Il y a encore deux mois, toute mesure contraignante à l'égard des banques était inenvisageable. Lorsque la commission des finances de l'Assemblée nationale avait proposé une taxe supplémentaire de 10% sur les bénéfices des banques, au vu de l'effort consenti par les finances publiques pour les sauver, elle s'était vu sérieusement sermonner. Et la proposition avait été promptement enterrée. «Il n'est pas question de prendre une mesure à caractère national qui plomberait le système bancaire français, qui s'est bien comporté pendant la crise», avait argué la ministre des finances, Christine Lagarde. Tout juste concédait-elle que les banques devaient participer au renforcement de la régulation: une contribution de 100 millions d'euros allait leur être demandée.
Deux mois plus tard, le projet resurgit, mais dans une version bien amoindrie, porté par Nicolas Sarkozy lui-même. Dans une tribune publiée dans le Wall Street Journal, co-signée avec le premier ministre britannique Gordon Brown, le président de la République se dit favorable à «un impôt exceptionnel assis sur les primes versées», «parce que les bonus pour 2009 sont en partie le résultat du soutien apporté par les Etats au système bancaire».
Sans attendre, le gouvernement annonce qu'il va proposer dans le cadre du collectif budgétaire 2009, ou dans la nouvelle loi sur la régulation bancaire, une taxation comparable à celle annoncée mercredi par le gouvernement britannique: une taxe de l'ordre de 50% payée par les banques sur les bonus accordés en 2009, dépassant la somme de 27.000 euros. La taxe, toutefois, ne serait que temporaire, valable uniquement pour les bonus de 2009. Le gouvernement français souhaite aussi que l'ensemble des pays européens rejoigne le dispositif afin de ne pas créer de distorsions de concurrence. «Ce qui la rend très hypothétique», note Didier Migaud, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, en déplorant le caractère «suiviste» de la France sur ces questions.
Pourquoi ce qui était impossible auparavant devient souhaitable brusquement? Est-ce parce que Nicolas Sarkozy ne voulait pas être en retrait par rapport aux Britanniques? Pour justifier sa volte-face, le gouvernement explique que la décision britannique a tout changé. Pour des raisons de «compétitivité», il n'était pas question que la France parte seule dans cette bataille, explique-t-il. Maintenant que la Grande-Bretagne a décidé d'imposer l'ensemble des banques travaillant à la City, la solution devient possible.
France Parti pris
Bonus: une simili taxation, juste pour la galerie
Ce qui était inenvisageable il y a deux mois devient souhaitable aujourd'hui. Le gouvernement français projette d'imiter le gouvernement britannique et de taxer à hauteur de 50% les bonus versés par les banques en 2009. La mesure a toutes les chances de plaire à l'opinion publique outrée de voir les banques renouer avec leurs anciennes pratiques après avoir été sauvées par l'argent public. Mais les problèmes de fond du dérèglement bancaire persistent, comme avant la crise financière. Parti pris.
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