Si le sommet Afrique-France a choisi de mettre en avant la société civile, les putschistes ne semblent pas pressés de remettre le pouvoir aux civils au Mali, en Guinée et au Tchad. Arguant d’une refondation de la nation.
Le coup d’État en Guinée a rappelé une tendance lourde en Afrique occidentale : partout ou presque, et surtout dans les pays francophones, la démocratie perd du terrain. Les régimes se durcissent et le fossé se creuse entre les citoyens et leurs dirigeants. Trente ans après l’avènement du multipartisme, la désillusion est grande.
Le despote a été renversé le 5 septembre. La junte, dirigée par un ex-légionnaire de l’armée française, que Condé avait recruté pour ses forces spéciales, a promis des lendemains qui chantent au peuple guinéen, partagé entre soulagement et crainte d’une dérive sanglante.
À Conakry, les prisonniers politiques s’entassent dans les prisons, et l’un d’eux, Oumar Sylla, se trouve en danger de mort selon ses proches. La dérive autoritaire du régime d’Alpha Condé n’a pas empêché Nicolas Sarkozy de faire un voyage express à Conakry – un de plus - et d’y rencontrer le président en tête à tête.
Depuis un an et demi, la force Barkhane est accusée dans au moins trois cas d’avoir bombardé des civils. Des chercheurs soupçonnent la France de mener, comme les États-Unis au Moyen-Orient, des « frappes signatures », fondées sur une interprétation très contestée du droit de la guerre.
En réaction au coup d’État du 24 mai, la France a suspendu sa coopération militaire bilatérale avec le Mali. Officiellement, il s’agit d’exiger des putschistes qu’ils nomment un premier ministre civil et s’engagent à respecter le délai de 18 mois pour organiser une élection. Mais cette mesure vise surtout à empêcher l’ouverture d’un dialogue avec les djihadistes.
Ces derniers jours, des coopérants français déployés en République centrafricaine (RCA), parmi lesquels des militaires, ont pris l’avion en direction de Paris pour un vol sans retour. Emmanuel Macron a également décidé de geler l’appui budgétaire direct à la RCA, qui fut longtemps considérée comme un des fiefs de la « Françafrique » et s’est rapprochée de Moscou.
Des militaires qui commettent un putsch, cela arrive assez fréquemment. Des putschistes qui remettent le couvert quelques mois après, c’est beaucoup plus rare, mais c’est pourtant ce qui est arrivé au Mali le lundi 24 mai. Mercredi, contraints et forcés, le président de la transition et son premier ministre ont fini par démissionner.
Le chef du FACT, la rébellion tchadienne qui a précipité la mort d’Idriss Déby Itno, a une longue histoire avec la France. Il y a passé une partie de sa vie, et a même milité au sein du Parti socialiste, avant d’être « trahi » par ses ex-camarades et sanctionné pour des liens non avérés avec des groupes terroristes.
Le 27 avril, la France a « fermement condamné » la répression de manifestations qui ont fait au moins six morts au Tchad. Mais par son soutien appuyé, elle a de fait avalisé un coup d’État.
À l’image de sa gouvernance, l’une des plus troubles du continent, les circonstances du décès du président tchadien, annoncé mardi par l’armée, restent floues. Officiellement, il est mort des suites d’une blessure reçue lors de combats ce week-end.
Mise en cause dans un rapport des Nations unies, la France se dit victime d’une « guerre informationnelle ». Paris affirme que ses forces ont bombardé des djihadistes, et non des civils réunis pour un mariage, le 3 janvier au Mali.