Visé par un tir de LBD et tabassé le 1er juillet, Hedi n’a toujours pas reçu le moindre coup de fil du gouvernement. Les syndicats de police, eux, ont été accueillis avec les honneurs au ministère de l’intérieur. Ils font « pression » pour obtenir un statut juridique à part.
Des policiers sont venus acclamer ce jeudi à Marseille leurs collègues soupçonnés d’avoir blessé au LBD, tabassé et laissé pour mort un jeune de 22 ans. Plus qu’un crachat au visage de la victime, cette scène illustre le sentiment d’impunité toujours plus grand qui est le leur.
Dans la nuit du 1er au 2 juillet, le jeune homme a été touché par un tir de LBD qui lui a causé un grave traumatisme crânien. Il dit aussi avoir été « tabassé », avec plus de 60 jours d’arrêt de travail à la clef. Quatre policiers ont été mis en examen vendredi, et l'un d'entre eux incarcéré.
Après avoir été éborgné par un tir policier de LBD le 29 juin, au cours des affrontements liés au décès de Nahel, Mehdi vient de déposer plainte. Le parquet de Bobigny indique à Mediapart avoir ouvert ce jeudi une enquête préliminaire et saisi l’Inspection générale de la police nationale.
Après la mort du jeune Nahel, Mediapart a analysé le JT du 20 heures de France 2 pendant une semaine. Résultat : des reportages essentiellement axés sur les violences, laissant peu de place aux questionnements sur les causes des révoltes.
Les clichés sur les quartiers populaires persistent dans de nombreuses rédactions françaises et produisent des biais sur le traitement médiatique des banlieues. Beaucoup de journalistes le déplorent, mais se gardent de le dire par crainte d’être brocardés ou de se voir reprocher un manque de neutralité.
En réponse à l’autoritarisme gouvernemental, de plus en plus aligné sur la violence verbale de l’extrême droite, et au déni du racisme et des violences policières, une riposte unitaire se construit, que beaucoup disent « inédite ».
Lors de la marche annuelle en hommage à Adama Traoré, samedi 8 juillet, son frère Yssoufou Traoré a été violemment interpellé par la BRAV-M. Cette unité de policiers motorisés, réputée violente et déjà visée par plusieurs enquêtes, a également pris à partie trois journalistes dont certains s’apprêtent à déposer plainte.
Une manifestation contre les violences policières, initialement prévue samedi 15 juillet à Paris, a de nouveau été interdite par la préfecture. Réunis au sein d’une coordination, de nombreux collectifs ont raconté leur combat, parfois victorieux, au nom des victimes. À leurs yeux, les autorités veulent empêcher toute expression politique.
En dépit de l’interdiction préfectorale, le comité Vérité et justice pour Adama a défilé à Paris contre les violences policières et le racisme. Dans le contexte de révolte des quartiers populaires après la mort de Nahel, la mobilisation pacifique, soutenue par la gauche sociale et politique, a donné lieu à l'interpellation violente d’un frère Traoré par la police.
La demande de justice est, pour le sociologue Samir Hadj Belgacem, l’élément clé pour comprendre les révoltes urbaines qu’a connues le pays ces derniers jours. A fortiori pour les jeunes des quartiers populaires, « cibles faciles » pour la police et que l’on considère à tort « comme des adultes ».
La sociologue et urbaniste Marie-Hélène Bacqué avait coordonné un rapport, aussi intéressant qu’il fut vite ignoré, sur la « démocratie d’interpellation » dans les quartiers populaires. Dix ans après la remise de ce rapport, et dix jours après la mort de Nahel, elle revient sur cet abandon d’une politique de la ville ambitieuse et participative.
Les événements survenus depuis la mort de Nahel ont montré que les quartiers populaires ne sont dignes de l’intérêt journalistique que lorsqu’ils s’embrasent. En focalisant l’attention sur les images de voitures incendiées et de vitrines brisées, les médias ont éludé les causes socio-économiques de ces violences, analyse Nordine Nabili, ancien directeur du Bondy Blog.
Le chercheur Didier Fassin enseigne à la fois aux États-Unis et en France, où il a étudié l’action de la police dans les quartiers populaires. Pour Mediapart, il revient notamment sur les similitudes et les différences après les meurtres de George Floyd et de Nahel.
Interpellée à Nanterre le jour de la marche pour Nahel, une jeune femme de 21 ans s’est retrouvée accusée par un policier de lui avoir asséné des « coups de poing ». Grâce à une vidéo sur les réseaux sociaux, son avocate a obtenu que le tribunal requalifie ces prétendues « violences » en « rébellion ».
Violences policières, contrôles au faciès, poids des syndicats de police, armement… Une semaine après le drame de Nanterre, le député insoumis et son collègue socialiste s’accordent sur la nécessité de transformer l’institution policière, mais divergent sur la stratégie.