En matière de presse et de numérique, le Front national reprend une technique largement éprouvée par Nicolas Sarkozy : la triangulation. Pas celle des géomètres, mais celles des spin doctors, détourneurs d'opinion, conseillers en manipulations. Aller chercher l'adversaire sur son terrain, reprendre ses arguments pour capter ses électeurs. Lors de la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy l'exprimait sans détour au Figaro : «Au fond, j'ai fait mienne l'analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C'est la première fois qu'un homme de droite assume cette bataille-là.» Marine Le Pen est la seconde.
Quel démocrate peut nier en effet la consanguinité de la presse d'industrie, danseuse de sociétés vendant l'influence supposée de leurs journaux à leurs clients politiques ? Quel amoureux des libertés publiques peut raisonnablement soutenir les lois répressives adoptées pendant le quinquennat, Hadopi, Loppsi ? Quel adepte de la transparence peut cautionner le traité commercial ACTA négocié depuis 2008 dans la plus grande opacité ?
La différence avec l'UMP réside, pour l'essentiel, dans le choix de l'électorat à capter : Nicolas Sarkozy avait voulu kidnapper le vote des professions artistiques, supposées voter socialiste ; Marine Le Pen vise la frange libertaire de la gauche sur la question culturelle. Elle ne manque d'ailleurs pas de légitimité sur la question puisque la famille Le Pen possédait la défunte société phonographique SERP, qui montrait une singulière prédilection pour les œuvres tombées dans le domaine public et par conséquent libres de droits : «Les Chouans, chants de guerre», «Le IIIe Reich, la Wermacht au combat» ou l'incunable collection en trois volumes «Les Waffen SS».