En octobre 2019, les responsables présumés des détournements de fonds opérés sur les ventes d’armes du gouvernement Balladur comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris. Mediapart a assisté aux audiences. Au milieu des années 1990, 173 millions d’euros sont sortis des caisses de l’État et de ses sociétés d’armement au profit d’intermédiaires amis qui organisaient des retours en espèces en France.
Au tribunal correctionnel, les anciens cadres de la Direction des constructions navales, aujourd’hui Naval Group, ont témoigné des directives du chargé de mission du ministre de la défense pour favoriser le versement des commissions à l’intermédiaire du clan Balladur. Naval Group soutient la relaxe de leur ancien directeur et de plusieurs prévenus.
Entendu lundi par le tribunal correctionnel, l’intermédiaire Ziad Takieddine a contesté avoir remis des espèces destinées à la campagne d’Édouard Balladur, accusant le juge Renaud Van Ruymbeke d’avoir forcé ses premières déclarations. Jeudi, il avait déjà soutenu qu’il n’avait été qu’un « émissaire de l’Arabie saoudite » et un messager pour la première ministre Benazir Bhutto.
Interrogé par le tribunal, Renaud Donnedieu de Vabres, l’ex-ministre de la culture, a soutenu que Ziad Takieddine, soupçonné d’avoir détourné près de 170 millions d’euros, avait été « utile » à la signature des contrats d’armement du gouvernement Balladur. Nicolas Bazire s’est dit étranger aux versements en espèces de la campagne.
Thierry Gaubert, ancien chef de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère du budget, qui comparaît pour avoir encaissé en 1995 des espèces provenant des contrats d’armement, s’en est pris à son ex-épouse et à « ces femmes » qui ont trop parlé. La misogynie imprègne le procès Karachi, où les prévenus font face à un tribunal féminin.
Le procès du volet financier de l’affaire Karachi donne lieu à la rencontre de deux mondes qui ne se croisent jamais – ou si peu. Le monde des cols blancs, son pouvoir, son argent, sa vanité, incarné par les prévenus. Et celui des cols bleus, des ouvriers et leur colère, incarné par les survivants et familles de victimes de l’attentat de Karachi.
Après s’être constitué tardivement partie civile dans le volet financier, le constructeur français des sous-marins a défendu devant le tribunal l’absence de faute de la Direction des constructions navales - international (DCN-i) et des responsables politiques français. Il ne demande que la condamnation des intermédiaires et de Thierry Gaubert pour « abus de confiance ».
En dénonçant une opération de « prédation » destinée à financer la campagne de Balladur, le procureur de la République a souligné « l’enjeu moral » de l’affaire et a requis des peines de prison allant de trois à sept ans. Cinq ans de prison dont deux avec sursis ont été réclamés à l’encontre de Nicolas Bazire et Renaud Donnedieu de Vabres.
Les deux derniers jours du procès du volet financier de l’affaire Karachi ont été consacrés aux plaidoiries. Tous les avocats des prévenus, de Nicolas Bazire à Ziad Takieddine, en passant par l’ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres, ont plaidé la relaxe. Le jugement sera rendu en avril, vingt-six ans après les faits.
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