« L’esprit critique » de ce jour nous mène aujourd’hui dans le Bâtiment 5 filmé par Ladj Ly, promis à l’implosion dans tous les sens du terme pour le deuxième volet de son triptyque sur la banlieue après Les Misérables ; puis dans l’univers de Bertrand Mandico, qui propose avec Conann une relecture hallucinée et féminisée de Conan le Barbare ; avant de traverser l’Atlantique pour voir comment Wall Street a vacillé sous les coups de petits spéculateurs décrits dans le film de Craig Gillespie, Dumb Money, inscrit dans la lignée de nombreux films sur la Bourse et la finance, au premier rang desquels on trouverait The Big Short d’Adam McKay.
« Bâtiment 5 »
Bâtiment 5 est le deuxième long-métrage de Ladj Ly après l’acclamé Les Misérables, qui avait obtenu le prix du Jury à Cannes en 2019 et en 2020 le César du meilleur film. Bâtiment 5 met en scène les habitant·es d’un quartier défavorisé qui se mobilisent contre un projet de rénovation urbaine prévoyant en catimini de détruire des bâtiments sans véritable solution de relogement.
Le film tourne autour de différents personnages : un maire ancien pédiatre parachuté dans un univers qui lui est étranger après la mort subite du précédent maire, un premier adjoint de bonne volonté et bon connaisseur du terrain mais susceptible de céder à la corruption et à la trahison, une jeune militante très impliquée dans la vie associative qui décide de se lancer dans la course électorale pour empêcher la destruction de son bâtiment, un ami de cette jeune militante oscillant entre désabusement et colère, ou encore une chrétienne d’Orient tout juste réfugiée de Syrie…
Bâtiment 5 s’annonce comme le deuxième volet d’une trilogie sur la banlieue, même si cet opus se situe non plus à Montfermeil, comme Les Misérables, mais à Montvilliers, une ville imaginaire susceptible de représenter toutes celles confrontées à des difficultés bien identifiées.
Bâtiment 5 est sorti sur les écrans le mercredi 6 décembre.
« Conann »
Variation féminine sur la trame de Conan le Barbare, le nouveau film de Bertrand Mandico s’intitule Conann. Difficile de résumer les expériences cinématographiques et visuelles du réalisateur des Garçons sauvages ou d’After Blue (Paradis sale), figure ultra-singulière du cinéma français contemporain.
Dans ce film tissé de noir et blanc et de couleurs, peuplé de nombreuses scènes gores, de quelques grosses voitures du Bronx et d’une scène de repas d’anthologie, Rainer, humain chien et incarnation de la mort toujours armé d’un appareil photo désuet mais avec flash, raconte six des différentes vies de Conann, personnage à chaque fois mis à mort par son propre avenir, à différentes époques de l’histoire.
Ce long-métrage est issu d’un travail hybride débuté au Théâtre des Amandiers de Nanterre, mêlant tournage et performance, perturbé par le confinement, et qui a préparé une série de films de divers formats dont le long-métrage visible en salles, mais qui est accompagné par deux autres films plus courts.
Conann, de Bertrand Mandico, est sur les écrans depuis le 29 novembre dernier.
« Dumb Money »
Dumb Money, de Craig Gillespie, restitue, comme on nous le rappelle dès le début du film, un récit fondé sur l’histoire vraie d’un quidam féru d’informatique et de boursicotage qui, en 2021, avait fait trembler Wall Street dans ce qu’on a appelé l’affaire GameStop.
Une entreprise à laquelle personne ne croyait mais qu’un pari fou et collectif a fait basculer dans une autre dimension lorsque de petits investisseurs, adeptes notamment du forum Reddit, ont réussi à faire monter l’action sur laquelle les plus grands fonds d’investissement avaient parié à la baisse.
Le titre du film, Dumb Money, signifie littéralement « l’argent des cons » selon le surnom donné par les gros poissons de la finance à l’argent mis en bourse par les plus petits joueurs.
Le film, inscrit dans la lignée The Big Short (« Le Casse du siècle ») d’Adam McKay, est un film qui joue avec les écrans de toute nature : les forums internet, les Breaking News, les courbes des actions ou les véritables auditions sénatoriales qui ont lieu après l’affaire GameStop…
Dumb Money de Craig Gillespie est sur les écrans depuis le 29 novembre.
Avec :
- Alice Leroy qui écrit pour Les Cahiers du cinéma ;
- Occitane Lacurie, membre du comité de rédaction de la revue de cinéma Débordements, doctorante en esthétique et études visuelles ;
- Raphaël Nieuwjaer qui écrit aux Cahiers du cinéma et pour Études.
« L’esprit critique » est un podcast réalisé par Samuel Hirsch et enregistré dans les studios de Gong par Karen Beun.