Dossier Guadeloupe et Martinique, de crise en crise
Née d’un refus de l’obligation vaccinale avant d’embrasser des revendications sociales, une nouvelle poussée contestataire a saisi la Guadeloupe et la Martinique. Environnementales ou économiques, politiques ou policière, les îles des Antilles vont de crise de crise, que le quinquennat Macron n’aura pas permis de résoudre. Notre dossier.
Condamné à de la prison avec sursis pour violation de domicile et intimidation, Rodrigue Petitot est sorti de détention vendredi 24 janvier et a déjà appelé à « continuer le combat parce que la vie est encore plus chère ». La mobilisation se poursuit aussi au Parlement et devant le tribunal de commerce.
Déjà condamné à 10 mois de prison ferme pour des propos tenus sur TikTok, Rodrigue Petitot doit être jugé le 21 janvier après s’être introduit dans la résidence du préfet sans autorisation. Ses avocats dénoncent une atteinte à la liberté d’expression.
La Martinique et la Guadeloupe traversent depuis plusieurs semaines une grave crise dont le point de départ est le prix des denrées alimentaires. À l’occasion du congrès des maires à Paris, leurs élus alertent sur le haut niveau de souffrance économique dans les collectivités d’outre-mer.
L’accord signé il y a une semaine semble peu durable, portant uniquement sur des modulations de taxes, qui ne changent en rien le système global des importations, ni les politiques économiques responsables des surcoûts chroniques de la vie aux Antilles.
Gabriel Jean-Marie, secrétaire général de la CGT Martinique, revient sur le mouvement contre la vie chère qui agite l’île depuis le 1er septembre. Il insiste sur la responsabilité des grands groupes de distribution aux mains des békés, reproduisant un modèle colonial qu’il qualifie de « racket ».
L’île antillaise pansait ses plaies jeudi après une nuit de chaos marquée par des pillages, des incendies et des violences qui ont fait 26 blessés chez les policiers et gendarmes, poussant le préfet de l’île à décréter un couvre-feu et l’interdiction des manifestations.
Depuis le 1er septembre, des manifestations contre la vie chère en Martinique créent des tensions dans le territoire. Cette question de la vie chère n’est pourtant pas nouvelle : c’est un fait qui perdure du fait de la structure de l’économie dans les ex-colonies.
Le député socialiste Jiovanny William déplore l’absence de politiques publiques pour la Martinique, en proie à une colère violente liée à l’augmentation des prix du fait de l’inflation.
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En Nouvelle-Calédonie, mais aussi en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, la dissolution de l’Assemblée a pour effet immédiat de figer revendications indépendantistes et velléités d’émancipation, aggravant ainsi la crise démocratique qui touche de longue date ces territoires.
Les députés ont adopté jeudi un texte dans lequel « la République française reconnaît sa responsabilité » dans l’empoisonnement au chlordécone des Antilles françaises jusqu’en 1993. Le texte n’a pas qu’une valeur symbolique et prévoit « l’indemnisation des victimes ».
Neuf mois après le non-lieu dans le dossier pénal du chlordécone, des associations appellent la population à se porter partie civile en vue de la procédure d’appel. Philippe Pierre-Charles, porte-parole du collectif Lyannaj pou dépolyé Matinik, nous explique pourquoi la lutte continue.
À l’époque où les Outre-mer étaient des colonies, le traitement des agent·es de l’État français y était augmenté d’une part substantielle, et parfois même doublé, afin de les rendre attractifs : c’était le « supplément colonial ». Des décennies plus tard, la sur-rémunération a survécu aux changements de statuts et creuse les inégalités. Elle fait grimper les prix des billets d’avions, vide Guadeloupe et Martinique de leur population, entretient la pauvreté à Mayotte et Wallis-et-Futuna...
En organisant mardi 18 juillet un comité interministériel outre-mer (CIOM), la première ministre a tenté de répondre à la crise démocratique et sociale qui secoue les territoires ultramarins. Les élus sont circonspects, voire franchement hostiles, face à une liste de promesses vagues et extrêmement techniques dévoilée par Matignon.
Une commission d’enquête de l’Assemblée nationale tente de faire la lumière sur les écarts de prix entre la métropole et les territoires ultramarins. Au fil de ses auditions, elle a mis au jour un système de prédation dont personne ne veut assumer la responsabilité.
Dans l’archipel, le dialogue social n’existe pas, ou presque. Les grèves dures demeurent un moyen d’action fréquemment utilisé par les syndicats pour faire respecter le Code du travail, loin d’être toujours appliqué par les employeurs. Mais cette culture du conflit se nourrit aussi du poids de l’histoire.
De La Réunion à Tahiti, en passant par la Guadeloupe et la Martinique, la mobilisation syndicale contre la réforme des retraites ne faiblit pas. Au risque, sur place mais aussi à Paris, d’un élargissement des revendications à des causes spécifiques aux territoires ultramarins.