Bruxelles (Belgique), de notre envoyé spécial.– Ils sont environ 300 à s’être massés dans le grand amphithéâtre du Charlemagne, l’un des principaux bâtiments de la commission européenne à Bruxelles, à la fin du mois de novembre 2016. Tous travaillent à la « DG commerce », l’une des directions les plus puissantes de l’exécutif de Jean-Claude Juncker. Ce sont eux qui négocient, à la demande des capitales de l’Union, des traités de libre-échange avec des pays du monde entier. Quelques jours plus tôt, le traité entre l’UE et le Canada (CETA) a failli voler en éclats, sous la pression d’une modeste région belge, la Wallonie. Beaucoup sont impatients de tirer les leçons de ce bras de fer, qui a révélé la fragilité des politiques commerciales menées par l’Europe.
Pourtant, ce jour-là, leur patron, le Français Jean-Luc Demarty, né en 1952, fait le service minimum. Cet habitué des arcanes bruxellois, expert de la Politique agricole commune (PAC), félicite ses troupes du travail accompli. Il évoque les chantiers à venir, comme l’accord négocié avec le Japon, qui pourrait être conclu cette année. À ses côtés, son adjoint, l’Italien Mauro Petriccione, reste muet. C’est pourtant lui qui a négocié directement le CETA fin octobre, en ligne directe avec le président de la Wallonie Paul Magnette et le président de la commission Jean-Claude Juncker. La commissaire au commerce, Cecilia Malmström, avait été court-circuitée.
« Demarty nous a dit : poursuivez votre boulot, c’est fantastique. Mais il s’est passé un truc, là, quand même, non ? », raconte, interloqué, un participant. « Avec la Wallonie, on n’était pas dans une configuration de négociation commerciale. C’est parti dans le décor. Ça a disjoncté. Et maintenant, il nous dit : tout est bien qui finit bien ? C’est un peu court. » Le Français, qui n’est pas réputé pour avoir un caractère facile, a annoncé ce jour-là qu’il prolongeait son poste d’un an à la tête de la DG, alors qu’il approche de l’âge de la retraite. « C’est pourtant évident, il n’est plus en adéquation avec le moment. Le besoin de transparence, par exemple, ça ne lui parle pas », ajoute avec agacement un autre des témoins, lui aussi sous le sceau de l’anonymat (lire la Boîte noire, en bas de page).
Libre-échange : le Ceta, stop ou encore ? Enquête
À Bruxelles, les négociateurs pour le commerce s'essaient à l’humilité
Du Brexit à la « résistance » des Wallons sur le CETA, le libre-échange ne fait plus consensus. Quelles leçons en tirent la commission européenne et son armée de négociateurs commerciaux ? Plongée dans l’une des « DG » les plus puissantes de Bruxelles, en plein questionnement.
Le lien vers la page a été copié