux depuis l’entrée d’un train dans la gare de la Ciotat ». « T’exagères. Comme raccourci, c’est d’une grande finesse ! », l’interrompt Xavier Lerherpeur. « Elle est mille fois mieux que Léa Seydoux, elle est mieux que Maïwenn… », insiste Neuhoff. S’ensuit ce dialogue :

(Éric Neuhoff) « Et j’ai appris que ça coûtait 3 à 500 euros de coucher avec cette fille-là. Je veux le numéro de la chambre et l’adresse de l’hôtel désormais.
(Jérôme Garcin) — L’hôtel, je crois que c’était Porte Maillot.
(Éric Neuhoff) — Bah c’est là où tu vas (rire général).
(Xavier Leherpeur) — Vous êtes payés, au Figaro. T’as les moyens. »

Voici l’extrait audio :

Extrait du « Masque et la Plume » du 25 août 2013 au sujet de l'actrice Marine Vacth. © France inter


Même chose le 19 mars 2017, lorsque les critiques évoquent le film La Confession, où l’actrice joue en tandem avec Romain Duris. Alors que Duris est qualifié d’« assez émouvant, ambigu », Vacth est résumée à sa plastique : « Cette fille a un visage, mais qui me ferait prendre la carte du PC aussitôt. Je deviendrais marxiste, je lirais toutes les œuvres complètes… Je la détournerais du confessionnal pour aller en réunion de cellule ! », dit Neuhoff. Jérôme Garcin renchérit : « Moi, je serais bien son curé aussi. » « Elle a une profondeur, une beauté, c’est une preuve de l’existence de Dieu, estime Alain Riou. Ça ne peut que tomber du ciel, des créatures comme ça. » « Ça te rappelle des souvenirs, tout ça ! », lui lance Garcin. « J’ai été un homme autrefois », répond Riou. L’épisode choquera une auditrice, « frappée » de les entendre « parler constamment de la beauté de Marine Vacth et si peu de son jeu », alors que « Romain Duris n’a pas eu droit d’entendre à quel point il était beau et à quel point cela apporte quelque chose au film ». « Un peu d’égalité de traitement ne ferait pas de mal », conclut-elle.

Trois mois plus tard, autre film, mais même actrice et mêmes remarques. « Cette femme me fait douter de l’inexistence de Dieu, tellement elle est belle, gracieuse, photogénique. […] Et elle a tout ce que j’attends d’une femme », lance Alain Riou, entraînant les rires masculins. « C’est un appel ? », dit Garcin (qui explique à Mediapart « regretter » aujourd’hui ces propos dont il a « honte »). Éric Neuhoff estime lui que c’est « un pêché et un crime » d’avoir coupé les cheveux de la comédienne dans ce film (4 juin 2017).

Le journaliste du Figaro est coutumier du fait. Les actrices de Much Loved, (20 septembre 2015) ? « Elles sont épatantes toutes ces filles qui gagnent leur vie à la sueur d’autres surfaces de peau que celles du front. […] Elles choisissent leurs clients. […] Ces filles-là, je ne sais pas quels sont leurs tarifs, mais moi j’achète. » « Classe… » ; « Quel macho ! », rebondissent deux critiques. La comédienne Ariane Labed ? « Moi, j’ai un gros faible pour Ariane Labed, qui est magnifique, et je suis prêt à m’engager dans l’armée si elle est avec moi » (18 septembre 2016). Maud Wyler ? Il évoque son « charme » et « la demande en mariage » (18 août 2019). Doria Tillier? « C’est une tornade, elle est en minijupe, elle est magnifique. […] Une fille qui aime manger les œufs durs en les saupoudrant de sucre, faut qu’elle me donne la recette, qu’elle vienne nous faire goûter ça » (10 novembre 2019).

Clémentine Baert? « Une délicieuse brune ». Quand Xavier Leherpeur ironise sur le fait que l'actrice a « visiblement trouvé grâce aux yeux et l’entrejambe d’Éric Neuhoff », celui-ci réplique: « Hélas non! » (5 mai 2019). Keira Knightley? « Elle fait ce qu'elle fait d'habitude... », dit Neuhoff. « Oui, rien », souligne Leherpeur. « ... mais comme elle est jolie... » , poursuit le journaliste du Figaro (5 mai 2019). Zahia ? « On a Zahia pour le prix d’une place de cinéma, c’est beaucoup moins cher que ce que ça a coûté à Ribéry. C’est l’avantage du film. […] Elle est mignonnette mais c’est un gadget » (1er septembre 2019). Un peu plus tard, Leherpeur sera le seul à souligner ces « propos misogynes ». Tout récemment, au sujet de l’actrice roumaine Catrinel Marlon, il déclare : « Il y a cette fille-là, qui s’appelle euh…, qui est un truc comme on n’en a pas vu depuis… » « Un truc ? Un truc ? Un truc, OK… », le coupent en chœur les deux chroniqueuses présentes, Charlotte Lipinska et Sophie Avon. « C’est une apparition divine, c’est la plus belle femme qu’on ait vu sur un écran depuis… », poursuit le critique du Figaro, imperturbable (19 janvier 2020).
Cette ambiance a contaminé l’émission. Quand Neuhoff évoque l’allure de l’actrice Doria Tillier, Nicolas Schaller renchérit : « Ah c’est pas Christine Lagarde, hein ? », en référence au film de Costa Gavras chroniqué juste avant, où il est question de l’ancienne dirigeante du FMI. Le même Nicolas Schaller, évoquant le tandem Adèle Haenel-Pio Marmaï dans En Liberté, estime que la première « a rarement été aussi charmante et désirable », alors qu’il qualifie le second de « formidable » (4 novembre 2018). Un autre soir, c’est la « physicalité » et le « corps sculpté » d’Eva Green qu’il commente (15 décembre 2019).

Certaines critiques femmes se laissent aussi parfois aller à de tels commentaires. Exemple lorsque Patricia Martin évoque les « gros lolos » de l’écrivaine américaine Anna Todd qui « présente bien » et est « très féminine » (9 août 2015), sans rapport avec le livre. Ou que Camille Nevers (Libération), parle du corps de Sara Giraudeau comme d’une « espèce de sac d’os », « par rapport à Emmanuelle Béart », « pulpeuse ». « J’aurais dit ça, moi… ! », ironise Éric Neuhoff. « Oui, mais moi je peux le dire, je suis là pour le dire », estime la journaliste (22 décembre 2019).

Dans un cercle privé, sans doute de tels propos susciteraient-ils des rires ou des réprobations. Mais est-il normal de donner à penser constamment, à des milliers d’auditeurs, sur une antenne du service public, que la femme doit être réduite à son physique ?

« Tu attaqueras un jour un acteur comme tu attaques les actrices ? »

  • Un flot de stéréotypes sexistes et de remarques misogynes

Que ce soit tantôt consciemment, tantôt inconsciemment, de nombreux stéréotypes sexistes sont véhiculés. Là encore, si Éric Neuhoff est un habitué des clichés sexistes, il est loin d’en avoir le monopole dans l’émission. Un exemple est emblématique : la séquence consacrée à l’actrice Elle Fanning, héroïne du dernier Woody Allen, moquée et imitée avec une voix aiguë par Xavier Leherpeur, sous les jubilations du critique du Figaro : « J’ai trouvé quelqu’un de plus misogyne que moi ! » (22 septembre 2019). Voici l’extrait audio intégral :

Extrait du « Masque et la Plume » du 22 septembre 2019 au sujet de l'actrice Elle Fanning. © France inter

À la différence des hommes, les femmes sont souvent dépeintes en « hystériques » insupportables ou bien en cruches insignifiantes. Pierre Murat qualifie la comédienne Elisabeth Moss d’« hystérique » et estime que « deux heures trente avec [elle] en liberté, c’est beaucoup » (4 août 2019). Éric Neuhoff « a envie d’étrangler [Juliette Binoche] dès les premières minutes » (29 Mai 2016), et n’en « revien[t] pas », un autre jour, qu’elle soit « supportable » (27 janvier 2019).

Le journaliste du Figaro dénigre aussi l’actrice Judith Chemla, décrite comme « charmante », « transparente », qui « n’existe pas », une « toute petite aquarelle pleine d’eau ». « Mais c’est pas la fille qui jouait dans Le Sentiment de l’été ? Ah, bah elle rate aucun bon coup, celle-là ! », rit-il (4 décembre 2016). Quelques minutes plus tard, il s’en prend à la comédienne danoise Babett Knudsen, qui « joue comme une patate », « fiche presque le film en l’air ». « Quelle idée d’être allée chercher une Danoise pour jouer une Bretonne ! », poursuit-il. Xavier Leherpeur l’interpelle : « Tu attaqueras un jour un acteur comme tu attaques les actrices ? On attend, hein ! […] Depuis aujourd’hui, c’est quand même les nanas qui s’en prennent plein la gueule. »

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Lors d'un enregistrement du "Masque et la Plume", le 7 septembre 2018.

Xavier Leherpeur – souvent présenté comme le plus progressiste et féministe du « Masque », et le premier à dénoncer les remarques misogynes ou racistes dans l’émission –, n’y échappe pas. Comme lorsqu’il dénigre l’héroïne de La Femme de mon frère, qui a « un gros cul », est « hystérique »« hypercastratrice » et « hurle tout le temps » (7 juillet 2019). Régulièrement, le chroniqueur prend une voix aiguë et infantilisante pour imiter des actrices, ou emploie le mot « pucelle » de manière péjorative (« C’est filmé avec l’espèce de béatitude d’une pucelle, ce n’est pas intéressant du tout »5 février 2017 ; « C’est quand même une coquetterie de pucelle »27 octobre 2019). 

Sa vision des femmes et de la féminité a donné lieu à plusieurs alertes d’auditeurs. Par exemple au sujet du personnage d’agent du FBI d’Emily Blunt dans Sicario, dont il estime qu’il s’agit d’un « film de testostérone, de petits mecs couillus », faussement féministe, notamment parce que le personnage féminin serait « masculinis[é] à la première réplique » : « “Vous avez un mari ? Non, je suis divorcée. Vous avez des enfants ? Non, j’en ai pas!” […] Donc c’est un mec, c’est plus une nana ! » « Il faudrait expliquer à Xavier qu’une femme sans mari et sans enfants n’est pas un mec », a réagi une auditrice, quand une autre s’est dite « choquée » (14 octobre 2015). Même chose le 27 octobre 2019, au sujet du dernier Terminator « Féministe [ce film – ndlr] ? Sous prétexte qu’il y a trois nanas ? Elles sont habillées comme des camionneuses et au dernier moment […], on sort un mec. »

De la même manière qu’il y aurait, pour certains chroniqueurs, la bonne et la mauvaise féminité, il y aurait le bon et le mauvais féminisme. Pierre Murat estime par exemple que Proxima, d’Alice Winocour, « est un film vraiment féministe, mais au très bon sens du terme » (15 décembre 2019). Ce qui a interpellé plusieurs auditeurs.

Lorsque Sophie Avon souligne que le personnage de Chantal Lauby dans Photo de famille est « tellement stéréotypé » et « caricatural » (« une psychanalyste qui serait elle-même hystérique, et finalement qui aurait les névroses qu’elle est censée [soigner] »), Jérôme Garcin l’interrompt, sous les rires d’Éric Neuhoff : « Bah toutes les psychanalystes sont hystériques. » « Oui, bah voilà, ça c’est un stéréotype, tu vois », relève la journaliste. « Non mais je te chatouille un peu, tu vois, c’est de l’humour », dit Garcin. « Oui, moi aussi, je te réponds », maintient Sophie Avon (16 septembre 2018).

Les railleries sur les actrices de plus de 50 ans ou la ménopause sont aussi légion. Par exemple au sujet du film Aurore, où Agnès Jaoui interprète une quinquagénaire divorcée qui vit difficilement sa ménopause (2 mai 2017). D’entrée, les critiques plaisantent sur les « bouffées de chaleur » du personnage qui ponctuent le film :

(Jérôme Garcin) « Je ne vois pas l’intérêt… Si, un débat de société sur la ménopause.
(Xavier Leherpeur) — Pour ou contre la ménopause ? Ça, c’est un vrai sujet ! » (rires)
(Jérôme Garcin) — Il y a un côté “Téléphone sonne” sur la ménopause, quoi, tu vois. T’as envie de prendre un appel… Mais expliquez-moi l’intérêt de ce film : Sophie ?
(Sophie Avon) — […] Autant les femmes sont toutes mauvaises, vraiment […], autant je trouve que Philippe Rebbot est formidable.
(Jérôme Garcin) — Il n’a pas de bouffées de chaleur, lui, d’ailleurs ! »
— Non, mais bon, peu importe… », évacue Sophie Avon, qui remet les choses à leur place : « Ce n’est pas le sujet qui ne va pas, c’est que rien n’est juste. » 

Mais c’est l’actrice Isabelle Huppert qui concentre le gros des remarques misogynes, accusée en permanence d’être trop vieille pour les rôles qu’elle interprète, notamment par Éric Neuhoff. S’agissant du film Elle, de Paul Verhoeven, dans lequel son personnage est violé par un inconnu, il lâche (29 mai 2016) : « Vous n’avez rien compris, […] c’est un film comique. Moi j’ai lâché à la dixième minute quand Isabelle Huppert dit à son amant au téléphone : “Non, ce soir, c’est pas possible, j’ai mes trucs.” Qu’est-ce qu’elle va jouer dans le prochain truc ? Une fille qui passe son bac. C’est hallucinant, faut qu’elle joue des rôles de son âge maintenant, c’est plus possible. » La chroniqueuse Danièle Heymann s’étonne : « Faire une critique sur la ménopause d’Isabelle Huppert, ça alors, franchement, ça, j’aurais jamais cru. » « Un acteur, c’est un corps, elle peut pas jouer le rôle… », maintient Neuhoff.

Lorsque Huppert interprète une sexagénaire quittée par son mari dans L’Avenir, de Mia Hansen-Love, il se réjouit : « Enfin elle joue un rôle de son âge, la femme plaquée. Elle prend ça très bien d’ailleurs » (17 avril 2016). La comédienne est devenue la tête de Turc de l’émission. L’un ironise par exemple sur son absence d’instinct « maternel » (23 juin 2019), l’autre sur son « exploit » dans le film Frankie, où, « pour la première fois, elle a admis qu’elle pourrait être grand-mère » (1er septembre 2019). Ce jour-là, Neuhoff exulte : « C’est pire que moi ! » Rire général. Ce genre de considérations serait-il appliqué à des acteurs sexagénaires ?

Le public n’est pas non plus étranger au climat sexiste de l’émission, se taisant ou au contraire riant abondamment à ces propos durant l’enregistrement, quand il ne tient pas lui-même des propos sexistes ou misogynes. Exemple le 13 octobre 2019, s’agissant des réalisatrices Céline Sciamma et Rebecca Zlotowski : « Le problème évident de Céline Sciamma, c’est qu’elle s’est mise à croire tout ce que disent d’elle les journaux comme Libé, Télérama ou Les Inrocks. Et depuis, elle pense qu’elle pense. Exactement comme Rebecca Zlotowski », cite Garcin dans son courrier hebdomadaire, relayant un stéréotype sexiste fréquent qui consiste à dire que les femmes ne pensent pas. Exemple encore le 5 mai 2019, avec ce message d'un auditeur sélectionné par l'animateur : « Dans certaines scènes, on pourrait croire à un travesti qui singe la grande Isabelle Huppert ».

Des réalisatrices sont régulièrement dénigrées parce que femmes, ou bien réduites à leur genre ou leur statut de « femme de ». Évoquant le festival de Cannes, où étaient sélectionnés les films de Valérie Donzelli et Maïwenn, Michel Ciment parle d’« opération féminine du festival » (25 octobre 2015). Xavier Leherpeur estime lui que les critiques « vénèrent Greta Gerwing, parce qu’ils vénèrent Noam Baumbach », le mari de la cinéaste, alors que celle-ci s’est tout autant fait un nom dans le cinéma (5 janvier 2020). Quant à Marion Cotillard, elle est présentée par Jérôme Garcin comme « Madame Canet » dans la suite des Petits Mouchoirs (5 mai 2019).

  • Une ambiance potache qui sert de tremplin au sexisme
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Lors d'un enregistrement du "Masque et la Plume". © C. Abramowitz / Radio France

L’ambiance potache assumée de l’émission sert de tremplin à cette dérive sexiste. Les allusions sexuelles, jeux de mots graveleux, propos à double sens y sont permanents, la plupart du temps sans rapport avec le sujet du film. De l’humour lourd au sexisme, il n’y a qu’un pas, que nombre de chroniqueurs franchissent rapidement.

Un jour ils débattent par exemple de la « mollesse » des fesses des comédiens dans les scènes de sexe (10 janvier 2016), ou spéculent sur la taille du sexe d'Alexander Skarsgård dans son pagne (5 mai 2019) ; un autre ils raillent le « tout petit cunnilingus, mais tout petit », « juste à l’entrée » dans le film de Rebecca Zlotowski (1er septembre 2019) ; un autre encore, ils ponctuent l’intégralité de l’émission de plaisanteries sur des « pénis incontrôlables », en référence à un passage de la suite du roman La Servante écarlate, qui dépeint un monde totalitaire où les femmes sont asservies et violées : « Celui [le pénis – ndlr] de [Michel] Crépu, il peut être incontrôlable ! » ; « J’ai dit à mon pénis, “oh, on y va mollo” » ; « J’en parlerai à mon pénis » (17 novembre 2019). Arnaud Viviant voit lui dans le titre du roman de Jean-Paul Dubois, Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, « une contrepèterie » : « Tous les hommes n’émondent pas la bite de la même façon » (15 septembre 2019).

Frédéric Beigbeder (Le Figaro Magazine) ne manque pas une occasion de se réjouir de la présence « d’une pute » dans le livre chroniqué (ici ou ) ; Pierre Murat déplore l’absence de « fellation » dans le film de Kechiche pour assurer la « parité » avec la longue scène de cunnilingus (25 mai 2019). Éric Neuhoff savoure la scène du film Perdrix où une femme nue vole une voiture : « Ça donne envie de laisser sa voiture sur une aire d’autoroute avec les clés dessus, parce qu’une fille à poil va venir, surgir de la forêt, alors c’est un appât excellent » (18 août 2019). 

Le journaliste du Figaro et l’animateur du « Masque » renchérissent souvent. Quand le premier évoque la « sucette noire » et les « boules de Geisha » du film coréen Mademoiselle, le second enchaîne : « Non mais fais pas le mec qui découvre ça, non ? » « Bah, il y a longtemps que je suis pas allé chez toi ! », réplique Neuhoff (6 Novembre 2016). Lorsque ce dernier dit qu’il n’a « pas du tout aimé tout ce qui est dans l’espèce d’appartement SM » dans En Liberté, Jérôme Garcin s’étonne : « Mais t’es pas très SM toi ? » « Non, de moins en moins », commente Neuhoff (4 novembre 2018). Et quand il se délecte du personnage de Clint Eastwood, 88 ans, couchant avec deux prostituées qui « sortent au petit matin avec des cernes sous les yeux », Garcin répète : « Ça te fait envie, ça, hein ? Ça te fait envie, hein ? » (27 janvier 2019).

Chroniquant le film Portrait de la jeune fille en feu, qui relate l’histoire d’amour de deux femmes au XVIIIe siècle, les critiques blaguent sur la difficile « montée du désir ». Xavier Leherpeur moque ses collègues : « Si effectivement pour vous la finalité du film c’est : est-ce qu’elles vont ou pas se lécher le minou ?, là, franchement, excusez-moi ! » (22 septembre 2019).

« La Noire » et « la beurette »

  • Des remarques sexistes à l’égard des chroniqueuses elles-mêmes

Cette ambiance n’est pas déconnectée du comportement, dans l’émission, des hommes envers les femmes, souvent interrompues ou raillées – ce dont elles se plaignent régulièrement en direct (exemples les 20 décembre 2015, 31 mars 2019, 5 mai 201928 juillet 2019).

En témoigne cette séquence autour du livre d’Annie Ernaux consacré à ses visites à l’hypermarché (11 mai 2014), au cours de laquelle Patricia Martin et Olivia de Lamberterie ne parviennent pas à s’exprimer face à Jean-Louis Ezine et Michel Crépu, qui moquent ce roman en polluant la discussion par des plaisanteries sur leurs emplettes en grande surface. Les chroniqueuses s’agacent et demandent « un peu de respect » :

Extrait du « Masque et la Plume » du 11 mai 2014 au sujet d'un roman d'Annie Ernaux. © France inter

Lorsqu’Arnaud Viviant, seul homme sur le plateau, est interrompu par Garcin (« Bon, allez, on laisse un peu parler les femmes, hein ? ») après avoir monopolisé près de la moitié du temps de parole consacré à un livre d’Elena Ferrante, il s’étonne : « Bah pourquoi ? […] Je ne sais pas si les femmes sont très bien placées pour en parler. » « Hashtag BalanceTonCollègue », s’insurgent les trois chroniqueuses présentes (21 janvier 2018).

Lorsque les femmes sont majoritaires et que la discussion s’emballe, comme le 20 octobre 2019, il arrive que l’animateur recadre de manière sexiste : « J’adore ces émissions où il y a plus de femmes que d’hommes, ça c’est très bien, mais faut pas non plus que ça soit… » « Pourquoi ? Parce que quand il y a plus de femmes que d’hommes, elles se crêpent le chignon ? », lui rétorque Patricia Martin. Le manque de parité a d’ailleurs fait l’objet d’une blague de Jérôme Garcin en décembre dernier. Lorsqu’une journaliste évoque le peu de femmes astronautes, l’animateur rebondit : « Il y en a presque aussi peu que de critiques de cinéma femmes. » Tout le monde s’esclaffe (15 décembre 2019).

Si les chroniqueurs hommes s’adressent régulièrement des plaisanteries grivoises ou des moqueries (tel ce « bedonnants et velus, un peu comme Éric Neuhoff » de Garcin), les femmes, qui font bien plus rarement des blagues – notamment potaches –, sont malgré tout la cible d’allusions sexuelles. Exemple le 22 juin 2014 : évoquant un roman pour enfants autour d’un monstre poilu, les critiques rient sur le « poil au zizi » et Garcin lance : « Ça plaît beaucoup à Patricia. » Quelques minutes plus tard, Jean-Louis Ezine raille la « lecture de dame » de la journaliste et son expression « ce petit garçon débordant de sève » : « Y a que ça qui les intéresse… Y a que ça qui les intéresse… », dit-il. « C’est à force de fréquenter [le chroniqueur jardinage] Alain Baraton, elle voit plus que ça maintenant ! », complète Garcin. « Enfin, je le fréquente radiophoniquement, qu’on ne s’y méprenne pas », juge utile de préciser la journaliste.

Le 20 octobre 2019, alors qu’Arnaud Viviant disserte sur « les vibromasseurs remplacés par des phallus en bois », Jérôme Garcin regarde Patricia Martin, qui s’en étonne : « Tu penses que je sais ce que c’est qu’un phallus en bois ? » « T’es venue avec une canne, donc je me pose des questions », lui répond-il.

Sophie Avon se voit, quant à elle, adresser par l’animateur un « Je sens que tu vas avoir des bouffées de chaleur, toi ! », après une discussion sur un film évoquant la ménopause (5 février 2017). Charlotte Lipinska, qui explique que « petit à petit » elle s’est « laissé prendre » par le film de Jean-Claude Brisseau (condamné pour harcèlement sexuel), s’entend répondre par Éric Neuhoff: « Ah c’est toi dans le film ? » (14 Janvier 2018).

  • Des propos à caractère homophobe et transphobe
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Lors d'un enregistrement du "Masque et la Plume", à Nancy, en septembre 2018.

Le sexisme qui imprègne l’émission se double parfois de propos à caractère homophobe ou transphobe, même si ceux-ci sont moins fréquents.

Éric Neuhoff en a le quasi-monopole. Chroniquant le film Une nouvelle amie d’Ozon, il dit son « fou rire » de découvrir le personnage de Romain Duris travesti en femme et le compare à « Henri Salvador déguisé en Juanita Banana » (16 novembre 2014).

Commentant un film belge sur une adolescente transgenre, qu’il juge « réussi », il dit cependant ne rien comprendre « à ces histoires de genre » puis parle d’« un Dodo la saumure féminin » – du nom du proxénète de l’affaire DSK –, s’agissant d’une scène dans un bordel (22 décembre 2019). Le journaliste du Figaro dénigre également « la coiffure et l’allure de Marion Cotillard » dans Assassin’s Creed, la comparant à « une lesbienne berlinoise des années 1930 qui a des problèmes avec son papa ». « Non seulement Jérôme Garcin ne corrige pas son interlocuteur pour cette remarque qui véhicule des clichés éculés sur les lesbiennes ainsi qu’une injonction à des normes de beauté sexistes, mais en rigole avec lui », se plaint un·e auditeur/-trice (25 décembre 2016). Lorsque les critiques décryptent La Favorite, film d’époque lesbien qui met en scène une guerre des femmes à la cour d’Angleterre, Jérôme Garcin, rebondissant sur la comparaison d’Éric Neuhoff avec l’affaire Alexandre Benalla, précise : « Elles n’ont pas de barbe, hein. » « Elles pourraient, cela dit, par moments », complète le critique du Figaro (10 février 2019). 

Mais une phrase a tout récemment déclenché un flot de réactions d’auditeurs dénonçant de l’« homophobie ordinaire » : celle de Xavier Leherpeur concernant l’essayiste lesbienne Caroline Fourest, réalisatrice d’un film sur les femmes kurdes. « Qu’elle retourne défendre les femmes, les pédés et tout ce qu’elle veut, ça c’est très très bien », a lancé le critique, lui-même ouvertement gay (des propos qu’il nous a dit avoir immédiatement regrettés – lire sa réaction). « Et je rappelle que nous avons beaucoup d’amitié et d’admiration pour les combattantes kurdes. Nan, je dis ça pour le courrier, c’est tout… », conclut Jérôme Garcin (13 octobre 2019). Comme souvent, la seule chose qui semble poser problème, c’est le potentiel courrier des auditeurs.

  • Des stéréotypes racistes

Des stéréotypes racistes ont aussi leur place dans l’émission, sans que l’animateur ne réagisse. 

Commentant le film Divines, de Houda Benyamina, Éric Neuhoff présente la réalisatrice comme « la fille à Cannes », qualifie son discours au festival (où elle a remporté la Caméra d’or) d’« hystérique », son film de « collection Arlequin dans le 9-3 », et introduit les comédiennes comme « la Noire » et « la beurette » : « La Noire qui joue la copine est formidable, mais en revanche je trouve que l’héroïne, la beurette, elle joue comme une patate […]. Enfin, elle est un peu gênante. » Seul Xavier Leherpeur réagit : « Est-ce qu’on peut citer le nom de la comédienne que tu as appelée “la Noire”, ce serait bien : Déborah Lukumuena. Non mais c’est bien, elle avait un nom avant, elle a un nom après » (4 septembre 2016).

Extrait du « Masque et la Plume » du 4 septembre 2016 au sujet du film « Divines ». © France inter

Ces propos ont déclenché des courriers d’auditeurs indignés dénonçant du « racisme ». Le journaliste du Figaro s’est ensuite défendu en arguant qu’il avait « beaucoup de mal » à savoir les noms de « deux inconnues dans un premier film ». Il s’est dit « désolé » s’il avait « choqué certaines personnes ». « Ces deux jeunes femmes ont été récompensées à Cannes et invitées par de très nombreux médias », il ne s’agissait pas d’« inconnues », avait souligné un auditeur

Évoquant Mon Roi de Maïwenn, le journaliste du Figaro parle des « petites racailles » pour désigner trois jeunes femmes et hommes d’origine maghrébine avec qui l’héroïne sympathise à l’hôpital (25 octobre 2015). De manière générale, les chroniqueurs qualifient de « films de banlieue » les longs-métrages réalisés dans les quartiers populaires – par exemple lorsqu’ils décryptent Les Misérables de Ladj Ly –, une expression réductrice et discriminante.

Les films asiatiques sont aussi l’objet de stéréotypes récurrents. Lors de l’émission du 28 décembre 2014, qui met au programme un film chinois et un film franco-cambodgien sur les Khmers rouges, les « blagues » sur les baguettes – déjà évoquées plus tôt dans l’émission – ont fusé de la part de Neuhoff et Garcin : « Encore une histoire de baguettes, alors » ; « Ça manque de baguettes, hein, je trouve ». Le critique du Figaro a aussi moqué le visage de la comédienne Gong Li : « Comme elle joue une amnésique, tout ce qu’elle sait faire c’est prendre des yeux de veaux et ouvrir la bouche. »
Certains chroniqueurs ironisent aussi parfois sur la nationalité des auteurs ou personnages asiatiques. Exemple le 8 juin 2014 lorsque Michel Crépu évoque un personnage de roman : « La Japonaise… ». « Chinoise », corrige Garcin. « L’enquêteuse, elle va dans un cabaret homosexuel pour rencontrer cette Chinoise, n’est-ce pas, ou Japon… Chinoise », fait mine de s’emmêler Crépu. « Pas Coréenne, pas Coréenne, pas Japonaise, Chinoise », dit Garcin. Rire général.

Plus récemment, ce sont les migrants qui ont été jugés comme un sujet trop traité, lorsque les critiques ont décrypté La Mer à l’envers, de Marie Darrieussecq. Tout en défendant ardemment le livre, la journaliste Nelly Kaprièlian (Les Inrocks) commente : « C’est vrai que Marie Darrieussecq ne fait pas l’économie du migrant, ne fait pas l’économie de la migration. » « Ne fait pas l’économie du migrant, ça va rester, ça », ironise Jérôme Garcin. Frédéric Beigbeder estime ensuite que « peut-être que les romans sur les migrants, ça va ! », en citant huit auteurs ayant écrit sur le sujet, qui, selon lui, n’est pas assez « original ». « Et encore, tu ne comptes pas les films, il y en a au moins trois, quatre, par an », abonde Garcin (25 août 2019). Une remarque qui est rarement faite sur les multiples thèmes récurrents dans les livres ou films.

  • Du mépris de classe

Une partie des auditeurs du « Masque » déplore aussi un certain mépris de classe de la part des chroniqueurs, un dédain pour la province ou pour les comédies populaires. Il arrive souvent que des films « grand public » soient démontés à coups d’ironie méprisante et non d’arguments cinématographiques.

C’est par exemple le cas avec la comédie Les Tuche, trilogie qui a battu des records au box-office français. Si l’on peut reprocher au réalisateur une vision caricaturale des classes populaires, ce n’est pourtant pas ainsi que l’ont formulé plusieurs journalistes. Éric Neuhoff voit ainsi dans le troisième volet « une pure honte », « un film graillonneux » : « Ils mangent des frites tout le temps, on se sent sali en sortant, on a envie de prendre une douche, c’est vraiment dégueulasse ! Le problème en France, je sais pas, il y a quelque chose qui cloche, ce n’est pas que Marine Le Pen soit au deuxième tour, c’est que les gens se précipitent voir ce truc-là. Pour moi, ça c’est gravissime et ça donne envie d’aller habiter ailleurs… » (13 février 2018).

Danièle Heymann – aujourd’hui décédée –, s’était elle étonnée que le public puisse rire du deuxième volet des Tuches (7 Février 2016) : « J’étais un peu consternée. Tout à coup, j’ai entendu rire derrière moi, et je me suis dit : il y a donc des gens qui rient, et je me suis retournée et il y avait une maman et son fiston qui riaient, et j’ai continué de regarder le film en regardant les gens rire, et je n’ai plus jamais regardé l’écran, parce que ça me déprimait tellement. […] Je me suis dit : il y a quand même des gens qui rient. C’était la seule solution pour ne pas sombrer. » « C’est un mépris de toute la tribu contre le spectateur et en plus le téléspectateur adore, donc c’est formidable… », avait commenté Michel Ciment. « Tu parles du peuple, là ? », avait questionné Jérôme Garcin. Rire général.

Autre exemple : lorsque les journalistes démontent le film Au nom de la Terre, dans lequel le réalisateur Édouard Bergeon traite des suicides d’agriculteurs en racontant l’histoire de son propre père. Si l’animateur évoque d’entrée « un sujet évidemment très douloureux », les moqueries ne tardent pas à fuser, loin des arguments cinématographiques (29 septembre 2019) :

(Jérôme Garcin) « J’ai eu l’impression de me retrouver dans un numéro de “Des Racines et des Ailes” version Mayenne. »
Éric Neuhoff enchaîne avec un jeu de mots, sous les huées. […]
(Nicolas Schaller) « Je suis désemparé face à l’écriture, qui est quand même très très terre à terre.
(Jérôme Garcin) — C’est le cas de le dire (rire général). […]
(Michel Ciment) — C’est un nouveau film sur la paysannerie, il y a je crois au moins sept ou huit films sur la paysannerie ces trois dernières années.
(Jérôme Garcin) — Depuis Jacquou le croquant, il y en a eu beaucoup quand même. »

Ces commentaires déclencheront pendant plusieurs semaines des courriers d’auditeurs furieux, en particulier des agriculteurs.

Il n’est pas rare que des chroniqueurs fassent des commentaires péjoratifs sur « le peuple »« les gueux », ironise même un jour Neuhoff, quand il ne parle pas d’un réalisateur comme d’un « Terrence Malick de province ».

Le journaliste du Figaro avait également proposé une critique pleine de clichés de La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche : « Y a un côté Petits Mouchoirs à Lille chez les lesbiennes là-dedans qui m’a frappé. Si on résume, c’est quand même une bluette entre deux gourdiflottes, une lycéenne un peu enrobée et une artiste. C’est une artiste puisqu’elle a les cheveux bleus, alors en province, quand on a les cheveux bleus, on est une artiste. » Là encore, Xavier Leherpeur avait été le seul à réagir, dénonçant des « blagues stupides » : « C’est impressionnant ce que tu viens de dire sur les lesbiennes, enrobées, les jeunesses, la province, les cheveux bleus » (20 Octobre 2013).

Extrait du « Masque et la Plume » du 20 octobre 2013 au sujet du film d’Abdellatif Kechiche. © France inter

Cette dimension se double d’un entre-soi qui imprègne l’émission. Mentions de leurs vacances au soleil ou de leur lieu de villégiature, blagues privées, allusions personnelles (telles que « C’est pas du tout un film pour Danièle, peut-être que ceux qui connaissent Danièle comprendront »), position surplombante en racontant la fin du livre ou du film : les critiques oublient parfois leurs auditeurs. Une partie du public apprécie cette dimension, qui donne l’impression d’entrer dans l’univers de leurs chroniqueurs préférés. Une autre peut légitimement se sentir exclue. Mais au « Masque », tout est permis.

  • Lire les réponses de France inter ici.

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