L’esprit critique Podcast

L’esprit critique « cinéma » : des musiques et des films

Notre podcast culturel débat de « Sirât », du cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe, de « Connemara », signé Alex Lutz, et de « Oui », nouveau long métrage de l’Israélien Nadav Lapid.

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Cette nouvelle saison de « L’esprit critique » débute avec trois films saturés et structurés par la musique : la techno de free partys organisées dans les déserts du sud du Maroc avec le vertigineux Sirât, signé du réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe ; les tubes français de l’adaptation au cinéma du roman de Nicolas Mathieu, Connemara, dans une réalisation de l’acteur et humoriste Alex Lutz ; et enfin, la bande-son à la fois nationaliste et pop de Tel-Aviv dans le nouveau film de l’agitateur du cinéma israélien Nadav Lapid, intitulé Oui

« Sirât »

Sirât est un terme arabe qui peut signifier « la voie » ou « le chemin », mais évoque aussi, dans les textes saints de l’islam, un pont suspendu entre le paradis et l’enfer, ainsi que nous l’indique d’emblée le carton qui ouvre le nouveau long métrage du cinéaste franco-espagnol Oliver Laxe, prix du jury au Festival de Cannes 2025 et qui porte ce titre.

Et c’est bien un film situé quelque part entre l’Éden et le gouffre que propose cette mise en scène d’une rave cauchemardesque, plongeant dans l’univers de free partys déjantées, organisées au cœur du désert marocain.

Un père, incarné par Sergi López, accompagné de son jeune fils, y cherche sa fille, disparue depuis quelques mois, au milieu de marginaux et éclopés à la recherche de la transe et de la danse. Il embarque pour cela dans un road trip, dans tous les sens du terme « trip », censé le mener, en compagnie de deux camions et de leurs occupants, à une autre fête en direction de la frontière mauritanienne, tout en tentant d’éviter l’armée marocaine.

Sirât, d’Oliver Laxe, est sur les écrans depuis mercredi 10 septembre. 

« Connemara »

Connemara est le titre, extrait d’un fameux tube de Michel Sardou, du roman du Prix Goncourt Nicolas Mathieu, adapté aujourd’hui à l’écran par l’acteur, humoriste et réalisateur Alex Lutz, avec Mélanie Thierry et Bastien Bouillon dans les rôles-titres.

Le film suit assez fidèlement le livre : Hélène, qui a grandi dans l’est de la France, puis fait carrière dans des cabinets de conseil et de restructuration, tente de revenir dans sa ville natale pour redonner du sens et du souffle à sa vie, tant professionnelle que personnelle, puisqu’elle frôle le burn-out dans la première et le bore-out, c’est-à-dire l’ennui mortifère, dans la seconde.

Elle se prend ainsi de passion pour l’ancien beau gosse de ses années lycée, ex-star de l’équipe de hockey sur glace de la ville, qui tente alors un come-back sportif avec quelques années et kilos en plus.

Contrairement à elle, il est resté à Épinal, passant ses journées entre son père qui perd ses repères, son fils dont il n’a pas la garde, un travail alimentaire, et ses deux vieux potes dont l’un va bientôt se marier. À l’ivresse initiale d’Hélène de retrouver le goût de la jeunesse succèdent progressivement le désenchantement ou les difficultés de passer outre la divergence des destinées.

Connemara, d’Alex Lutz, est sur les écrans depuis mercredi 10 septembre.

« Oui »

Oui est le titre du nouveau film de Nadav Lapid, enfant terrible du cinéma israélien installé depuis quelques années à Paris, dans lequel il prend de front ce qu’est devenue la société israélienne après le 7-Octobre, en la filmant sur un rythme frénétique, parfois halluciné, soutenu par une musique tonitruante et des effets visuels incessants.

Difficile de synthétiser un tel film, dont on peut néanmoins dire qu’il comporte trois temps principaux.

  • Le premier, dans lequel un couple composé d’un pianiste et d’une danseuse, très amoureux l’un de l’autre, parents d’un bébé né au lendemain du 7 octobre 2023, anime des soirées privées dans la jet-set de Tel-Aviv, où ils peuvent se faire humilier tout en ridiculisant eux-mêmes le nationalisme et l’extrême-droitisation des élites israéliennes.
  • Le deuxième, dans lequel le personnage principal, nommé Y comme l’était celui du précédent film de Lapid, Le Genou d’Ahed, part en errance dans le désert, à proximité de Gaza, en compagnie d’une ancienne amante, après qu’on lui a proposé de composer un nouvel hymne national pour le pays.
  • Le dernier, dans lequel Y revient chez lui et se plie au pouvoir brut incarné par un Israélo-Russe patibulaire, tandis que son couple explose sur ce choix de composer un hymne de revanche promettant d’anéantir Gaza, un hymne fondé sur un véritable chant produit après le 7-Octobre.

Oui, de Nadav Lapid, sortira sur les écrans mercredi 17 septembre et Nadav Lapid sera l’invité d’« À l’air libre » la veille, mardi 16 septembre.

Avec :

  • Occitane Lacurie, membre du comité de rédaction de la revue de cinéma Débordements, doctorante en esthétique et études visuelles ;
  • Raphaël Nieuwjaer, qui écrit à la fois pour les Cahiers du cinéma et la revue Études ;
  • Salima Tenfiche, maîtresse de conférences en cinéma à l’université Sorbonne-Nouvelle.

« L’esprit critique » est un podcast enregistré par Corentin Dubois et réalisé par Karen Beun.