L’Assemblée nationale doit adopter mardi 9 juillet, en première lecture, la proposition de loi contre les « propos haineux », soutenue par la volonté présidentielle d’encadrer les réseaux sociaux. Menaces sur la loi de 1881 sur la liberté de la presse, entraves à l’exercice du journalisme et régulation répressive du numérique se combinent pour faire taire voix discordantes et expression populaire.
Les député·e·s ont examiné, mercredi 3 et jeudi 4 juillet, la proposition de loi de la députée LREM Laetitia Avia. L’annonce de la création d’un parquet spécialisé dans la poursuite des auteurs de contenus dits « haineux » laisse la suppression de ces messages sous la seule responsabilité des « opérateurs de plateforme ».
La contestation au sein de la profession peine à trouver un écho auprès des Français, eux aussi malmenés de toutes parts mais assez peu sensibles aux dangers que font peser sur la liberté d’informer les nouvelles dispositions et excès du pouvoir « jupitérien ».
Lois, déclarations, convocations et gardes à vue se sont multipliées ces derniers mois, qui font craindre pour la liberté d’expression et de la presse. Témoignages et analyses se succèdent dans notre émission, pour mesurer le degré et le rythme inédits de ces atteintes de la part du pouvoir.
La ministre de la justice veut lancer une réflexion sur la sortie de la loi sur la liberté de la presse des infractions liées aux « propos haineux » sur internet, qui pourraient ainsi par exemple être jugées en comparution immédiate. Au risque de créer « une nouvelle bureaucratie de la censure », voire de « privatiser » le contrôle de la liberté d'expression, estiment ses détracteurs.
L’examen de la proposition de loi « visant à lutter contre la haine sur Internet » a démarré mercredi à l’Assemblée nationale. Le texte confie aux « opérateurs de plateforme » le soin de retirer sous 24 heures tout contenu signalé comme « manifestement » illicite. Faute d’y mettre les moyens, une sanction pouvant aller jusqu’à 4 % de leur chiffre d’affaires mondial pourra être prononcée.
Depuis septembre, des enquêteurs et magistrats sont formés à « la lutte contre la haine » à Marseille et à Aix-en-Provence, dans le cadre d’une expérimentation en partenariat avec la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.
Mise en ligne des millions de fois, la vidéo tournée en direct par l’auteur de l’attentat islamophobe a mis en lumière l’incapacité de Facebook et YouTube d’assurer une modération efficace. Et donné de nouveaux arguments aux tenants d’une régulation plus vigoureuse.
Historien, spécialiste de la Révolution française, Guillaume Mazeau analyse l’explosion des rumeurs à la chute de l’Ancien Régime comme « le prix transitoire à payer de la démocratisation et de la libre expression ». Dans un entretien à Mediapart, il met en garde contre « les sorties du droit ordinaire » qui visent à réprimer la parole populaire.
Newsletters
Découvrez les newsletters de Mediapart
Recevez directement l’info de votre choix : Quotidienne, Hebdo, Alerte, À l’air libre, Écologie, Enquête …
Au titre de la loi « fake news », deux élus ont demandé le retrait du tweet mensonger du ministre de l’intérieur, qui avait évoqué le 1er Mai une attaque de l’hôpital et l’agression de son personnel. Ils ont été déboutés.
Le secrétaire d’État au numérique a présenté jeudi le plan du gouvernement pour lutter contre le cyber-harcèlement et les « contenus haineux ». S’il n’est plus question d’empêcher l’anonymat en ligne, une censure préventive confiée aux algorithmes est attendue.
La tentative de perquisition des locaux de Mediapart relance le débat sur la protection des sources des journalistes, un droit consacré au niveau européen mais encadré en France par une loi de 2010 incomplète et contestée. « Il est urgent de renforcer cette protection en France, tant le secret des sources est indispensable à l'exercice du journalisme », estiment dans un communiqué plus d'une trentaine de rédactions.
Macron ne veut pas seulement restreindre la liberté de manifester ; il rêve, aussi, de placer la presse sous tutelle en créant des « structures » qui auraient la charge de « s’assurer de sa neutralité ». La menace est d’autant plus grave que les grands médias, croqués par des milliardaires, ont perdu leur indépendance et que des lois liberticides se sont accumulées durant le quinquennat.