Malgré son engagement à livrer « le premier grand événement sportif à contribution positive pour le climat », le comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 envisage d’organiser une épreuve sur une zone naturelle protégée. Il s’agit du tir sportif (pistolet à air comprimé, carabine, plateaux d’agile visés au fusil…), dont le hall des finales pourrait se retrouver sur le boulodrome du parc Georges-Valbon, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), selon un document lu par Mediapart. Problème : c’est un site classée Natura 2000, et donc protégé en raison de la richesse et de la vulnérabilité de la faune qui s’y trouve.
Les épreuves de tir devaient initialement se tenir sur le « terrain des essences », une ancienne parcelle militaire où furent stockées des cuves d’hydrocarbures entre 1950 et 2002. Sa dépollution est l’un des legs que les organisateurs de la compétition sportive veulent laisser aux habitant·es du 93 en « héritage ».
Mais de retour des JO de Tokyo, Paris 2024 estime que la zone est trop petite pour accueillir les 3 600 spectatrices et spectateurs attendus, et qu’il faut plus de place pour installer les stands de tir, comme l’a déjà signalé Le Parisien. Le comité décide donc de demander une extension substantielle du périmètre de construction : 2,44 hectares – soit 24 400 m2 – sur la zone Natura 2000 qui entoure l’ancien site militaire.

C’est le hall des finales, un bâtiment de 115 m de long sur 60 de large, pour une hauteur de 16 m, qui pourrait être bâti sur cette zone protégée, selon le « porter à connaissance », un document du bureau d’étude Urban Eco mandaté par la maîtrise d’ouvrage, daté du 25 février 2022, que Mediapart a pu consulter. Des cheminements piétonniers pour plusieurs milliers de personnes devront aussi être aménagés entre le terrain des essences et le boulodrome. Une photo du hall des finales du tir sportif aux JO de Tokyo donne une idée de la taille et du volume du bâtiment à construire.

La loi n’interdit pas les activités humaines sur les zones Natura 2000. Mais elle requiert une évaluation des impacts des aménagements envisagés et demande qu’ils soient compatibles avec la conservation des habitats et des espèces protégées. Or, à ce jour, on ne trouve aucune trace de ces études complémentaires. Sollicité par Mediapart, Paris 2024 renvoie vers la délégation interministérielle aux JO, qui ne nous avait pas répondu à l’heure de boucler cet article. Les futures installations de tir sont comprises dans une zone d’aménagement concerté (ZAC) dite « Cluster des médias », car s’y trouve aussi le « village » des journalistes. Cette zone a déjà fait l’objet d’une enquête publique et d’une autorisation d’aménagement en novembre 2020, sur le principe de ne prévoir « aucune intervention au sein du site Natura 2000 ».
De son côté, le conseil départemental de Seine-Saint-Denis assure que rien n’est décidé et que l’extension des stands de tir fait encore l’objet de discussion. Une option serait de déplacer les épreuves à Châteauroux (Indre), mais elle priverait la Seine-Saint-Denis d’une activité qui lui semblait acquise. Il ajoute que si la construction avait lieu, elle serait provisoire, ne devant servir que pendant la durée des Jeux. Et que le boulodrome accueille déjà des structures démontables pour des activités l’été.
Mais si l’option de construction sur la zone protégée se confirmait, le Mouvement national de lutte pour l’environnement (MNLE) étudie la possibilité de déposer un recours contre cette décision. Plusieurs espèces protégées sont d’ores et déjà impactées par l’aménagement du terrain des essences, dont le crapaud calamite, qui a dû être déplacé de son milieu de vie habituel. Des espèces d’oiseaux ont pour habitude de faire des haltes sur leur parcours migratoire ou de passer l’hiver à proximité de l’ancien site militaire. L’association craint qu’en cas d’extension de la zone olympique sur le parc de La Courneuve, la biodiversité soit de plus en plus touchée. La décision finale devrait tomber le 12 juillet, lors du conseil d’administration de Paris 2024.
Un peu plus de deux ans avant l’ouverture des JO, le temps presse les organisateurs des Jeux. L’inéluctable défilement de ce compte à rebours sera de plus en plus difficile à concilier avec les mesures de protection de l’environnement et les procédures de consultation du public.