Notre dossier sur l’antisémitisme en France Analyse

L’hiver du vivre ensemble

L’instrumentalisation de l’affaire Meklat, qu’il ne faut pas minimiser, était prévisible. Mais les calomnies ciblées et les mensonges à répétition d’une nébuleuse qui se prétend républicaine, antiraciste, voire de gauche, placent ses acteurs devant leurs responsabilités : faire la courte échelle électorale à Marine Le Pen après lui avoir ouvert un boulevard idéologique.

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« Aujourd’hui, nous sommes en présence d’un autre peuple au sein de la nation française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques qui nous ont portés. Il n’y aura pas d’intégration tant qu’on ne se sera pas débarrassé de cet antisémitisme atavique qui est tu comme un secret. (…) Dans les familles arabes en France, et tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère. »

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Cette phrase a été prononcée par Georges Bensoussan, historien important de la Shoah reconverti en chroniqueur polémique et apeuré d’Une France soumise (son dernier opus), dans l'émission d'Alain Finkielkraut sur France Culture. Elle lui vaut en ce moment un procès pour incitation à la haine raciale dans lequel un collectif d'associations, allant de la Ligue des droits de l’homme à la Licra, en passant par le MRAP, SOS-Racisme et le Collectif contre l’islamophobie en France, est partie civile, et dont le verdict sera rendu le 7 mars prochain.

Cette phrase exprime aussi de manière crue ce que sous-entendent ceux qui veulent instrumentaliser, au prix d’amalgames, de calomnies, et d’une propension inquiétante à souffler sur les braises alors que Marine Le Pen est aux portes du pouvoir, l’affaire Meklat, cet ex-chroniqueur du Bondy Blog auteur d'un grand nombre de tweets débordant de haine à la fois antisémites, homophobes et misogynes. Il serait sans doute souhaitable, en dépit des risques de prescription, que Mehdi Meklat succède, à la barre du tribunal, à Georges Bensoussan, pour clarifier les choses. En effet, les excuses du jeune homme ont été insuffisantes et il n’y a pas d’indulgence spécifique à avoir au motif que Mehdi Meklat viendrait d’un quartier relégué, d’un milieu socialement dominé ou d’une famille d’origine immigrée.

L’ex-journaliste du Bondy Blog s’abrite trop facilement derrière son jeune âge, une expérimentation littéraire, une volonté de provoquer et une schizophrénie entre lui et son double maléfique, Marcelin Deschamps. Même si l’usage d’un tel pseudonyme créé durant la préhistoire de Twitter n’est pas sans incidence sur le déroulement des faits et s’il n’y a pas de raison, à partir du moment où il s’avère nécessaire de creuser la face noire de Marcelin Deschamps, d’être entièrement sourd aux mots apaisés de Mehdi Meklat quand il s’exprime à visage découvert. Nous ne sommes toutefois ni confrontés à une erreur de jeunesse, ni à un dérapage, mais à une faute grave. Il sera toujours temps, plus tard, de s’interroger sur la violence et la rage emmagasinées par certains « transclasses », déracinés de l’intérieur en passant trop rapidement d’un milieu social à un autre. Aujourd'hui, la priorité est que la justice suive son cours et que Meklat « purge » sa conscience, comme l’écrivait Christiane Taubira.

Cela étant dit, il existe une autre priorité, politique celle-là. Le cas de Mehdi Meklat ne doit pas permettre une culpabilité par association, voire une « punition collective », telle qu’on la pratiquait à l’époque de l’indigénat et des colonies, de toutes les banlieues, de tous les musulmans, de tous les Arabes, voire de tous les journaux qui ont, un jour, fait un entretien avec Mehdi et Badrou sans pouvoir imaginer que Meklat tenait de tels propos sur Twitter. Ou alors il faut également demander des comptes à tous les chrétiens lorsque Christine Boutin est condamnée en justice pour avoir jugé que « l’homosexualité est une abomination » et vouer aux gémonies les bobos qui pratiquent le yoga lorsque les bouddhistes extrémistes de Birmanie s’en prennent aux minorités musulmanes…

Cette incohérence n’a pas empêché le président de la Licra, Alain Jakubowicz, de s’empresser d’affirmer que « cette affaire est l’arbre qui cache une forêt de haine et de complaisance sur laquelle il faut ouvrir enfin les yeux ». Et un étrange arc d’alliance allant de la fachosphère aux vallsistes rancuniers fait, depuis, feu de tout bois pour réimposer comme agenda politique mortifère cette question identitaire sortie par la porte des primaires avec la défaite de Sarkozy, puis celle de Valls, au moment précis où la campagne nous permettait d’escompter un débat public plus intéressant (éthique et probité, social, économie, Europe, travail, institutions…).

Cette nébuleuse de plus en plus structurée, qui croit incarner un « printemps républicain » alors qu’elle n’est en réalité qu’un hiver du vivre ensemble, pousse ses pions pour, en utilisant cette désastreuse affaire, diviser la citoyenneté, réduire les banlieues à des territoires barbares, affaiblir la gauche et faire la courte échelle électorale à Marine Le Pen après lui avoir ouvert un boulevard idéologique. En passant, elle critique l’ensemble des voix et des médias qui refusent d’embrayer sur la stigmatisation des musulmans constamment réactivée depuis des années. Le plus terrible dans cette attitude est sans doute la haine sociale qu’elle exprime vis-à-vis des quartiers populaires et de leur jeunesse. Mais l’entourloupe la plus visible est l’affirmation faite par le Printemps républicain que « le plus grave dans l’affaire (…), c’est la responsabilité des médias qui l’ont embauché, soutenu, promu, encensé… ».

Mediapart et son président, Edwy Plenel, se retrouvent en première ligne de ce feu vengeur venu d’un camp mal en point après la défaite de ses champions, mais actif sur les réseaux sociaux et ayant définitivement largué les amarres avec la commune décence et le souci de vérité. En effet, Mediapart n’a, en tout et pour tout, donné la parole à Mehdi et Badrou qu’une dizaine de minutes, à l’occasion d’une soirée « live » co-organisée avec le Bondy Blog à l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré (c’est aussi la seule fois où Edwy Plenel a croisé Mehdi Meklat). C’est-à-dire nettement moins qu’à Laurent Bouvet, politologue et héraut numérique d’une gauche prétendument « forte », qui nous accuse aujourd’hui de manque de déontologie pour avoir « promu Mehdi Meklat et attaqué Caroline Fourest »…

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« Liberté d'opinion » et « information sur les faits »

Puisqu’elles sont sans fondement factuel, faut-il déduire de ces attaques obsessionnelles contre le directeur de Mediapart que d’avoir écrit Pour les musulmans (titre d’un article de Mediapart avant de devenir un livre à La Découverte), plaidoyer contre toutes les discriminations sans en oublier aucune, le transforme, par amalgame, en coupable de toute bêtise, saloperie ou crime qu’écrira, proférera ou commettra un quelconque musulman un jour ?

La haine viscérale de la fachosphère, les coups bas de Valeurs actuelles ou les boules puantes du Point sont malheureuses, mais attendues. Les attaques et les dérives d’individus censés ne pas courir après le Front national, défendre une haute idée de la République, voire appartenir au combat antiraciste, sont à la fois plus inquiétantes et plus irresponsables. Pourtant, Gilles Clavreul, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, passe son temps de préfet à abreuver les réseaux sociaux de mensonges affirmant, par exemple, que Mediapart a « couvé le sinistre » Mehdi Meklat, alors que précisément son travail consisterait, plutôt, à lutter contre ce genre de tweets.

Alain Jakubowicz, le président de la Licra, ose juger que « Mediapart a supplanté tous les autres dans le retournement consistant à transformer le coupable en victime », alors que nous avons été un des premiers quotidiens à publier un article sur l’affaire en soulignant que les tweets de Mehdi Meklat étaient « indéfendables », que la « contrition était bien faible » et que « l’argument du personnage inventé, pour les besoins de l’expérience, ne tenait pas la route ». La palme de l’agressivité coupée de toute réalité revient sans doute à un Pascal Bruckner en pleine promotion de son dernier ouvrage. Piétinant ses idéaux de jeunesse pour chercher des boucs émissaires et attaquer ceux qui rêvent encore d’égalité, il nous traite donc de site « fréro-salafiste », une insulte doublée d’une absurdité quand on mesure à quel point les Frères musulmans et les salafistes ont passé plus de temps à s’affronter qu’à s’accorder, ne serait-ce qu’en Égypte par exemple.

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Toutes ces personnes, qui ont pourtant en commun d’avoir lu attentivement Hannah Arendt, devraient se souvenir de ce qu’elle écrivait dans La Crise de la culture (1968) : « La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat. » Si l’on veut sortir des amalgames et du confusionnisme, tombeaux respectifs de la République et de la gauche, il ne faut donc minimiser ni l’affaire Meklat, ni l’instrumentalisation de celle-ci, ni la calomnie dont toute une partie des médias, de la gauche et des quartiers populaires fait aujourd’hui l’objet.

Beaucoup des prétendus défenseurs de la laïcité et de la République se sont en effet mués en entrepreneurs de guerre civile, en ne cessant d’attaquer, au nom d’une laïcité falsifiée, les musulmans et les banlieues et tous ceux qui refusent de les stigmatiser, accusés d’être de dangereux « islamo-gauchistes », une catégorie aussi floue qu’indigente. Ils ont raté leur coup en n’empêchant pas Benoît Hamon de défaire Manuel Valls à la primaire de gauche. Il fait trop froid pour qu’ils aient un burkini à se mettre sous la dent. Ils se précipitent donc sur les munitions généreusement fournies par Mehdi Meklat pour, encore une fois, diviser la République, brutaliser la société et affaiblir ceux qui réclament égalité et équité pour tous les citoyens français.

Non seulement, on aimerait qu’ils ne pratiquent pas le deux poids, deux mesures et que ceux qui, aujourd’hui, attaquent France Inter ou Le Seuil pour avoir embauché Mehdi Meklat demandent alors autant de comptes à Albin Michel quand la maison d’édition promeut Éric Zemmour, condamnent Gallimard pour avoir accueilli aussi longtemps Richard Millet parmi ses éditeurs de premier plan, ou exigent que POL fasse un acte de contrition perpétuel pour avoir publié l'antisémite Renaud Camus.

Mais, surtout, on aimerait rappeler à Alain Jakubowicz une formule qu’il aime citer : « On ne lutte pas contre l’antisémitisme sans lutter contre le racisme, et inversement. » Autrement dit, soit on luttera contre toutes les haines en même temps et on élaborera les conditions de causes communes et de solidarité entre minorités, soit on aboutira à la guerre civile et à « l’encampement » de la société. Frantz Fanon, dont Mehdi Meklat a pu dire qu’il était une de ses références et qu’il a sans doute très mal lu, aimait rappeler la leçon donnée par son professeur de philosophie : « Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous… Un antisémite est forcément négrophobe. »

Au-delà de la calomnie, il faut toutefois encore répondre sur le fond (ou le bas-fond) de l’affaire et son instrumentalisation politique, qui se résume en quatre sous-entendus principaux : Mehdi Meklat serait l’incarnation des territoires perdus de la République, la laïcité serait menacée par les musulmans, la France serait face au danger communautariste et la gauche multiculturelle ferait le jeu de l’islamisme.

Régler ses comptes avec ses propres peurs

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Mehdi Meklat est né en 1992, dix ans tout juste avant la parution du brûlot publié par Georges Bensoussan sous le pseudonyme d’Emmanuel Brenner (son double maléfique ?). Intitulé Les Territoires perdus de la République, l’ouvrage dénonçait le sexisme et l’antisémitisme des écoles, collèges et lycées de la région parisienne, et celles et ceux qui s’y réfèrent aujourd’hui tracent une ligne directe entre l’écolier de Saint-Ouen qu’était Mehdi, et Marcelin Deschamps donc, le pseudo de Meklat sur Twitter. À cela, il faut opposer trois arguments. D’abord l’absence de terrain réel et le manque de sérieux méthodologique de l’ouvrage, dont Une France soumise constitue la simple actualisation. Ce n’est pas un hasard si le camp de cette gauche dite républicaine, aujourd’hui à la manœuvre, déteste, à l’instar de leur champion Manuel Valls, les sciences sociales et juge « qu’expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ». S’interdisant de comprendre, ils s’interdisent non seulement de se demander si ces territoires sont perdus ou abandonnés, mais aussi d’agir contre les dérives réelles qui peuvent y être constatées.

Ensuite, s’il y a malheureusement de l’antisémitisme et de l’homophobie en banlieue, il y en a aussi à Versailles et dans le Gers, souvent de façon très violente, comme la Manif pour tous en a été la démonstration. Il est d’ailleurs symptomatique de constater que l’antisémitisme viscéral de Marcelin Deschamps, qui se concentre sur la supposée avarice des Juifs, ressemble moins à celui d’un jeune Arabe aveuglé par la cause palestinienne qu’au produit d’une histoire très française.

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Enfin, depuis quinze ans que ces territoires ont prétendument été perdus et que la guerre civile n’a pas eu lieu, il serait peut-être enfin temps de ne pas ressortir, à chaque campagne électorale, les motifs et les fantasmes d’une politique de la peur qui confond la nécessaire application des règles de la République avec la mise en cause de classes dites « dangereuses », non plus « laborieuses » mais ethnicisées. Que l’antisémitisme, l’islamisme et la rupture avec la loi commune prospèrent dans certains quartiers populaires sur le terreau d’une misère sociale et d’un abandon politique qui, pour réels qu’ils soient, ne sauraient expliquer l’intégralité de cette rage, n’exonère pas le « printemps républicain » de ses responsabilités. Quels sont, en effet, les contours de la « république » qu’il nous propose, en dehors du retour à l’école de la IIIe République où il était « interdit de cracher et de parler breton » ou de la construction de « murs de sécurité » le long des enceintes périphériques des villes françaises ? Le « printemps républicain » ne mérite, encore une fois, pas son nom, s’il se contente d’attendre que Marine Le Pen rédige les décrets d’application de son idéologie…

La gauche laïciste pour qui la République tient lieu depuis quinze ans de question sociale doit, par ailleurs, comprendre qu’elle n’est pas en train de préserver notre socle commun quand elle transforme la laïcité en principe punitif, alors que celle-ci n’est ni menacée ni négligée. Est-il vraiment urgent « de ramener la laïcité au centre du débat », comme le demande, en interpellant pour la première fois de son histoire les candidats à une élection présidentielle, le journal Charlie Hebdo, fort du magistère et de l’émotion que lui a conférés la tuerie perpétrée au sein de sa rédaction il y a deux ans ? La laïcité n’a pourtant jamais quitté le devant de la scène bien longtemps. Depuis 1989 et l’affaire de Creil, cela va faire bientôt trente ans qu'on s’empoigne sur des bouts de tissu qui masquent non seulement des visages et des corps, mais aussi des questions politiques, spatiales, sociales et économiques autrement urgentes.

La haine de la religion est aujourd’hui un archaïsme qui empêche une partie des gauches françaises d’être au contact d’une large frange des classes populaires, et ce n’est pas épouser à tout prix la cause des damnés de la terre que d’observer que les partisans d’une laïcité agressive alimentent aujourd’hui une islamophobie politique, médiatique et populaire, à moins de considérer que tous ceux qui s’en démarquent, du pape François à Emmanuel Macron, appartiennent aussi au camp des dangereux « islamo-gauchistes. » Et ce n’est pas non plus être naïf ou angélique que de refuser d’inventer, de manière récurrente, des ennemis imaginaires ayant les traits de ces jeunes filles voilées à l’université ou de ses mères de famille en burkini sur la plage.

Sur le communautarisme, il faudrait se décider et cesser de reprocher aux musulmans des attitudes censées être opposées aux valeurs de la République tout en leur enjoignant, en parallèle, de se justifier en tant que membre de cette « communauté musulmane » qui « n’existe pas », dixit Olivier Roy. Pour comprendre à quel point le fantasme du « communautarisme » projeté sur les musulmans est éloigné de la réalité, l’une des rares études scientifiques disponibles sur le sujet à été menée par l'INED. Cette enquête Teo « Trajectoires et Origines » démontre, chiffres à l’appui, que les musulmans ne font guère exception au reste des communautés nationales.

L’endogamie religieuse (le fait de s’unir à une personne partageant la même croyance) des musulmans se situe ainsi dans une fourchette numérique semblable aux chrétiens (autour de 80 %) et est légèrement supérieure à celle des athées ou des juifs. Les musulmans choisissent le plus souvent leurs amis en dehors de leur communauté religieuse, ce qui les différencie des athées, ayant plus souvent tendance à se lier avec d'autres personnes sans religion. Et un tiers des musulmans mentionnent la religion comme un élément définissant leur identité, ce qui les place au-dessus des catholiques (7%), mais en dessous des Juifs (45%). Il faudrait donc clarifier une bonne fois pour toutes cet épouvantail du communautarisme qui effraie les plus républicains à gauche. S’il est difficile de nier les replis sociaux, spatiaux ou religieux dans certains quartiers, il faut tout de même rappeler que le groupe social qui remplit le mieux les critères les plus stricts du « communautarisme » (c’est-à-dire entre soi et sécessionnisme spatial et immobilier, mais aussi endogamie maritale et familiale) demeure la haute bourgeoisie…

Pour finir, la gauche multiculturaliste n’existe tout simplement pas dans le pays. Personne ne défend une France multiculturelle au sens constitutionnel ou juridique du terme, même si, et c’est compréhensible dans ce contexte de stigmatisation des populations de croyance et/ou de culture musulmanes dans lequel nous baignons, une fraction du camp indigéniste s’est engagée dans un raidissement identitaire rageur qui prend le risque de légitimer les sarcasmes des pseudo-républicains ultralaïques prenant pour cible les multiculturalistes angéliques.

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Il existe pourtant, comme nous l’écrivons dans le dernier numéro de la Revue du Crieur, « suffisamment d’articulations réelles entre question sociale et question raciale (ne serait-ce que la composition concrète des classes populaires) pour que nous n’ayons pas à choisir entre la défense des ouvriers blancs et celle des Arabes musulmans. Les sociétés européennes ont certes été transformées en profondeur par l’apport migratoire des dernières décennies et présentent aujourd’hui un visage beaucoup plus divers qui impose de veiller sur les malaises d’un monde social fragilisé économiquement. Mais il est possible de prendre en compte les communautés et les cultures sans vouloir les rattacher au forceps à une improbable souche homogénéisée a posteriori en redéfinissant les conditions de fonctionnement et les exigences d’un creuset social qui ne soit ni un “open bar” multiculturaliste ni une nouvelle variante de l’assimilation coloniale. Cela n’implique ni “déni des cultures”, ni de brandir avec effroi une “insécurité culturelle” qui ne fait que durcir les difficultés et les rivalités en les rendant irréductibles. Ceux qui pensent ainsi incarner une “gauche forte” ou un “constat lucide” face à une gauche “bien pensante” ne font que chevaucher les dérives du camp adverse ».

La principale menace qui pèse aujourd’hui sur l’unité du pays ne réside pas dans les dérives antisémites des territoires supposément perdus de la République, mais bien dans la perspective d’une victoire électorale de Marine Le Pen que préparent, volontairement ou inconsciemment, celles et ceux qui jouent avec le feu en instrumentalisant l’affaire Meklat pour régler leurs comptes avec leurs peurs ou leurs adversaires.

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