Qu’est-ce qui fait un succès public et critique ? « L’esprit critique » tente de répondre à cette vaste question à partir des deux exemples emblématiques des parutions de cet automne.
Les livres événements de la rentrée sont signés Neige Sinno et Panayotis Pascot et n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre, si ce n’est de se fonder sur un socle de douleur que leur écriture vise moins à consoler qu’à apprivoiser, en mettant frontalement leurs lecteurs et lectrices en face de réalités souvent silencieuses.
Les deux livres ont connu, dès leur sortie à la fin du mois d’août, un grand succès public, dépassant les 50 000 exemplaires vendus en quelques semaines : un succès qui ne devrait pas s’arrêter, surtout pour Neige Sinno, dont l’ouvrage vient d’obtenir le prix Femina et le Goncourt des lycées. L’ouvrage de Neige Sinno s’intitule Triste Tigre et est publié par les éditions POL. Celui de Panayotis Pascot est titré La prochaine fois que tu mordras la poussière et est publié chez Stock.
« Triste Tigre »
Triste Tigre n’est pas le premier livre publié par Neige Sinno, mais ses deux premiers ouvrages sont demeurés à ce point confidentiels que c’est en utilisant l’adresse mail générale des éditions POL qu’elle a envoyé son texte, qui reçoit depuis un succès public et critique d’une unanimité rare.
Neige Sinno évoque dans ce livre les viols répétés dont elle a été victime de la part de son beau-père. En 2000, elle a porté plainte et le beau-père a été condamné à neuf ans de prison.
« Ami lecteur, amie lectrice, ma semblable, ma sœur, voici donc un aveu que je me dois de te faire, car je ne nourris point le désir de te fourvoyer : prends garde à mes propos, ils avanceront toujours masqués. Ne prends pas ce texte dans son ensemble pour une confession », prévient la narratrice.
Avant d’affirmer : « J’ai voulu y croire, j’ai voulu rêver que le royaume de la littérature m’accueillerait comme n’importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l’art, on ne peut pas sortir vainqueur de l’abjection. La littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée. »
« La prochaine fois que tu mordras la poussière »
La prochaine fois que tu mordras la poussière est le premier livre de Panayotis Pascot, comédien et humoriste, passé par « Le Petit Journal » et « Quotidien », avant de se lancer dans un seul-en-scène à succès, au point d’être repris sur Netflix.
Publié dans la collection Bleue chez Stock, l’ouvrage de Panayotis Pascot s’ouvre sur la relation à un père mourant et aborde la dépression de son auteur, ainsi que son acceptation progressive et longtemps tenue secrète de son homosexualité. Même s’il n’a été récompensé par aucun prix, il continue de caracoler en tête des ventes, avec plus de 120 000 exemplaires déjà vendus.
On discute de ces deux succès et de ces deux livres avec :
- Lise Wajeman, professeure de littérature comparée qui chronique l’actualité littéraire pour Mediapart ;
- Blandine Rinkel, à la fois écrivaine, critique et musicienne.
« L’esprit critique » est un podcast enregistré dans les studios de Gong par Karen Beun et réalisé par Samuel Hirsch.