La mise en examen du secrétaire général de l’Élysée pour « prise illégale d'intérêts » a été annoncée le lundi 3 octobre 2022. En cause : ses liens familiaux cachés avec les principaux actionnaires du groupe de transport MSC, un des premiers clients des chantiers de Saint-Nazaire. À plusieurs reprises, il s’est trouvé en position de mettre les moyens de l’État à disposition du croisiériste, avant d’aller y pantoufler. Retrouvez quatre ans d’enquêtes sur cette affaire, révélée par Mediapart.
Bruno Bézard et Jean-Dominique Comolli, anciens directeurs de l’APE, ont été mis en examen pour « complicité de prise illégale d’intérêts » dans le cadre de l’affaire Kohler, comme l’a révélé « Complément d’enquête » ce 13 mars. Sans leur intervention et leur protection, le secrétaire général de l’Élysée ne se serait jamais trouvé en situation de « prise illégale d’intérêts ».
Mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » en septembre, le secrétaire général de l’Élysée se voit reprocher « sa participation » comme haut fonctionnaire, entre 2009 et 2016, à des décisions touchant le groupe MSC, lié à sa famille. Lors de son interrogatoire, il s’est dit « choqué » que « son intégrité » soit mise en cause.
Le bras droit d’Emmanuel Macron a été mis en examen pour « prise illégale d’intérêts » et placé sous le statut de témoin assisté pour « trafic d’influence », le 23 septembre dernier, pour avoir caché ses liens familiaux avec le groupe de transport maritime MSC et être intervenu à de multiples reprises en sa faveur. L’Élysée a mis tout en œuvre depuis cinq ans pour enterrer le dossier. En vain.
Dans le cadre d’une nouvelle enquête pour « trafic d’influence » et « prise illégale d’intérêts », la justice a découvert des documents dérangeants pour le secrétaire général de l’Élysée. Non seulement il a été beaucoup plus impliqué qu’on ne l’imaginait dans tous les dossiers concernant de près ou de loin l’armateur MSC, mais des documents ont disparu à certains endroits – mais été retrouvés dans d’autres – afin d’effacer les traces de ses interventions.
Fin 2019, Alexis Kohler réfléchit activement à sa reconversion. Et il n’y a qu’un poste où il se voit aller après l’Élysée : directeur général de la branche cargo de MSC. Mais pourquoi le secrétaire général du palais tient-il tant à travailler dans le groupe de ses cousins, la famille Aponte ?
La Sfil, une discrète banque publique qui assure les financements des bateaux achetés en France par le groupe MSC, s’est réjouie en 2020 de bénéficier du « soutien » du secrétaire général de l’Élysée. Ce dernier a des liens familiaux avec les Aponte, les principaux actionnaires de MSC.
L’enquête judiciaire pour « trafic d’influence » dans le dossier Suez-Veolia pourrait menacer, en pleine campagne présidentielle, Alexis Kohler, déjà englué dans le conflit d’intérêts du dossier MSC. Deux affaires qui mettent en cause les pratiques de certains membres de la haute fonction publique.
Le secrétaire général de l’Élysée a refusé par deux fois de répondre à la convocation de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale pour expliquer son rôle dans l’OPA de Veolia sur Suez. Son refus conforte les soupçons dans ce dossier : Suez-Veolia est bien une affaire d’État.
C’est aussi cela la traduction du conflit d’intérêts d’Alexis Kohler. Gravement touché par la crise du Covid-19, l’armateur a obtenu la suspension de tous ses remboursements de crédits pendant un an. L’État se retrouve surexposé au risque du croisiériste. Une conséquence des facilités qui ont été consenties à MSC, lequel a obtenu pendant des années « un accès à la liquidité publique » sans contrainte.
Contrairement à ce qu’il a toujours affirmé, Alexis Kohler a pu, dans toutes les fonctions qu’il a exercées au ministère des finances de 2008 à 2016, garder l’œil et même intervenir sur les dossiers intéressant l’entreprise MSC, à laquelle il est lié familialement.
Passant outre la séparation des pouvoirs, Emmanuel Macron a écrit au PNF à l’été 2019 pour disculper Alexis Kohler, au lendemain d’un rapport de police l’accablant. À la suite de cette lettre, un second rapport d’enquête a été écrit, aboutissant à des conclusions inverses. Un mois plus tard, l’enquête sera classée sans suite.
En moins d’un mois, et après la lettre d’Emmanuel Macron, les enquêteurs de la brigade de la répression de la délinquance économique ont radicalement changé d’analyse sur le cas Kohler. Un grand exercice de réécriture pour effacer les éléments compromettant le numéro deux de l’Élysée.
L’Élysée a annoncé dimanche la commande de deux paquebots par le deuxième transporteur maritime mondial. Une commande à 2 milliards d’euros pour les chantiers de l’Atlantique. Mais dans les faits, tous les risques sont pris par la puissance publique.
Saisie par Mediapart, la commission d’accès aux documents administratifs a prononcé un avis défavorable à la communication de ce document que le secrétaire général de l’Élysée aurait dû remplir lorsqu’il était administrateur du port du Havre. Mais elle laisse planer des doutes sur une déclaration qui aurait dû être confiée aux Archives nationales, selon la loi. A-t-elle jamais existé ?
La Cour des comptes a rendu public un référé sévère sur le terminal multimodal du port du Havre. Un projet décidé « à la hâte », « protégeant mal les intérêts publics » et qui « n’a pas trouvé son équilibre économique ». Alexis Kohler était administrateur du port au moment où le projet et le montage financier ont été adoptés. Il avait tout approuvé.
Lors d’une perquisition au ministère de la transition écologique et solidaire, la police judiciaire, qui souhaitait saisir la déclaration d’intérêts d’Alexis Kohler du temps où il siégeait au conseil de surveillance du port du Havre, ne l’a pas trouvée. Le document a-t-il été caché ? Ou bien le collaborateur d’Emmanuel Macron aurait-il évité de la remplir ?