L'ancienne secrétaire de Liliane Bettencourt accable François-Marie Banier

Selon Christiane Djenane, l'artiste, qui était «plus qu'un gourou» pour la milliardaire, n'a cessé de la «harceler» et de la «manipuler», afin de faire main basse sur une partie de sa fortune.

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La juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, qui instruit un supplément d'information dans le cadre de la procédure pour «abus de faiblesse» déclenchée par la fille de Liliane Bettencourt, continue de recueillir des témoignages très défavorables pour François-Marie Banier.

Le dernier en date est même accablant pour l'artiste, accusé par Françoise Bettencourt-Meyers d'avoir profité de la dégradation de l'état de santé de sa mère pour faire main basse sur une partie de sa fortune. Il émane de Christiane Djenane, qui fut la secrétaire particulière de Liliane Bettencourt de 1992 à 2007, date de son éviction. Cette femme, qui dit s'être «dévouée avec passion» à l'héritière de L'Oréal, a certifié en préambule de son audition du 31 août n'avoir «reçu aucune gratification de la part de Françoise Meyers-Bettecourt» en échange de son témoignage.

Mme Djenane a déclaré qu'elle «travaillai(t) avec Claire Thibout», la fameuse comptable, dans l'hôtel particulier des Bettencourt, à Neuilly-sur-Seine. «Nous nous entendions très bien. Nous étions les “garde-fous” de la maison, on surveillait beaucoup de choses et c'est pour cela qu'on nous a “remerciées” l'une et l'autre».

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M. Banier © Reuters

Mme Djenane a expliqué que l'état de santé de Mme Bettencourt s'était dégradé en deux temps. Premier épisode: «En mars 2003, j'ai veillé Liliane Bettencourt trois nuits et trois jours alors qu'elle était hospitalisée et Claire Thibout venait me remplacer pour que je puisse prendre une douche et me changer. C'était Claire qui avait pris l'initiative de la faire hospitaliser. Nous en avions parlé à André Bettencourt qui était d'accord. Avant cette hospitalisation, Liliane Bettencourt avait déjà des pertes de mémoire. Après l'hospitalisation, le docteur L. avait prescrit des antidépresseurs et aussi du Rivotril. Avec la prise de ces médicaments, Liliane Bettencourt ne pouvait plus écrire. Elle était hébétée. Son état s'est amélioré quand nous avons décidé d'arrêter la prise de ces médicaments. Je précise que le docteur L. avait été recommandé par François-Marie Banier.»

Le second épisode se situe à la fin du mois d'août 2006, lorsque André Bettencourt s'est blessé dans la résidence espagnole du couple de milliardaires, à Formentor. «Je suis allée chercher M. et Mme Bettencourt au Bourget avec leur fille et leur gendre. Quand elle est descendue de l'avion, Liliane Bettencourt avait les yeux hagards, je pense qu'elle ne m'a même pas reconnue

Il l'appelait «ma grosse»

A partir de l'hospitalisation de son mari, la vieille dame semble entrer en dépression, sa secrétaire la trouve souvent dans la journée «recroquevillée dans son lit». «En septembre 2006, s'est souvenue Mme Djenane, si l'état physique de Liliane Bettencourt s'est un peu amélioré, elle avait de plus en plus d'absences (...). Un jour en septembre 2006, elle m'a dit: “Quand rentrons-nous à Neuilly ?” Je lui ai dit: Nous sommes à Neuilly, dans votre maison, ne vous inquiétez pas.” Cela m'a rendue très triste de voir Liliane Bettencourt dans cet état. Pour la rassurer, je lui ai dit que j'étais sa mémoire, la mémoire de ses dossiers. L'état de Liliane Bettencourt ne s'est pas amélioré du tout jusqu'à mon départ en février 2007.»

A l'évidence, dans l'esprit de Mme Djenane, M. Banier porte une lourde responsabilité dans cette affaire. «Je dirais que François-Marie Banier était plus qu'un gourou pour Liliane Bettencourt. Il avait une emprise totale sur elle et priorité sur tout et tout le monde. J'ai même souvent été obligée de repousser des rendez-vous importants car il s'annonçait à la dernière minute», s'est rappelée l'ancienne secrétaire, qui a également affirmé que l'artiste la «harcelait pour (qu'elle) mette le chéquier dans le sac de Liliane Bettencourt quand ils partaient déjeuner ensemble».

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M. Banier © Reuters

«Il me harcelait aussi, a-t-elle assuré, pour mettre du papier à en-tête “18, rue Delabordère” (adresse de Mme Bettencourt, NDLR) avant les rendez-vous avec elle. Quand j'ai lu dans la presse qu'il y avait eu une perquisition chez Me Normand (notaire de Mme Bettencourt, NDLR) au cours de laquelle avaient été retrouvés des codicilles et lettres, j'ai compris à quoi servait et où allait le papier à en-tête vierge que François-Marie Banier exigeait que je mette dans le sac de Liliane Bettencourt. A l'époque, je subodorais que François-Marie Banier pouvait lui faire écrire ce qu'il voulait sur ce papier à en-tête (...) et maintenant j'en ai la preuve

A en croire ce témoignage, décidément très à charge, M. Banier aurait par ailleurs eu «un comportement irrespectueux envers Liliane Bettencourt. Il appelait Liliane Bettencourt “ma grosse” (...) François-Marie Banier par exemple montait directement dans la chambre de Madame, sans se faire annoncer, il s'allongeait sur son lit et surtout il criait».

Autre anecdote rapportée par l'ex-secrétaire: «François-Marie Banier faisait acheter des masques africains à Liliane Bettencourt. Tout d'un coup j'ai vu arriver l'art africain dans la maison. Et ce n'est évidemment pas Liliane Bettencourt qui a eu cette idée-là.» Mme Djenane s'est souvenue aussi avoir établi deux chèques juste avant son départ, au mois de février 2007. «Liliane Bettencourt m'a fait monter dans sa chambre, il y avait François-Marie Banier. Liliane Bettencourt m'a fait établir deux chèques d'un montant respectif de 50.000 et 60.000 euros, je crois

Une «prison dorée»

Pour Christiane Djenane, inutile de chercher bien loin la raison de son limogeage: «J'imagine que je gênais François-Marie Banier. J'avais confisqué une fois le chéquier un week-end car il profitait du dimanche pour se faire établir des chèques (...) François-Marie Banier a manipulé Liliane Bettencourt contre moi

Et Mme Djenane de se remémorer ses discussions avec l'ex-comptable: «Souvent nous disions avec Claire que si André Bettencourt savait ce que sa femme faisait avec François-Marie Banier, il serait mort depuis longtemps. Je pense que André Bettencourt savait que sa femme avait des largesses envers François-Marie Banier mais certainement pas du montant réel. Je pense que François-Marie Banier attendait que André Bettencourt meure pour prendre sa place.» M. Bettencourt est décédé au mois de novembre 2007.

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Liliane Bettencourt © France 3 Ouest

Accusé de tous les maux, M. Banier serait à l'origine, à en croire Mme Djenane, de la rupture entre l'héritière de L'Oréal et sa fille. «François-Marie Banier a détruit leur relation, il s'y est employé pendant des années, a-t-elle tranché. Liliane Bettencourt m'avait dit que sa fille, quand elle était plus jeune, était collée à elle comme une huître. Quand Françoise appelait pour voir sa mère, je lui mentais en lui disant qu'elle était en rendez-vous ou absente alors qu'en réalité elle était là mais avec François-Marie Banier. Je ne voulais pas lui faire de peine

Interrogée sur les deux entretiens télévisés accordés cette année par Liliane Bettencourt, destinés à faire passer le message que son état de santé était bon, Mme Djenane s'est montrée sceptique: «Lors de l'interview sur TF1, j'ai eu l'impression que Liliane Bettencourt lisait sur un prompteur. J'ai appris qu'elle avait répété toute la journée par cœur pour préparer l'interview et comme lors de l'interview sur France 3 elle avait les yeux vides. Elle n'avait plus l'étincelle dans les yeux. Je dirais que je n'ai pas retrouvé “ma Liliane”.»

Pour conclure, Christiane Djenane a dit ressentir «beaucoup de chagrin». «Je sens que Liliane Bettencourt est très triste. Elle est coupée du monde extérieur à cause de la manipulation dont elle est l'objet. Claire et moi nous aurions pu assurer à Liliane Bettencourt une vieillesse paisible et affectueuse. J'ai le sentiment que ceux qui (l') entourent aujourd'hui vont la précipiter vers la mort. Pour moi, elle est dans une prison dorée et elle va en mourir

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