Europe

A Bruxelles, violent camouflet pour l’Agence européenne de sécurité des aliments

Les eurodéputés ont refusé jeudi de boucler les comptes de cette agence de l'Union, censée fournir des informations fiables en matière de sécurité alimentaire. Les élus dénoncent des conflits d'intérêts à répétition.

Ludovic Lamant

De notre envoyé spécial à Bruxelles,
Les eurodéputés ont infligé jeudi, à Bruxelles, un rude camouflet à l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA). Une majorité d'élus (321) a refusé de finaliser les comptes, pour l'année 2010, de cette agence de l'Union, censée fournir des informations fiables en matière de sécurité alimentaire, et régulièrement critiquée pour sa proximité avec l'industrie agro-alimentaire.
« Notre argumentaire principal, pour refuser de certifier les comptes, est lié aux conflits d'intérêts au sein de l'agence », a déclaré la rapporteure Monica Luisa Macovei, une élue du PPE (droite, première force politique), à l'issue du vote. « Parce qu'à chaque fois, c'est la confiance des citoyens qui est écornée. » « C'est un signal très important, pour dire que les conflits d'intérêts dans l'industrie ne sont plus acceptables », veut croire Nina Holland, de Corporate Europe Observatory, une ONG qui milite pour davantage de transparence en Europe.
Ce vote, qui était très attendu, confirme une première prise de position, en avril, de la commission du contrôle budgétaire du Parlement. Cette dernière avait épinglé, dans un rapport musclé, divers conflits d'intérêts et cas de “pantouflages”, qui minent, selon elle, la crédibilité de l'agence. Et d'inviter l'EFSA à « se concentrer sur l'intérêt public dans sa prise de décision indépendante en tenant compte de toutes les données et informations pertinentes ». Les élus exigent également des réductions dans les coûts des réunions du conseil d'administration (92 630 euros par réunion, soit 6 175 euros par membre).
Le vote de jeudi était toutefois loin d'être gagné. Notamment parce que les socialistes avaient préféré appeler à valider le budget de l'agence, jugeant « politiquement disproportionnée  » la position du PPE. Apparemment gênés par cette consigne de vote, les socialistes français ont choisi l'abstention : « Soucieux de ne pas entraver la bonne exécution des programmes importants actuellement menés (par les agences - ndlr), les socialistes français n'ont pas souhaité aller au-delà de l'abstention», ont-ils expliqué dans un communiqué.
L'EFSA s'est contentée, jeudi, de prendre « respectueusement note » de la décision du Parlement, et de rappeler son « engagement pour la transparence ». L'affaire est d'autant plus spectaculaire qu'elle intervient au lendemain de la démission de la présidente du conseil d'administration de l'agence, en poste depuis 2008. Diana Banati a accepté un poste à la direction d'International Life Science institute (ILSI), un lobby industriel dans la chimie et l'agro-alimentaire. L'agence l'a priée de démissionner de ses responsabilités au sein de l'EFSA.
Diana Banati est loin d'être inconnue, à Bruxelles. C'est l'eurodéputé José Bové qui avait, à l'automne 2010, révélé qu'elle occupait non seulement un poste au sein de l'EFSA, mais aussi un autre à l'ILSI. A l'époque, elle avait dû démissionner de l'ILSI, pour rester à l'EFSA. Ce nouvel épisode est « particulièrement scandaleux », a réagi, jeudi, José Bové : « L'ILSI représente 400 entreprises du secteur de l'agro-alimentaire qui pèsent de tous leurs poids pour faire passer les OGM en Europe. »

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