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Patrick Gobert: «Dans les CE, les salariés viennent aujourd'hui chercher du secours»

Il est dans l’air néolibéral du temps d’attaquer les acquis sociaux des travailleurs, comme leurs instances représentatives du personnel par exemple. Patrick Gobert et Jean-Michel Leterrier retracent dans un ouvrage soixante-dix ans d’histoire mouvementée des comités d’entreprise.

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Rachida El Azzouzi

15 mars 1944. « Nous réclamons l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités financières (…) le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, (…) et la participation des travailleurs à la direction de l’économie. » Après des mois de négociations et réflexions dans les maquis de la clandestinité, le Conseil national de la Résistance (CNR) publie Les Jours heureux, son programme économique et social pour relever la France de la guerre et du joug nazi. Parmi les mesures, les plus grandes conquêtes sociales du XXe siècle et la naissance du fameux « modèle social français » : la création de la Sécurité sociale, de la retraite, mais aussi, méconnue, celle des comités d’entreprises, l’une des plus vieilles doléances ouvrières, qui a traversé les luttes du XIXe siècle.
Le Front populaire avait bien institué en juin 1936, avec les accords de Matignon, les délégués du personnel dans les entreprises de plus de dix salariés. Mais ce n’est qu’à la Libération et grâce à la Résistance (et au rôle actif des ouvriers) que la gestion des entreprises se démocratise en donnant quelques droits d’intervention aux salariés. La naissance de ce que l’on appelle aujourd’hui les « CE » sera actée en deux textes. D’abord une ordonnance du 22 février 1945, sous le général de Gaulle, qui donne uniquement aux nouvelles institutions une compétence de gestion des œuvres sociales, très loin des principes avant-gardistes de cogestion portés par le CNR. Puis, le 16 mai 1946, une loi véritablement fondatrice, votée après la démission de De Gaulle, dans l’ire patronale et grâce à la poussée communiste à l’Assemblée constituante.
Défendue par « le ministre des travailleurs », Ambroise Croizat, qui fut secrétaire de la fédération CGT de la métallurgie et président de la commission du travail de l’Assemblée consultative (qui entourait le Comité français de libération nationale), elle ramène à 50, et non à 100, le nombre de salariés à partir duquel une entreprise doit créer un comité d’entreprise, donne un droit d’information (et non plus seulement de consultation) au CE en matière de gestion et de marche de l’entreprise, proclame l’assistance d’un expert-comptable, le droit d’information obligatoire sur les bénéfices et les documents remis aux actionnaires, double le nombre d’heures de délégation (20)…
Soixante-dix ans plus tard, deux experts du monde social publient aux Éditions du 1er Mai un ouvrage passionnant et fort documenté qui retrace l’épopée tourmentée de ces interfaces entre les salariés et l’employeur, de la Libération à aujourd’hui : Voyage au pays des CE, 1945-2015. Patrick Gobert est spécialiste des comités d’entreprise, directeur du Toit citoyen, le club des élus de CE ; Jean-Michel Leterrier est une figure de la CGT, ancien ouvrier de la métallurgie devenu historien, longtemps responsable des activités culturelles du CE de l’usine Renault-Billancourt. À quatre mains, ils rendent hommage aux 200 000 élus de l’ombre qui font vivre les 35 000 CE de l’Hexagone, « ces grands oubliés de l’histoire sociale et culturelle de notre pays qui ont façonné et transformé en profondeur notre paysage national : démocratisation culturelle, tourisme social, activités physiques et sportives, monde de l’enfance, restauration collective, études économiques et sociales ».

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