Emmanuel Macron s’est fixé un objectif : exécuter « 100% » des obligations de quitter le territoire français (OQTF), ces décisions qui visent des étrangers sans papiers. Juste avant la pandémie, leur taux d’exécution ne dépassait pas 13%, un « taux d’attrition [qui] me pose problème », lâchait le chef de l’Etat dans Valeurs actuelles, usant d’une expression déshumanisante. C’est aussi que les préfectures signent des OQTF à la chaîne, à l’égard de déboutés de l’asile comme de travailleurs, même quand elles savent que l’expulsion ne pourra avoir lieu. Notre dossier sur une folie très française.
Malgré des parcours différents, Aminata, Halima, Habib et Nader subissent tous le même traitement de la part de l’administration : entre OQTF à répétition et impossibilité de régulariser leur situation, ils se disent « épuisés ». Il aura fallu une grève de la faim pour que Nader obtienne un récépissé.
Âgé de 31 ans, il a quitté l’enclave palestinienne en 2018 pour rejoindre son frère basé en France. Mais depuis, il n’a pu obtenir ni l’asile ni un droit au séjour. Pire, il est menacé d’expulsion malgré le contexte de la guerre génocidaire menée par Israël.
Adressées aux préfets le 23 janvier, de nouvelles consignes imposent des critères très contraignants aux personnes qui espèrent obtenir un droit au séjour en France. L’étau se resserre contre les immigrés, dans un contexte politique de plus en plus hostile.
Elle avait rejoint son frère, un Franco-Palestinien habitant à Aix-en-Provence, pour l’accompagner dans ses soins au quotidien. Mais sa demande de titre de séjour a été rejetée et doublée d’une OQTF. Une décision confirmée par la justice. Contactée, la préfecture indique que l’OQTF ne sera pas « mise à exécution ».
Shaden et Ibrahim ont reçu une obligation de quitter la France après avoir déposé une demande de régularisation auprès de la préfecture d’Ille-et-Vilaine. Si celle-ci affirme avoir suspendu la procédure après la médiatisation de l’affaire, la mesure d’éloignement n’est pas pour autant annulée.
Le 14 septembre, une personne de nationalité française a été enfermée au centre de rétention administrative de Matoury, en Guyane. La préfecture lui a même délivré une obligation de quitter le territoire français. Une bévue qui illustre la politique du chiffre menée par les autorités.
Le Guinéen avait escaladé la façade d’un immeuble à mains nues pour stopper les flammes lors d’un incendie à Rennes. N’ayant jamais été régularisé, il est aujourd’hui enfermé en centre de rétention en région parisienne et risque d’être renvoyé dans son pays.
Moustapha, un Guinéen souffrant de troubles psychiatriques, a été arrêté par la police après un signalement de l’établissement lyonnais Saint-Jean-de-Dieu. Proches et soutiens y voient une forme de « délation » qui s’inscrit dans le contexte politique actuel.
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Les obligations de quitter le territoire – OQTF – fondées sur une menace à l’ordre public sont devenues monnaie courante. Contrairement à ce que laisse entendre Gérald Darmanin, elles touchent de plus en plus de personnes qui ne représentent aucun danger.
L’homme a été renvoyé manu militari vers son pays d’origine le jour où le juge a décidé de sa libération, jeudi 2 novembre. Le cas s’inscrit dans la folle dynamique de Gérald Darmanin sur les expulsions. Une avocate dénonce une « grave atteinte au droit ».
Les faits se sont déroulés à Caen, le 9 juin dernier. L’homme, qui vit en France avec sa femme et leur bébé depuis janvier 2020, travaille dans un restaurant en CDI depuis deux ans et bénéficie du soutien de son employeur. Mais jusqu’à présent, la préfecture reste « inflexible ».
D’après nos informations, la préfecture de Dordogne a expulsé une jeune femme vers Abidjan, le 30 mars dernier, alors même que la justice n’avait pas tranché le recours contre la mesure d’éloignement qui la visait. Interrogée par Mediapart, la préfecture reconnaît « une erreur » et affirme qu’elle est en train d’organiser un retour en France.
Il s’apprêtait à signer en tant que professionnel en Ukraine quand la Russie a déclenché la guerre. Désormais installé dans la Manche, Clinton Chalokwu vient de recevoir une obligation de quitter le territoire. Alors même qu’une formation d’animateur sportif s’ouvre à lui.
Alors que le ministère de l’intérieur avait affirmé, en décembre dernier, ne « procéder à aucun éloignement vers l’Iran dans le contexte actuel » concernant une Iranienne menacée d’expulsion, Mediapart a répertorié deux autres cas pour lesquels des préfectures ont délivré une OQTF. L’une d’elles a même pris attache avec Téhéran, alors que l’intéressée a fui la répression en Iran.
Le 10 août, la préfecture des Alpes-Maritimes a refusé d’accorder des titres de séjour à deux femmes ayant dénoncé leurs anciens proxénètes, au motif que leurs plaintes auraient été classées sans suite par le parquet de Nice. Seul problème : c’est faux.
Célébré en héros en février 2022, médaillé par les sauveteurs en juillet, un Albanais s’est vu refuser le séjour en France au mois de décembre, malgré l’attention promise par le ministre de l’intérieur. Les actes de bravoure permettent de régulariser des sans-papiers, voire d’accorder la nationalité française. Mais sans garantie.