Seize ans après les premières plaintes et huit mois après la fin de l’enquête, le procureur de la République de Paris réclame un non-lieu dans le scandale de l’empoisonnement des écosystèmes au chlordécone, un pesticide abondamment utilisé en Guadeloupe et en Martinique.
Sols, embouchures de rivières, plages : aux Antilles françaises, tout a été dévasté par le pesticide cancérogène utilisé pour éradiquer un ravageur qui menaçait les bananeraies. L’administration en a autorisé l’épandage, préférant la survie de l’économie de plantation à celle de la population.
Des milliers de manifestants ont défilé en Martinique, samedi 27 février, afin d’exiger un procès dans l’affaire de l’empoisonnement des populations et des sols au chlordécone. Aux Antilles françaises, l’annonce par des juges parisiens d’une possible prescription des faits génère émotion et indignation.
En un an, les plus hautes autorités de l’État ont réussi à créer le doute et la confusion sur les liens entre le cancer et le chlordécone, pesticide toxique utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique jusqu’en 1993. Cela menace les travaux en cours pour indemniser les personnes intoxiquées et réparer les torts infligés à un peuple et à ses terres.
Les terres, mais aussi les corps des Antillais, ont subi une contamination massive et durable par le chlordécone. Ce déni de justice environnementale a réveillé la douleur du passé colonial et esclavagiste de ces territoires. Entretien croisé avec le philosophe Malcom Ferdinand et l’historienne Audrey Célestine.