Calais, de notre envoyée spéciale.- Il trimballe son corps raidi par le chagrin. Il refuse qu'on écrive son nom, sa ville, son métier, par peur panique d'être retrouvé par ses tortionnaires. Saïd, appelons-le ainsi, vit depuis huit mois dans la « jungle » de Calais. Il a fui les exactions du groupe État islamique en Irak, et a échoué dans le bidonville après avoir tenté de passer en Angleterre. La nuit, il dort dans les conteneurs blancs aménagés par l'État dans la « jungle ». Le jour, il se réfugie dans une caravane, pour échapper aux « plaisanteries des jeunes », au bruit, aux autres. Dans son refuge, une rose fanée sur une étagère, quelques paquets de riz, Mathilda de Roald Dahl en arabe, des cahiers de français qu'il n'ouvre plus. « Je n'arrive pas à apprendre. Des pensées me viennent. Je dors mal. En Irak, les gens de Daech m'ont frappé la tête contre un mur. » Il cesse de raconter, serre ses mains l'une contre l'autre. « Je ne dois pas trop parler. Quand mes souvenirs reviennent, mon corps devient dur, et ma tête éclate. »
Calais, au centre de la crise migratoire Reportage
A Calais, l’impossible résilience de certains migrants
Ils ont connu l’horreur dans leur pays d’origine, puis sur la route de l’exil, parfois aussi en France. Une centaine de personnes sont suivies en santé mentale dans le bidonville de Calais par des médecins hospitaliers ou humanitaires. Lesquels constatent que les conditions de vie dans la « jungle » empirent.
6 août 2016 à 10h50