Dans leur demande de placement en détention d’Alexandre Djouhri, les juges d’instruction ont relevé que l’intermédiaire, récemment remis par la justice britannique, « n’hésite pas à faire pression sur ses interlocuteurs », et à manipuler la presse. Exemples à l’appui.
Selon nos informations, El-Mafhoud Ladib, qui avait prétendu cet été dans le Journal du dimanche avoir vu chez Ziad Takieddine le document libyen publié en 2012 par Mediapart, ainsi que du papier officiel « vierge » pour de possibles falsifications, a été en relation avec l’intermédiaire Alexandre Djouhri à Londres, dès début 2019. En septembre dernier, il avait pourtant déclaré aux policiers ne pas le connaître. Pourquoi ?
Proche de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux, l’homme d’affaires Thierry Gaubert avait perçu en février 2006, sur un compte secret aux Bahamas, un demi-million d’euros du régime Kadhafi via une société de Ziad Takieddine.
L’intermédiaire Alexandre Djouhri, protagoniste clé de l’affaire Sarkozy-Kadhafi, a été mis en examen vendredi pour neuf délits présumés, dont « corruption active », « complicité de détournement de fonds publics » et « blanchiment ». Il a été placé en détention provisoire.
Récemment obtenus par les juges de l’affaire Sarkozy-Kadhafi, les agendas ministériels de Brice Hortefeux mettent au jour plusieurs faits majeurs pour l’enquête, qu’il s’agisse de son implication dans le financement de la campagne de 2007 ou des relations de Nicolas Sarkozy avec Thierry Gaubert, un intime du clan qui avait perçu en 2006 de l’argent libyen via l’intermédiaire Ziad Takieddine.
Selon de nouveaux documents obtenus par Mediapart, Thierry Gaubert ne pouvait ignorer que derrière les 440 000 euros d’argent libyen, perçus le 8 février 2006 sur un compte secret aux Bahamas, se cachait l’intermédiaire Ziad Takieddine. Lors de l’enquête, l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy avait prétendu ne pas se souvenir de la provenance de l’argent. Il doit répondre aujourd’hui aux questions du tribunal correctionnel de Paris.
C’est un tournant dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi. Thierry Gaubert, ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy, et intime de son lieutenant Brice Hortefeux, a reçu en février 2006 sur un compte secret aux Bahamas, un an avant l’élection présidentielle, une somme de 440 000 euros provenant des caisses du régime Kadhafi, selon une enquête de Mediapart. L’argent a transité par une société offshore de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui centralisait les versements libyens.
Le parquet général de la cour d’appel de Paris a demandé le rejet intégral de la requête de Nicolas Sarkozy qui réclame la remise en cause de la procédure de l’affaire des financements libyens dans laquelle il est triplement mis en examen. L'ancien président veut choisir ses juges et demande l’immunité présidentielle. Hors de question, répond le parquet général. Audience le 17 octobre.
Selon le mandat d’arrêt délivré contre lui par Interpol en 2012, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Bachir Saleh, a retiré près de 30 millions d’euros en espèces de la banque centrale libyenne entre les mois de février et août 2011, juste avant la guerre. Saleh est soupçonné d’avoir été l’un des hommes clés de l’affaire des financements libyens de Sarkozy.
Un rapport d’expertise vient d’estimer à 250 000 euros le montant des primes remises en liquide au personnel de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Cela vient confirmer l’« absence de sincérité des comptes de campagne » et l’« ampleur de la circulation d’espèces en marge de la campagne » soulignées par les enquêteurs. Ces sommes n’ont jamais été déclarées aux autorités de contrôle.
Ancien directeur du renseignement à la DGSE, Alain Juillet a livré, fin juin, un sévère réquisitoire sur les pratiques de Nicolas Sarkozy et de ses proches en Libye. Il a certifié que les milieux du renseignement français avaient entendu parler bien avant 2011 d’un possible soutien financier libyen aux équipes de l’ancien président.
Les anciens dirigeants d’Airbus Marwan Lahoud et Jean-Paul Gut ont été placés en garde à vue et confrontés, en juin dernier, dans l’affaire libyenne. En 2009, Claude Guéant avait fait pression pour qu’Airbus (ex-EADS) s’acquitte d’une commission au profit d'Alexandre Djouhri sur la vente d’avions à la Libye.
Les questions déontologiques s’accumulent et affaiblissent la défense du clan Sarkozy. Me Francis Szpiner est désormais l’avocat de l'intermédiaire Alexandre Djouhri après avoir défendu l’un de ses accusateurs dans le même dossier. Quant à Me Thierry Herzog, il a déclaré qu’il ne pouvait s’exprimer sur l’un des dignitaires libyens au cœur des soupçons de corruption, Abdallah Senoussi, pour « ne pas entraver les droits de la défense de M. Nicolas Sarkozy ». Mais ses diligences passées au profit de Senoussi ont été confirmées par l’enquête.
Le clan Sarkozy a des raisons de s’inquiéter. Les derniers développements de l’enquête judiciaire dans l’affaire des financements libyens montrent combien les policiers et les juges ont avancé dans leurs investigations sur l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, visé par un mandat d’arrêt. Son bras droit, l’ex-banquier Wahib Nacer, a été mis en examen.
Cet été, les sarkozystes ont mené tambour battant une opération de communication, largement alimentée par une série d’articles du Journal du dimanche, pour dénoncer une « machination » dans l’affaire des financements libyens. La manœuvre ne résiste pas à l’examen des faits. Les voici.
La Cour de cassation a rejeté, mercredi 30 janvier, le pourvoi de Nicolas Sarkozy contre l’ordonnance de non-lieu rendue en faveur de Mediapart à propos de la note libyenne attestant d’une promesse de financement de sa campagne de 2007. L’ancien président de la République ne pourra plus se dérober face à ce scandale révélé par notre journal.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Direction éditoriale : Stéphane Alliès et Carine Fouteau
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
Actionnaires directs et indirects : Société pour l’Indépendance de Mediapart, Fonds pour une Presse Libre, Association pour le droit de savoir
Rédaction et administration : 127 avenue Ledru-Rollin, 75011 Paris
Courriel : contact@mediapart.fr
Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Propriétaire, éditeur, imprimeur : Société Editrice de Mediapart
Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonnés de Mediapart peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr ou par courrier à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 11 place Charles de Gaulle 86000 Poitiers. Vous pouvez également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 127 avenue Ledru-Rollin, 75011 Paris.