International Analyse

Grèce: comment le système financier sauvé par les Etats se retourne contre eux

Les Etats et les banques centrales ont dépensé des centaines de milliards pour sauver le système financier. Un an après, les mêmes acteurs, qui étaient au bord de l'écroulement, reviennent. Et sans scrupule, exigent de ceux qui les ont épargnés, une rigueur qu'ils ne se sont jamais imposée. Les gouvernements paient leur pusillanimité à l'égard d'un monde financier qu'ils n'ont pas osé réformer.

Ludovic Lamant et Martine Orange

La Grèce menacée de faillite «n'est pas seule», mais elle n'est pas sauvée pour autant. Le soutien a minima apporté à Athènes, jeudi 11 février, par les dirigeants européens réunis à Bruxelles, s'est résumé à une déclaration de principe: «Les Etats membres de la zone euro prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble», a affirmé le président du conseil Herman Van Rompuy. Tout est dans le «si nécessaire»: l'Union continue d'espérer que les mesures d'austérité décidées par l'exécutif grec pour faire baisser son déficit public de quatre points du Produit intérieur brut (PIB) cette année, ajoutées à une démonstration d'unité politique des pays européens, suffiront à convaincre les marchés, et contrer la spéculation.
Dans les faits, l'unité n'est que de façade. L'Europe s'est surtout montrée incapable de s'entendre sur des modalités concrètes d'aide à la Grèce. Au-delà de vagues discours sur la formation d'un futur gouvernement économique européen, emmené par Paris et Berlin, les Etats membres ne sont pas d'accord. Angela Merkel s'est vivement opposée, d'après le compte-rendu du Guardian, au principe de prêts bilatéraux accordés à la Grèce. Un scénario qui semblait pourtant acquis à la veille du sommet. En fait, la chancelière allemande a décidé de composer avec une opinion publique réticente (71% d'Allemands hostiles à l'aide, selon un récent sondage). Faute de consensus, il reviendra aux ministres des finances de la zone euro de trancher, en début de semaine prochaine, sur les modalités et le calendrier de l'aide. En attendant, les marchés restent nerveux (-0,52% jeudi en clôture à Paris, -0,49% vendredi).
Les difficultés que connaît la Grèce pour sauver l'Union confirment un constat vertigineux: les marchés financiers, sauvés grâce à l'aide des Etats et banques centrales à partir de l'automne 2008, se sont retournés contre ces mêmes Etats un an plus tard. Lesquels se trouvent très mal armés, aujourd'hui, pour répondre à l'offensive. Les gouvernements paient en fait leur pusillanimité à l'égard d'un monde financier qu'ils n'ont pas osé réformer. Les Etats se sont-ils fait avoir par la crise? Sont-ils en train de tirer les leçons de leur échec, pour en finir avec la spéculation? Eléments de réponse.

Réservé aux abonné·es

Se connecter

La lecture des articles est réservée aux abonné·es

Se connecter