Des décennies de violences, de déni et d’omerta, et aujourd’hui plus d’une centaine de plaintes: l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram, du nom de cet établissement catholique du Béarn, est le premier scandale d’ampleur qui frappe une école en France. Au cœur des questionnements : l’absence de réaction des institutions, le soutien des notables locaux contre les lanceurs d’alerte et les mensonges du premier ministre François Bayrou, élu le plus puissant du territoire.
Cela fait un mois que la commission d’enquête sur Bétharram a publié ses conclusions, sans provoquer la moindre annonce au sommet de l’État. Le pouvoir mise tout sur notre capacité collective, éprouvée après chaque scandale depuis des décennies, à replonger dans l’oubli et le déni.
Dans leurs conclusions, publiées mercredi 2 juillet, les rapporteurs dénoncent les mécanismes qui permettent la persistance des violences faites aux enfants dans les établissements scolaires. En ligne de mire : le privé qui fonctionne en vase clos. Et l’État qui laisse faire.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, la Loire ou la Marne, elles ont été des lanceuses d’alerte contre les violences physiques et sexuelles à l’école. Alors que la commission d’enquête de l’Assemblée nationale vient de rendre son rapport, ces quatre anciennes enseignantes témoignent dans « À l’air libre ».
La commission d’enquête dénonce les « défaillances voire complicités » institutionnelles ayant permis aux violences de perdurer dans l’établissement catholique, malgré les nombreuses alertes. Pour la plupart des victimes, privées de « réparation judiciaire », le préjudice est immense.
Le député insoumis, corapporteur de la commission d’enquête sur les violences dans les établissements scolaires, a écrit à la présidente de la commission pour lui demander de saisir la justice contre le premier ministre, mais aussi contre Caroline Pascal, ex-directrice de l’Inspection générale de l’éducation, et un préfet.
Le rapport issu de la commission d’enquête sur les violences commises dans les établissements scolaires, montée dans le sillage de l’affaire Bétharram, a été adopté par les députés. Les députés MoDem, quelques députés macronistes et la moitié des parlementaires Rassemblement national se sont abstenus.
Figure du collectif de victimes de Notre-Dame-de-Bétharram et élu aux côtés de François Bayrou à la mairie de Pau, Alexandre Perez utilisait les réseaux sociaux pour dénigrer anonymement ses adversaires et proférer des insultes racistes. Le conseil municipal a fini par réagir.
Le premier ministre et le président du groupe MoDem à l’Assemblée ont tous les deux menacé de ne pas soutenir la candidature aux municipales à Lille de la députée Violette Spillebout. La raison : celle-ci se serait montrée trop offensive dans le dossier Bétharram.
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Porte-parole du collectif des victimes et conseiller municipal à Pau, Alexandre Perez se démultiplie sous une fausse identité pour attaquer les témoins qui ont mis en difficulté François Bayrou.
Le premier ministre a publié sur son site puis transmis à BFMTV des « preuves » présentées comme exclusives et supposées montrer qu’il n’a jamais menti. En réalité, tous ces documents sont déjà connus et ne le dédouanent absolument pas. François Bayrou a aussi omis tous les éléments mettant à mal sa version.
De nombreuses victimes de violences au sein d’établissements catholiques ont regardé le premier ministre interrogé par la commission d’enquête parlementaire. Beaucoup en sont sorties déçues, autant par l’attitude de l’élu du Béarn que par l’absence de réponses concrètes.
La présidente PS de la commission d’enquête sur les violences à l’école, Fatiha Keloua-Hachi, revient dans « À l’air libre » sur l’audition « irritante » du premier ministre mercredi à propos de l’affaire Bétharram. Elle se dit décidée à agir si la commission s’aperçoit d’un faux témoignage sous serment.
Dans l’entourage du premier ministre, on veut croire que les explications données mercredi permettront de refermer la parenthèse de l’affaire Bétharram. En attendant un éventuel signalement à la justice pour faux témoignage, la gauche dénonce l’attitude du chef du gouvernement.
Récuser l’évidence, accuser la presse de manipulation, alléguer avoir raison contre tous, malgré les preuves du contraire : cet entêtement à saper l’idée même de vérité des faits, dans l’affaire Bétharram, constitue une évolution récente de la carrière politique du premier ministre.
Mercredi 14 mai, à l’Assemblée nationale, le premier ministre a encore revendiqué la baffe qu’il a infligée à un enfant, en 2002, comme « un geste éducatif ». Surtout, trois mois après l’explosion du scandale Bétharram, il n’a aucun plan à détailler contre les violences.
Pour ne pas admettre ses multiples mensonges dans l’affaire Bétharram, le premier ministre s’est posé en victime et a expliqué avoir raison, seul contre tous. Lors d’une défense laborieuse, mensongère et violente, il a attaqué la presse, la commission d’enquête et une lanceuse d’alerte.