Série 1918, les frontières de sang de la nouvelle Europe
C’est un monde hébété qui sort du cauchemar de la première boucherie mondiale. Alors que la révolution a balayé l’Empire séculaire des tsars de Russie et que l’Empire ottoman achève sa désintégration, celui d’Autriche-Hongrie disparaît à son tour, ce que personne n’aurait pu imaginer en 1914.
Les vainqueurs dessinent une nouvelle carte de l’Europe, supposée reposer sur le « principe des nationalités » mais qui bafoue les aspirations et les droits des vaincus, alimentant des frustrations et des rancoeurs qui perdurent encore, par-delà les autres expériences tragiques du XXe siècle – le fascisme, la Seconde Guerre mondiale, le stalinisme et la violente « transition » néo-libérale entamée depuis 1989 par tous les pays dits « de l’Est ».
Alors que l’intervention occidentale a contribué à confiner le souffle de la révolution aux frontières rétrécies de la Russie, le monde bancal qui se met en place à partir de 1918 est encore très largement celui dans lequel nous vivons. Nous vous proposons cet été un tour d’horizon, depuis les confins italiens et slaves, de l’insaisissable Europe « centrale », jusqu’aux lambeaux oubliés des terres hongroises et à la bouillante Macédoine, toujours convoitée par tous ses voisins.
Cette série a été réalisée par Jean-Arnault Dérens, Laurent Geslin, Corentin Léotard et Simon Rico.
Le « Verdun » italien s’est joué à flanc de montagne, dans le décor grandiose de la vallée de l’Isonzo. 500 000 hommes y sont morts entre 1915 et 1917, mais la frontière se dérobe : elle a séparé l’Italie de l’empire d’Autriche-Hongrie, puis de la Yougoslavie et enfin de la Slovénie. Les revendications d’annexion se sont croisées tout au long du XXe siècle, laissant des minorités du « mauvais » côté de la frontière.
Après la chute du rideau de fer en 1989, l’Europe clamait que Polonais, Hongrois ou Tchèques étaient de « véritables » Européens, porteurs d’une ancestrale culture de tolérance. Aujourd'hui, les pays du groupe de Visegrád réclament la fermeture des frontières. La Mitteleuropa ne serait-elle qu’un mythe ?
Le traité de Trianon qui a amputé le royaume de Hongrie après la Première Guerre mondiale est, près d’un siècle plus tard, un marqueur puissant du nationalisme hongrois. Les minorités magyares disséminées dans les pays riverains de la Hongrie représentent des enjeux de pouvoir et des leviers politiques importants en Europe centrale.
On les appelait souvent les « Yougos », avant que l’éclatement de l’ancienne Fédération et les guerres des années 1990 n’amènent à distinguer Albanais, Bosniaques, Croates, Macédoniens, Monténégrins, Serbes ou autres Slovènes. Mais que désignent ces termes de « Yougoslaves » et de « Yougoslavie » ? La question peut recevoir différentes réponses à Zagreb, Belgrade ou Sarajevo.
Le 17 juin dernier, les premiers ministres d’Athènes et de Skopje, Alexis Tsipras et Zoran Zaev, signaient un accord historique pour solder le différend qui oppose les deux pays sur la « question du nom » de la Macédoine. Depuis un siècle, cette région est au cœur de tous les déchirements des Balkans, et les souvenirs des violences du passé sont parfois difficiles à oublier. Dernier épisode de notre série sur « les frontières de sang de la nouvelle Europe ».
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