On a souvent dit de l'Italie qu'elle était le laboratoire politique de l'Europe, inventant, parfois pour le meilleur et souvent pour le pire, le fascisme, la démocratie chrétienne, le populisme télévisuel manière Berlusconi et l'eurocommunisme des années 1970. On aimerait aussi que l'Italie, et cette fois toujours pour le meilleur, devienne le laboratoire littéraire de l'Europe. C'est la conclusion que l'on tire de la découverte, forte, percutante, poignante, de l'œuvre de Silvia Avallone. À 32 ans, elle a à son actif deux denses romans et une longue nouvelle (ainsi qu'un recueil de poésie, non traduit), tous exceptionnels. Précarité de la jeunesse ; désindustrialisation, absence de tout espoir politique collectif ; misère des diplômés, tentés de se construire un à-côté du monde plus conforme à leurs valeurs ; omniprésence de la télévision, seule perspective d'ascension sociale pour la jeunesse issue du milieu populaire… Le tableau de l'Italie des années 2000 est aussi sombre que précis. Il s'inscrit dans la longue tradition littéraire italienne du réalisme. La suite de cette série s'efforcera, de manière aussi subjective qu'assumée, d'évoquer sur le mode du jeu des sept familles – le grand-père, la grand-mère, le père, etc., Silvia Avallone étant la fille – une généalogie balisée de quelques œuvres de cette littérature italienne à la fibre sociale, qui propose un tableau de la société transalpine si loin de l'autofiction et autres formes de déballages narcissiques tellement en vogue en France.
Dans la famille de la littérature sociale italienne (6/6)
Une famille littéraire (1/6): Silvia Avallone et les filles de l’Italie des années 2000
Elle n’a publié que deux romans que, déjà, elle impose son regard dans le tableau de la société transalpine. Et s’installe dans une lignée d’écrivains italiens à la fibre sociale. Premier article d’une série de six qui tenteront de composer la famille de plume du phénomène Silvia Avallone.
8 août 2016 à 17h37